comme s'il eût senti qu'elle n'aurait pas le temps avant la
mort de se recueillir tout à fait.
V
Cependant, c'est dans ce recueillement suprême que l'Es-
pagne, avant le sommeil, dressait, dans un dernier effort
d'orgueil, sa grande figure isolée. Les Lances, les portraits
des rois sont l'adieu à l'âge fort. Maintenant que l'Espagne
est partout vaincue, les « peintres d'histoire » grandiloquents
et les faiseurs de portraits héroïques vont se multiplier.
Avant Velazquez, un seul homme, parce que cet homme
était un peintre, de Mayno, avait su subordonner l'anecdote
représentée au poème plastique que la contemplation des
formes et le sens des harmonies fuyantes de l'espace espa-
gnol imposent à ceux qui n'affirment ni ne démontrent
avant d'avoir regardé. Après Velazquez un seul homme,
parce que cet homme était un peintre, Carreno de Miranda,
eut encore la puissance d'arrêter dans leur chute les princes
gâtés, les infantes moroses, les monstres de luxe pour con-
tinuer cette histoire qui ne s'accomplit pas en dehors des
voyants et des créateurs. Mâchoires en avant, yeux morts,
lèvres tombantes, robes monastiques où se réfugient les
volontés déchues et les ombres de la grandeur, naines
méchantes étouffées de graisse, crânes mal faits, faces de
crime et d'horrible innocence, il n'y eut plus rien après
cela. Goya ne viendra qu'au bout d'un siècle, comme une
espèce de miracle. Les autres suivants de Velazquez, son
gendre del Mazo, les frères Rizi, Claudio Coello sont de
bons praticiens honnêtes, de nature vulgaire, de métier
lourd, ou grossier, ou trop habile. Murillo n'est pas un grand
peintre, parce qu'il est un esprit bas.
Il justifie la décision que prirent Velazquez de quitter
Séville et Zurbaran de retourner dans son Estramadure.
— 97 =
T. IV.
8
mort de se recueillir tout à fait.
V
Cependant, c'est dans ce recueillement suprême que l'Es-
pagne, avant le sommeil, dressait, dans un dernier effort
d'orgueil, sa grande figure isolée. Les Lances, les portraits
des rois sont l'adieu à l'âge fort. Maintenant que l'Espagne
est partout vaincue, les « peintres d'histoire » grandiloquents
et les faiseurs de portraits héroïques vont se multiplier.
Avant Velazquez, un seul homme, parce que cet homme
était un peintre, de Mayno, avait su subordonner l'anecdote
représentée au poème plastique que la contemplation des
formes et le sens des harmonies fuyantes de l'espace espa-
gnol imposent à ceux qui n'affirment ni ne démontrent
avant d'avoir regardé. Après Velazquez un seul homme,
parce que cet homme était un peintre, Carreno de Miranda,
eut encore la puissance d'arrêter dans leur chute les princes
gâtés, les infantes moroses, les monstres de luxe pour con-
tinuer cette histoire qui ne s'accomplit pas en dehors des
voyants et des créateurs. Mâchoires en avant, yeux morts,
lèvres tombantes, robes monastiques où se réfugient les
volontés déchues et les ombres de la grandeur, naines
méchantes étouffées de graisse, crânes mal faits, faces de
crime et d'horrible innocence, il n'y eut plus rien après
cela. Goya ne viendra qu'au bout d'un siècle, comme une
espèce de miracle. Les autres suivants de Velazquez, son
gendre del Mazo, les frères Rizi, Claudio Coello sont de
bons praticiens honnêtes, de nature vulgaire, de métier
lourd, ou grossier, ou trop habile. Murillo n'est pas un grand
peintre, parce qu'il est un esprit bas.
Il justifie la décision que prirent Velazquez de quitter
Séville et Zurbaran de retourner dans son Estramadure.
— 97 =
T. IV.
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