d'elle, éclate au cours de l'ascension irrésistible de tel groupe,
et lui commande de saisir et de perfectionner le langage qui
lui convient. On a dit, par exemple, que le signe le plus cons-
tant de la puissance d'un peuple — le luxe — « appelle les
arts ». C'est prendre l'effet pour la cause. Le luxe est, comme
l'art, un signe de maturation. Il reconnaît les mêmes origines,
croît et se développe au même instant, et, après avoir favo-
risé « les arts » durant un moment assez bref, contribue plus
que tout à les dissocier et à les corrompre. Ni l'art grec, ni
l'art italien, ni l'art français du moyen âge, ni l'art hollan-
dais, ni l'art anglais, ni l'art espagnol provoqués par la crois-
sance des énergies spirituelles d'où la fortune est sortie avec
eux, n'ont paru résister à l'enrichissement de la Grèce, de
l'Italie, de la France, de la Hollande, de l'Angleterre, de
l'Espagne. Et cependant, tandis que l'énergie grecque, ou
italienne, ou espagnole a décliné avec la richesse et entraîné
l'art dans sa décadence, il ne semble pas que l'énergie anglaise
ait sensiblement diminué — au moins jusqu'au xxe siècle —
depuis le siècle de Shakespeare qui est, dans le domaine de
l'esprit, le plus grand des siècles anglais. Il ne semble pas
que l'énergie allemande ait faibli après Wagner et Nietzsche :
bien au contraire, elle a paru grandir. Et cependant, après
Wagner et Nietzsche, l'art allemand a presque disparu.
L'énergie de la Hollande s'est maintenue depuis le xviie siècle.
Et cependant, après le miracle unique de ce siècle, la Hollande
n'a pas produit un seul grand peintre, si ce n'est, de nos jours,
Van Gogh (i). D'autre part l'énergie italienne, si longtemps
traînante et déchue, apparaît, depuis quelques années, comme
l'un des éléments qui donne à l'Europe moderne le plus
d'accent. Et cependant, en admettant que son architecture
industrielle, usines, docks, automobiles, aéroplanes, na-
vires, ne soit pas précisément la forme d'expression nou-
velle qu'elle ait la mission d'apporter, on chercherait en vain,
dans ses créations actuelles, quelque chose d'équivalent aux
productions d'une seule d'entre ses petites villes du quattro-
cento. Dans l'Espagne de Charles IV si ruinée, si dévastée, si
(i) Art Moderne, p. 277.
— I02 —
et lui commande de saisir et de perfectionner le langage qui
lui convient. On a dit, par exemple, que le signe le plus cons-
tant de la puissance d'un peuple — le luxe — « appelle les
arts ». C'est prendre l'effet pour la cause. Le luxe est, comme
l'art, un signe de maturation. Il reconnaît les mêmes origines,
croît et se développe au même instant, et, après avoir favo-
risé « les arts » durant un moment assez bref, contribue plus
que tout à les dissocier et à les corrompre. Ni l'art grec, ni
l'art italien, ni l'art français du moyen âge, ni l'art hollan-
dais, ni l'art anglais, ni l'art espagnol provoqués par la crois-
sance des énergies spirituelles d'où la fortune est sortie avec
eux, n'ont paru résister à l'enrichissement de la Grèce, de
l'Italie, de la France, de la Hollande, de l'Angleterre, de
l'Espagne. Et cependant, tandis que l'énergie grecque, ou
italienne, ou espagnole a décliné avec la richesse et entraîné
l'art dans sa décadence, il ne semble pas que l'énergie anglaise
ait sensiblement diminué — au moins jusqu'au xxe siècle —
depuis le siècle de Shakespeare qui est, dans le domaine de
l'esprit, le plus grand des siècles anglais. Il ne semble pas
que l'énergie allemande ait faibli après Wagner et Nietzsche :
bien au contraire, elle a paru grandir. Et cependant, après
Wagner et Nietzsche, l'art allemand a presque disparu.
L'énergie de la Hollande s'est maintenue depuis le xviie siècle.
Et cependant, après le miracle unique de ce siècle, la Hollande
n'a pas produit un seul grand peintre, si ce n'est, de nos jours,
Van Gogh (i). D'autre part l'énergie italienne, si longtemps
traînante et déchue, apparaît, depuis quelques années, comme
l'un des éléments qui donne à l'Europe moderne le plus
d'accent. Et cependant, en admettant que son architecture
industrielle, usines, docks, automobiles, aéroplanes, na-
vires, ne soit pas précisément la forme d'expression nou-
velle qu'elle ait la mission d'apporter, on chercherait en vain,
dans ses créations actuelles, quelque chose d'équivalent aux
productions d'une seule d'entre ses petites villes du quattro-
cento. Dans l'Espagne de Charles IV si ruinée, si dévastée, si
(i) Art Moderne, p. 277.
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