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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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https://doi.org/10.11588/diglit.2794#0119
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2- Année. — N* 166.

PRIX

5 CENTIMES

Charleville, le 10 Mars 1916.

Gazette des Ardennes

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT TROIS FOIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tous les bureaux de poste

AU PILORI !

II arrive parfois à Gustave Hervé, directeur de la
« Victoire », de dire la vérité. Est-ce sa faute P Cet
homme à l'imagination folle, ce phraseur échevelé, cet
utopiste incorrigible, ce prophète souvent humoristique
subit parfois comme un coup de vent le rude contact
de In réalité. Et alors, comme il est li és bavard ( t qu'il
se croit un homme « libre h, il lui arrive de crier plus
fort que personne une vérité qui s'impose brutalement
et qu'il est, pour ainsi dire, impossible de ne pas voir.

Comme ceux qui disent ce qu'ils voient et ce qu'ils
lavent sont trèa rares dans la presse parisienne, où
tout n'est que trompe-l'œil et mascarade, Hervé a fini
par se créer ainsi la réputation d'un homme sincère.

i Cette sincérité intempestive et toujours grandilo-
quente est-elle vraiment l'expiession d une forte cons-
cience ? Qu'on en juge I C'est Hervé lui-même qui
nous y invite, la main sur le coeur et de sa voix lu plus
doucereuse.

L'ancien libertaire, devenu journaliste gouverne-
mental, vient de couronner son revirement d'opinion
par un de ces articles où se révèle entière la person-
nalité morale d'un auteur. C'est une espèce de lettre
ouverte que le directeur de la h Victoire » adresse à
1" câme inquiète h d'un Boldat du front. Voila com-
ment Hervé lui-même expose le cas :

Un paysan socialiste de l'Yonne, qui fait son devoir
depuis 18 mots au front, m'écrit une lettre angoissée
pour me dire son trouble. Il a dû lui tomber sous les
yeux une de oos lettre* ou ûn de ors tracts où quelque
pacifiste bêlant aura semé le doute dans son cœur de
combattant.

Cet honnête garçon, à qui je ne sais quel capitulard
bâté est allé troubler la cervelle, m'écrit :

» Est-ce que noua n'aurions pas, nous Français, et
les Anglais avec nous, une part de responsabilité' dans
cette affreuse tuerie ? Et Delcassé ? Et Poincaré ? t. .

Plus loin :

h La perfide Album était jalouse des progrès indus-
tricls de l'Allemagne ; elle a fait marcher nos hommes
d'Etat en exploitant leurs désirs de revanche ; elle a
décidé la Russie tsariste en excitant les passions pansla-
vistes ; elle a encerclé F Allemagne ; puis, jésuitique-
ment, a brouillé les cartes, laissé l'Allemagne croj
qu'elle n'interviendrait pas dans le conflit, de façotv
l'encourager ètdéchatnet la-apostrophe ; et, brusque
ment, Jém<isquau£ a-*» j« j, ; L's-dw ce'u»

guerre, qui est sa guerre. »

Depuis qu'il est journaliste gou vente m entai, Hervé
n'aime plus, évidemment, entendre ces simples vérités.
Ce sont pour lui des « «omette* » qui vannent troubler
l'âme et la conscience du «frère paysan».

Poincaré, DeJceaeé ? Mais il n'y a pas d'innocence
plus pure que la leur I L'Entente cordiale P Mais elle
n'a jamais été, de même que l'alliance franco-russe,
autre chose qu'une inoffensive mesure de précaution I
Et Hervé de conclure :

« Il n'y a qu'un responsable dans cette guerre, un
seul, le gouvernement allemand, av«'e la complicité do
la nation allemsmaW tout entière qui, par orgueil ou
par servilité, l'a laissé faire. »

Et puis cette finale monstrueuse :

« O mon frère paysan, tu peux tuer ces homme*
avec sérénité ! »

Voilà ce qui vient de sortir de la plume gouverne-
mentale et militarisée de Gustave Hervé. Et celui à qui
s'adresse cet appel au meurtre, qui n'y rien de ta voix
«impie et tragique du devoir, est un paysan de Fronce,
un de ceux que la politique dont Hervé s'est fait le
serviteur, a jetés dans la tranchée sanglante.

