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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0057
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Quand la grande peinture tend à suggérer la symphonie
sonore, c'est à la symphonie sonore qu'elle doit céder le
pas si elle ne veut pas mourir. Il est très émouvant de
constater que Keiser, Haendel, Sébastien Bach naissent
quelques années après la mort de Vélasquez et de Rem-
brandt.
Le poème sonore emplit les maisons, les jardins, les rues,
les bois, les villages, les barques sur les eaux, les lieux de
culte et de plaisir. Il est doté d'une puissance de sollicitation
sensuelle que la peinture ne connaît pas. Il faut se déranger
pour aller voir la peinture, consentir à ouvrir les yeux et sur-
tout à réfléchir. Même distraite, au contraire, l'oreille est
prise par le rythme d'autant plus que ce rythme prolonge
dans la durée les rapports, les accords, les passages que la
peinture établit dans l'espace seul. Le poème sonore exerce
sur l'instinct une action plus insistante, plus durable, plus
profonde qui, même si vous résistez, vous arrache à la
réflexion. Il est la quatrième voix de l'homme, celle qui vient
alors que les hommes sont à tel point séparés les uns des
autres que même quand ils l'ignorent, même quand ils le
nient, ils tendent à se rapprocher. Il n'exprime plus l'homme
à la cime de lui-même, mais l'homme laissant assaillir cette
cime par les murmures, les cris, les plaintes des autres
hommes et de l'univers oubliés. Le panthéisme social ne
possède pas de moyen d'action plus puissant que la mu-
sique. Quand la musique s'élève, l'architecture n'est pas
loin.
Dans le monde moderne, il n'est pas malaisé de voir
qu'elle apparaît comme instrument d'intégration suprême, à
l'heure où la peinture, encore trop intellectuelle — et sans
doute même sommet de l'intelligence constructive — se
déclare impuissante à exprimer la renaissance diffuse des
plus intimes, des plus vagues, des plus irrésistibles entre
tous les instincts sociaux. Quand vient la musique italienne,
la grande peinture se meurt. Et là c'est encore sous la forme
de l'arabesque mélodique que la musique offre un remède
à l'anarchie générale à peu près complète, tant il est vrai
que son heure n'est pas venue, la symphonie plastique

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