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Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 3]): L'art renaissant — Paris: Librarie Plon, 1948

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https://doi.org/10.11588/diglit.71102#0207
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la science de la couleur qu'il tenait des peintres de Flandre, la netteté
et la santé des Champenois. Creuset vibrant de la force italienne, où
la matérialité et la densité de la peinture du Nord venaient s'amal-
gamer à l'acuité d'observation, à la sobriété française ! Par la profon-
deur sourde de ses bruns, de ses rouges, de ses verts presque noirs
ondulant sur le fond abstrait, tout en or avec de lointains clochers et
des dômes, par le balancement tragique des grands corps inclinés sur
le cadavre nu, par ce cadavre lui-même, pur et sculpté comme une
idée, la grande Pieta d'Avignon est l'un des sommets de l'harmonie.
Hors de l'Italie et de la Flandre, où tout, à cette heure-là, chantait
comme un orchestre, dans le grand silence de la France, c'est mainte-
nant comme le son d'un violoncelle montant seul au-dessus des
tombeaux.
Quelle que fût, au xve siècle, la misère de la France, le foyer d'où
sortit cette œuvre ne pouvait pas manquer de projeter quelques lueurs
dans l'imagination des artistes de ses provinces du Nord. Même avant
l'époque gothique, d'ailleurs, l'Italie avait agi sur eux et le roman
n'était qu'une application mêlée d'influences orientales et septen-
trionales du principe architectural essentiel de Rome. Les imagiers, les
maîtres d'œuvre, les verriers français voyageaient. On échangeait des
manuscrits, des meubles, des armures, le cuivre et le fer travaillés.
Mais c'étaient là des influences de surface que la vie puissante du
peuple assimilait sans le savoir. Il fallut la grande expédition militaire
de la fin du xve siècle pour crever tout à fait la digue avignonnaise.
Charles VIII ramena l'Italie à la suite de ses armées.

III
La monarchie française ne pouvait refuser à l'art italien une sym-
pathie très ardente. Ruinée par cent ans de guerres, menant derrière
elle des hommes à qui cette période terrible avait fait oublier leur
propre civilisation, elle fut d'autant plus éblouie par les trésors entassés
dans les villes lombardes ou toscanes que l'art italien commençait
dès cette époque à s'extérioriser, à s'appliquer de plus en plus à la
décoration des palais d'une bourgeoisie enrichie et des chapelles d'une
papauté restaurée. L'argent, chez nous, rentre dans les coffres royaux,
Îa paix renaît dans les campagnes, il est très naturel qu'en revenant
vers sa France frappée d'hébétude où les vieilles sources sont taries,
les jeunes encore souterraines, le roi pense à ramener avec lui, pour

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