Peut-être ce gara de l'Yonne est il une âme simple,

un esprit peu Averti des choses politiques, comme tant
d'autres qui croient ce que disent les journaux
parisiens ! Maïs s'il était, par hasard, un fervent
lecteur de son « grand frère » (Jiistavc Hervé ? Alors
il «c souviendra, sans nul doute, qu'avant de s'être
« gouvernement»lisé », le défenseur inattendu de M.
Delcassé rédigeait la « Guerre Sociale ». Et peut-être
a-t-il fidèlement conserve certaine brochure, pub.iéc
il y a quelques années par cette même « Guerre Sociale »
et son directeur Gustave Hervé. Ce document précieux
entre tous, cet acte de foi politique de Bon frère Hervé,
comment le pioupiou de Pionne l'aurait il oublié?
S'il reste quelque chose de la défunte n Guerre Sociale »,
c'est bien cette brochure !

Nos lecteurs aussi la connaissent. Elle a pour titre
« La guerre qui vient» et parut en 1911, c'est-à-dire
h une époque où la politique belliqueuse de la Triple-
Entente commençait à se dessiner avec une aveuglante
netteté.

Pour l'édification de 1' « amc inquiète n du pauvre
poilu, auquel Hervé le gouvernemental s'efforce de
suggérer l'innocence des Delcassé et consorts, nous
noua contenterons de reproduire ici quelques passages
saillants de cet acte d'accusation dressé publiquement
par les soins du même Hervé, à une époque où il se
refusait encore de partager les responsabilités qui
devaient entraîner la France h la guerre fatale. Nous
lisons :

Le Coup de latnafc

« En iqo5, M. Delcassé gouvernait tant interruption,
depuis dix ans, la politique extérieure de la France. Il avait
ai bien capté la confiance de la Chambre qu'elle approuvait
sans discuter toutes se* déclarations. Lt ce petit homme en
avait conçu un tel orgueil qu'il ne consultait même plus les
autres ministre», ses collègues.

Donc, pendant lea années 1904 et 1906, le voilà qui,
d'accord avec le cabinet anglais, et «ans prévenir personne,
«'ocenpe à « encercler » l'Allemagne. 11 travaille à détacher
l'Italie de la Triple Alliance, négocie à Saint-Pétersbourg,
Intrigue à Conetantiuople et s'arrange pour que, l'Alle-
magne étant Isolée, l'Angleterre, appuyée par la France,
puisse tenter de l'écraser... » (11 La guerre qui vient n, p. a.)

En face, ou plutôt à côté de ce travail diplomatique,
quelle est l'œuvre de la presse P

m II y a au Ministère des Affaires étrangères ^français) un
bureau d« la presse. Lu, chaque jour, un fonctionnaire très
aimable reçoit tes journalistes. Très gentiment il leur tB>
faut penser de tous les événomenls rie la

eure.

oent, il ne dit que ce qui est conforme aux
_ - ministre. Tous les journaux répètent l'antienne
le lendemain matin ; et lu fouie, n'ayant pas d'antre moywst

dInformation, croit ce qn'en loi dit. s... (p. 6.)

m En somme, notre politique extérieure échappe à tout
contrôle, aussi bien a celui de l'opinion qu'à celui du Parle-
ment ; elle échappe même parfois au contrôle du Gouverne-
ment lui-même.

Dana notre démocratie ombrageuse. Il dépend d'un
homme et d'une petite coterie de financiers et de gens
d'affaires de déchaînerais gnerre et de lancer c« psys dans
les pins périllenses aventures..,, s (p. 7.}

ii Voici M. Delcassé revenu su pouvoir.

L'homme qui, eu 1905, faillit nous acculer a la guerre
sans svoir consulté personne, ni l'opinion, ni le Parlement,
ni aes propres collègues, reprend la direction de « notre »
politique extérieure. Car personne en Europe ne s'y est
trompé : M. Cruppi, sitcien magistral, no sera au quai
d'Orsay qu'un homme de paille. D'ailleurs, M. Delcassé,
ministre de la Marine, n'en sera que plus à l'aise pour con-
clure ls convention militaire qui doit nous lier a l'Angle-
terre.

Dans quelques semaines peut-être, nos_ financiers surmit
vendu ù leurs confrères de Londres la peau de cent nulle
Français en échange de quelques chemins de fer turcs ou
éthiopiens.

C'est le moment, pour ceux qui ne veulent pss «e voir
trslter comme on vil bétail, d'unvrir les yeux, de consi-
dérer froidement la situation de l'Europe, et de voir
l'intrigue dangereuse où l'oligarchie financière entend les
engager.... » (p. 8.)

Viennent ensuite deux chapitres démontrant com-
ment le commerce anglais t'est senti pris de peur, en
voyant grandir et progresser le commerce de la labo-
rieuse Allemagne. El la brochure éd.téc par Gustave
Hervé continue :

« Il fallait en finir à tout prix avec cette rivale inattendue
qui venait miner la royauté britannique sur tous les
marchés du globe, l'iiisqu'on ne pouvait pas en venir à bout
par les moyens pacifiques de la concurrence industrielle, il
fallait recourir à la force des dn-ndimiiglit et faire appel au
eniHHi.

C'est îi quoi t'est employé avec un merveilleux esprit do
suite le gouvernement anglais......»

1/Encercle m eut.

« Donc, l'Angleterre, se sentant vaincue dans la lutte
industrielle, décida d'en appeler an sort des armes.

I Son plan fut double :

-Encercler l'Allemagne par un système d'ententes et
«Vaillances qui la laisserait isolée au eccur de l'Europe sans
appui militaire ou financier au jour du danger.
T C'est ainsi qu'on vit en ioo3 Edouard VII se rapprocher
ds la France, nouer avec nos financiers les tiens de
l'Enlcntc cordiale en leur abandonnant le Maroc (qui,
d'ailleurs, ne lui appartenait pas).... Bientôt après il se
réconciliait avec le Tsar russe, moyennant quelques con-
cessions en Perte et dans les Balkans et cherchait à détacher
l'Italie rie la Triplice, on lui offrant l'Albanie etc.... n
(p. -A)

« Au début de ii)o3, Edouard VII, en grande pompe,
accourut à Paris.

Les Parisiens stupéfaits qui, deux ans auparavant,
avaient tant crié : « Vivo Krtigcr I A bas Chamberlain 1 s
apprirent tout à coup qu'il fallait crier désormais : u Vive
Edouard VU n .... *

Un an après l'Entente cordiale était conclue avec l'Angle-
terre.

En échange de l'abandon de tout contrôle financier en
Egypte, et pour dédommager nos capitalistes, le cabinet de
Londres nous faisait cadeau du Maroc. 11 nous Je donnait
d'autant plus volontiers qu'il ne lui appartenait pas.

M. Delcassé, lté désormais à la fortune ds l'Angleterre,
■e mit aussitôt en devoir d'« encercler s l'Allemagne et de
noue acculer à la gnerre avec elle.

A ce moment, Guillaume II avait l'occasion belle pour
no as attaquer : toute notre presse nationalisée cet unanime
à déclarer que nos Invincibles généranx aéraient été battus.

Le kaiser ne l'a pas fait ...

Bien loin de nous attaquer, il cherche par tous les
moyens à renouer les relations... Par tous les moyens, il
s'eftprec de ramener les choses ou elles étaient en inoâ
avant la visite d'Edouard VII à Paris. Ne l'avons-nous pas
Vtti au moment do l'accident du fameux dirigeable «Patrie»,
Étir le premier à envoyer une couronne aux obsèques des
officiers Inès I o (p, 3a et 33.)

« L'Allemagne n'a aucun intérêt à nous faire la guerro.
• A*ons-nona intérêt, nous, à nous lier à son adversaire
pou.- l'attaquer I .....

Prendre parti pour l'Allemagne, c'est très dangereux.

Prendre parti pour PAngleterrc, c'est plus dangereux
eùrcrc. Tous les officiers français que j'ai consultés cons-
tatent que, d'après les mesures prises par l'état-major alle-
mand, le choc sera d'une soudaineté et d'une violence
inouïes....

Alors que faire p

Garder la neutralité.

Voilà sans nul doute ce que dirait la France, si elle était
consultée.

"Malheureusement, on 11c lui demandera pas sou avis.
Eli' dépit des apparences démocratiques, le peuple, ou le
sait, ne ae gouverne plus et ne contrôle plus aes guuver-
nsMata. Une petite bande de capitalistes se sont emparés des
Coiiaeils d'administration des grandes Sociétés finan-
cières... s (p. 40.)

u Or, une sorte de vertige semble s'être emparé de ces
gant, le vertige du pouvoir absolu, celui qui entraîna
Louis XIV et perdit Napoléon. Comment nu tel rôle
n'enivrerait-il pas an Delcassé, petit homme mégalomane
fus ses courtisans comparent aux ministres do passé et qui
veut laisser dans l'histoire le nom d'un Richelieu I...

Le sang de 200,000 jeunes français, c'est là tout ce que
notre pnys peut retirer d'une telle aventure. Je défie qu'on
me montre autre choae I

Mais ce penple n'est pas maître de ces destinées. Une
petite coterie. Irresponsable mais poissante, pesé de toutes
ses forces sur aa diplomatie et tend à l'entrainar... » (p. 43.)

« Quand l'opinion aura été suffisamment excitée, quand
l'idée d'un « péril allemand n aura été suffisamment im-
plantée dnns les esprits, alors, par uno belle nuit, les
cuirassés anglais à toute vapeur fileront sur Flcssingue. A
la même heure, ou presque, les régiments prussiens d'Aix-
la-Chapelle courront sur Anvers. {Pour ne pas s'y laisser
devancer par les Anglo-Françaisl — Ls Réd.)

Aussitôt, selon l'usage, le gouvernement français mettra
la main sur toutes les dépêches, orrêlera toutes les lettres
qui pourraient signaler les mouvements des troupes belli-
gérantes. Puis une note officielle sera communiquée à la
presse.

Le lendemain, dans tous les journaux, en «1 manchettes »
larges comme la main, s'étaleront ces mots fatidiques :

La neutralité dt la Belgique est viotée I
L'armée prasiieniii marche sur LUI* I
A cette nouvelle terrible, répétée par les millions de
voix de ls presse à grand tirage, le paysan de la Bretagne
ou du Cantal, le petit bourgeois patriote, l'ouvrier mal
averti, persuadés que la France est attaquée, mettront sac
au doi.

Et voilà comment, par l'astuce d'un petit groupe ds
financiers et de diplomates, un grand prit plu se trouvera
tout entier entraîné dans une guerre qu'il n'aurn pas
voulue.... » (p. 46.}

Voilà les passages essentiels de celte brochure révé-
latrice que publiait, en 1911, Gustave Hervé, alors qu'il
n'était pas encore «gouvernemental». Le poilu de
l'Yonne ne l'a pas oubliée et c'est tnèane pour cela que
son Ame est «inquiète». Il sent qu'on le trempe. H
sent que la France paye les fautes «le ses politiciens.
Il fait son devoir, lui, en défendant soi pays. Mais '
il se demande si les responsables fcnat le leur, en
cachant au pays la vérité, d'où pour** seule jaillir la
paix de l'avenir. Et, relisant lu lettre sic ssm m frère n
Hervé, il se sentira plus triste encore.

En voilà un qui savait, se dira-t-11. Pourquoi ment-
il au&si ? Et cherchant, dans sa coDsciaaae, la place
où mettre dorénavant son « frire » Hervé, îl n'en
trouvera qu'une : le pilori de son douloarea* mépris I

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier geDSra), U 7 mars 1SIC
Théâtre de la guerre à l'Oumt. .

De petits détachements anglais, qui avaient pénétré
hier, après une forte préparation par l'artillerie, jus-
que dans.nos tranchées au nord-est de Vennelles,
furent de nouveau rejetés à la baïoaaetta.

En Champagne, .nous avons"repris par suprise, à
l'est de Maison de Champagne, notre paislaïon où les
Français s'étaient établis le 11 février, a officiers,
i5o hommes furent faits prisonnieas.

Dans les Argonnes, au nord-est de La Chulade,
nous avançâmes quelque peu notre position à la suite
d'un important coup de mine.

Dans la contrée de la Meuse, le feu d "artillerie
reprit ù l'ouest du fleuve ; a l'est il resta d'une force
moyenne. A part des rencontres de patrsmisVs avec
l'ennemi, il n'y eut aucun combat rappraehé. fc

Eu Wo'~'vre nous avons pris d'aseaut, «t snatin, le
village de Fresnes. Dans quelques assistas & l'extré-
mité ouest de l'endroit, les Français ae aoaînfcienncnt
encore. Ils perdirent plus de 3oo prieonaiers.

Un de nos dirigeables jeta cette naît de aombreuses
bombes sur les installations de chemin de 1er de Dar-

Ic-Duc.

Théâtre de la guerre à l'Est et théâtre de la guerre

aua Balkans.
La situation est en général saus enaasement.

CARMEN SYLVA

Lu royale poétesse Carmen Sylva vient de mourir. Nous
'saluons avec respect cette belle âme envolée.

KlisaheUi-Ottilie-Louise, reine de Roumanie, née le
39 décembre i8û3, était la bile du prince Guillaunie-Hermann
de Wied-Neuwied et de la princesse Marte de Nassau, sceur
de la reine de Suède.

« A l'âge de dix ans, écrit un de ses biographes, elle s'es-
saya déjà à composer des vers et des contes en prose, u

Cela ne l'empêcha pas toutefois de s'enthousiasmer pour
§M matlu ma tiquea et l'histoire, pour le grec et le latin, d'ap-
prendre MKicssiveinent presque toutes 1rs lunpui» de l'Eu-
rope et d'étudier à fond toutes les grandes littératures.

Kllc reçut une éducation de tout premier ordre. L>c bonne
heure, elle connut la chanson harmonieuse des vers que lui
récitait le vieux poète Arn.lt et devint une musicienne ac-
complie, vms la direction de Clara Schumanii et de Ru-

WjsfUsia

Les nombreux voyages qu'elle (il plus taid développèrent
encore sa vive imagination. Nous suivons ses étapes en
Suisse, en Russie, en Angleterre, en Fiance, en Italie, en
I . fiorda polaires À la tiède mer de Sicile, ellr salue
au [;,>-...,■_ cou une un goPland, les pr.tndi's stations du
BSOnd* ri' iliaê ; mais n.iitont elle se sourirnl « du port qui
l'a cueille toujours », du (biîteju paternel de Monrepos, le
Daga Dominé, qui regarde, por-dctuis ses hêtres séculaires,
I*'* "".ipîn m iix méandres du itliin à travers la plaine.

Pai ancêtres, celle n enfant sublime» — car ce titre
™i a convt-nu — avait de qui tenir. Sa bisaïeule, la princesse
IsMtM ds Wied, poète, musicienne et peintre de to*> nt, eut
trois enfant*, tous animés den plus nobles préoccupa lions de
napsft, *t dont l'un surtout, le priiK* MùïnktUea, s'est fait
un nom comme explorateur cl comme botaniste. Enlin le
p«s* d'Elisabeth de Wied, le prince Gtiillaume Hcrmanni s
publié de rcmarqu^-s travaux philosophiques.

On raconte qu'a" t'â«;c de vingt ans, la plus grande am-
bition d'Elisabeth de 'Wied eût été u de fonder une école et

d'en diriger l'enscigncmeut u ; la Providence avait d'autres
vues sur elle, tout en lui uservant le bonheur de fonder
beaucoup d'écoles.

En ce temps-là, en effet, un petit-neveu du grand Fré-
déric avait été appelé par le vom unanime d'une nation h
régner en Orient ; le prince Charles de Hohenzollern, était
élu prince (et plus tard roi) de Roumanie, et montait sur
le trône de Michel le Brave et d'Etienne le Grand. Il appor-
tait à sa nouvelle patrie « un cœur loyal, des pensées sbjoHes,
une volonté ferme de faire le bien et un inviueibtc respect
de la loi »; niais it devait encore à cette patrie les gai.iulies
d'ordre et de stabilité que donne une dynastie durable. Il
lui fallait donc une compagne digne de lui, qui voulut, qui
pût se vouer, elle aussi, à l'œuvre de reconstitution d'un
peuple. Le 11 novembre 1869, Elisabeth de Wied épousa
Charles I" de Ituumanie.

Un seul enfant, une fille, naquit de ce mariage, mais
l'impitoyable destin - ... mm sur le palais royal et anéantit
les plus belles espérances. L'enfant unique mourut en bus
âge, provoquant une douleur qui ne s'est éteinte que dans le
tombeau.

Carmen Sylva, la royale poétesse, a chanté cette douleur
inassouvie.

Nous trouvons dous ses œuvres les brèves joies de la mère
exhalées en chansons, ses larmes cristallisées en perles fines,
ses méditations frappées en maximes avec des airs de para-
doxes mondains, sans rien de doctrinaire ni de rébarbatif,
tandis que ses obucrvuticins les plus perspicaces sur les
hommes et les choses sont semées à profusion dan* ses nou-
velles et ses romans.

Reine, clic te donna entière à son pays d'adoption, tout
en guidant le souvenir ému de « ta bonne Allemagne, de ses
bous parents et des gerbes qu'elle a portées ». Sa langue ma-
ternelle, celle de Goethe, est restée d'ailleurs ta langue prés
férec de poète.

Sou œuvre poétique est considérable. II s'en dégage sur-
tout une grande moralité, atteignant parfois le pathétique.
Carmen Svlvu a produit des ouvrages d'une grande émotion,
d'une puissance sentimentale, car elle vivait autant par le
cœur que par l'imagination. Elle ne célébra que les tenti-

msnts généreux, l'amour de la nature et de l'Immunité,
montrant une immense pitié pour tout ce qui souffre et ré-
vaut de voir la douceur et la mansuétude devenir les lois de
l'humanité.

I Je chantais, mes amis, comme l'homme respire,

I 1 Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire,
. J Comme l'eau murmure en coulant.

! Ces vers du prince des lyriques, Lamartine, feruieut une
' excellente épigraphe aux poèmes de la reine de Roumanie.

Impressionniste et large, sa manière convient d'ailleurs à
j merveille aux essors ailés de son esprit. Son art, un de ses
traducteurs l'a détiui ainsi *

. La prose de Carmen Sylva est toujours ut partout un écho
de ses états d'âme. Clicn elle la vision des choses est si sub-
jtctîve, qu'elle donne moins l'image du réel observé que celle
de l'id-'al pressenti. Il ne faudrait donc pas lui demander,
même dans le roman où elle s'est distinguée, des peintures
minutieuses de la vie vécue. « Pourquoi décrire le laid, dit-
elle, quand le beau n'est pas encore épuisé ? » Ce que nous
sommes, cri revanche, cei talni de trouver dans 11 Au CQUtt de
deux siècles aB dons ■ Qui frappe ? n dans les H ffoupctlei »,
c'est la peinture émue des combats pathétiques de la passion
et du devoir, du vice et de la vertu ; on sent vibrer et sym-
pathiser l'auteur aux Iritjnairs. aux souffrances et aux nn-
goisses de tes personnages.

H est un autre coté encore par lequel les pioductions de
la reine-poète nous attirent, c'est qu'elles sont presque toutes,
à lea analyser de plus près, des confidences autobiographi-
ques exprimées eu vers, traduites eu roman ou résumées en
contes. « C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé
par mon orgueil et mon ennui » : voilà ce qui ressort de
chacun de ses écrits, eur ils correspondent tous exactement
à la période où ils fuient conçus et exécutés, ù celle-là et à
nulle autre. Partout Carmen Sylva se donne elle-même,
comme le pélican de la n Nuit de Mai », en pâture aux lec-
teurs ; et il n'y u pns à lu regretter, car un écrivain, s'il est
une âme élevée, ne nous ennuie jamais eu nous faisant par-
tager ses joies et ses peines.

Le grand problème de la souffrance semble hanter tout
particulièrement celte Aine d'élite, que les déceptions de la

vie n'ont poiut épargnée elle-même. Elle l'a abosdé lu--, sou-
vent, et en particulier dans n Jéhova » — av«« la n Sorcière » _
et h Sappho u, le plut magistral de ses paèiasa — et y a ex-
primé toutes les angoisses philosophique* «jui font tour-
mentée en face de l'énigme du mal.

\u le*raug que u Jéhova u occupe dans feeuvre d« Carmen
Sylva et dans la poésie contemporaine, on nout par-
donnera bien de l'analyser brièvement. Csat, tasontée en
vers d'une largeur épique, l'histoire, d'un Ahawérus philo-
sophe h la recherche d'un Dieu si puisse*»* et si doux qu'il
puisse l'adorer. Le juif légendaire ne pourra aaenrir qu'il ne
l'ait déi ouvert; toujours il échappe à la aaarl et jomais il ne
trouve ce Dieu, ni sur le seuil des pytosM* «TKgypte, ni au-
près des sanctuaires de l'Inde, ni daas bas Masquées de
Mahomet. Il aura beau sa convertir à loas Isa suites, s'afe
tocier ù tous les dévouements, s'exposer à taaass les morts,
il vit et il erre, «mporté par le tourment drrfca, d'aventures
en aventure*. Pèlerin de l'idéal, il passe d« fameur qui ne
le satisfait pas 1 la royauté qu'il abdique, puis à Part qui le
déçoit ; toujouis trompé dans ses esjioîrs, il arrive enfin
dans une Arcadie idyllique, où il aperçoit, tans les pommiers
en*fleura, un couple momentanément iiwvn ; alars il re-~ .
connaît Dieu dans l'éternel devenir, *t, risearilié avec
toute* les forces de la nature, il n'nspire pkas qu'à rentrer
dans le néant dont il est sorti.

Si ce poème, composé d'une grandiose sssie de fresques
métaphysiques, nous dit lime inquiète de CaSfTien Sylvs,
les tensions de son esprit préoccupé de Paa-éalà, la « Servi-
tude de Pélesch « nous confie la mélsaoalts d« sa vie. C'est
l'histoire d'une finrhel inconsolée, et, sosasas chez l'Ahss-
vérnt qu'elle nous présente, la dortlenr de ls stère se résout
non pas en révolte mais en résignation, ta dsssananre en ac-
cord, h II faut être pieux ou très philosopha ; il faut dire :
Seigneur, que ta volonté soit frfile ' — ou : ftih-n<\ j'admire
tes lois, même lorsqu'elles m'écrasent I » T/alKi l'une des
maximes stoiques ,niïqnelle« aboutit ln aseTanealifl de
Carmen Sylva. Quant à sa morale, elle se istaimc en cctls
ut>t 11e règle de conduits : n !t n'y n qn'na bonheur : le
devoir. Il n'y n qu'une consolation : le travail IT n'j a qu'une
jouissance : le hem »
 
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