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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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2- -Année. — N» 199

PRIX

5 CENTIMES

Charleville, le 29 MM 1910.

Gazette des Ardennes

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

• On s'abonne dans tous les bureaux <lc poste

RÉPONSE DU CHANCELIER

A SIR EDWARD GREY

Le Chancelier de l'Empire allemand, M. von Belh-
nNmn-HoIlweg, a accordé a M. K. v. Wiegand, cor-
respondant du « New-York World » une interview qui
constitue la réponse-nlirmande au* déclarations faites
dernièrement par Sir Edward Grey à un autre journa-
liste américain. Le Chancelier s'est exprimé ainsi :

« Après vingt-deux mois d'une horrible guerre qui
a fait déjà des millions de victimes : morts,
blessés et mutilés, oprès qu'on a accumulé sur les
épaules des générations présentes et futures une lourde
dette de sang et d'argent, l'Angleterre commence à
s'apercevoir que le peuple allemand ne peut être
écrasé, que la nation allemande ne peut être anéantie.

« Maintenant qu'elle se rend compte de cette
impossibilité. Sir Edward Grey déclare que les hom-
mes d'Etat anglais n'ont jamais voulu écraser ni
anéantir l'Allemagne, malgré les déclarations con-
traires de ses collègues du ministère, malgré les exi-
gences de la presse anglaise et malgré le leurre que le
Président Poincaré a tendu au peuple français, en lui
disant que, s'il tenait bon jusqu'au bout, la France et
l'Angleterre dicteraient la paix à l'Allemagne.

n Croyez-vous qu'une polémique de presse nous
fera faire un pas en avant ? Elle nous oblige à nous
occuper du passé,, alors que nous devrions envisager
l'avenir.

«Je ne comprends pas comment Sir Edward Grey
peut encore toujours parler de la. Prusse, en l'oppo-
sant à l'Allemagne. Je sais parfaitement, il est vrai,
que l'ignorance des choses de l'Allemagne, qui régnait
avant la guerre en Angleterre tout aussi bien qu'en
France, que la spéculation sur la désunion qu'on espé-
rait voir éclater en Allemagne a été de l'eau sur le
moulin des partis de la guerre en France et en Angle-
terre. Mais j'avais cru que„ l'admirable et héroïque
union de tout le peuple allemand pour la défense de
la patrie ouvrirait les yeux à ces messieurs.

« Et puis le « militarisme » / Qui est-ce donc qui
pendant les vingt dernières années » usé du « milita-
risme» comme d'un moyen politique. Songer donc à
l'Egypte, à Faschoda. Demandez aux Français quelle
est la puissance qui, en ce temps-là, imposa à la France
par ses menaces l'humiliation, « la honte de
Faschoda», dont l'amer souvenir resta si longtemps
vivaoe.

ii Pen««,à la guerre des Boers, à Algésiras, où l'An-
gleterre, d'après les déclarations d'Edward Grey lui-
même, donna à entendre à la France, qu'au cas d'une
guerre elle pourrait compter sur le concours britan-
nique, en vue duquel il y eut même des pourparlers
entre les états-majors des deux pays.

ù Puis vint la crise de Bosnie.^Ce fut l'Allemagne
qui "en ce temps-là conjura la guerre, en incitant la
Russie à accepter un projet d'arrangement.

« L'Angleterre laissa entendre à St-Pétersbourg que
celte solution Jui déplaisait. Sir Grey déclara à cette
occasion, d'après mes renseignements dignes de foi,
qu'il croyait qu'en cas de guerre l'opinion publique
anglaise eût approuvé la participation de l'Angleterre
aux côtés de la Tlussie. -

«Puis vint Agadir. Nous étions parfaitement en
train d'arranger pacifiquement nos différends avec la
France, lorsque l'Angleterre s'en mêla. Ce fut le
fameux discours de Lloyd George qui suscita le danger
de guerre, n

Ici, M. v. Wiegand fit remarquer que Sir Edward
Grey avait affirmé que le Chancelier savait bien que
l'Angleterre n'avait jamais nourri de mauvais dessein
à l'égard de l'Allemagne. M. von Bethmann-HoUweg
répondit, en continuant son exposé :

«Pour répliquer d'un mot, il me suffira de rappeler
In politique d'encerclement.

« Par les documents trouvés dans les archives:
belges, et qui ont été publiés, tout le monde sait que |
même des hommes d'Etat neutres, tels que les diplo-
mates belges, non pas seulement à Berlin, niais aussi ■
à Paris et à Londies, ne voyaient autre chose duns
celte politique d'encerclement qu'un permanent danger
de guerre-. Ce que j'ai pu faire pour écarter ce danger,
je l'ai fait.

«L'accord de neutialité que je proposai à lord'
Haldane aurait assuré la paix non pas seulement de
l'Europe, mais du monde. Mais l'Angleterre l'a irjcta.» •

— Oui, fit remarquer ici le journaliste américain,
mais Sir Edward Grey a di[ que l'Allemagne aurait,
exigé une neutralité absolue, mC-uie pouije cas où elle
ferait uno guerre de conquête sur le continent, et que
cela, l'Angleterre ne pouvait guère l'accepter. Le
Chancelier répliqua :

«Le 19 août igi5, j'ai communiqué au Hrichstag
le texte' de la proposition soumise alors par moi au
cabinet anglais. Voici la dernière formule :

« L'Angleterre maintiendra cette neutralité bien-
veillante au cas où une guerre serait imposée à l'Alle-
magne, n

«Remarquez, je vous prie, le terme: « imposée n_
Il me Tépugne de^revenir sur toutes ces choses, que.
j'ai exposées en détail devant l'univers, mais si vous ■
faites allusion à l'observation que Sir Edward. Grey a.
émise à cet égard, je crois devoir constater qu'c]le ne
correspond pas 'aux faits. Et permettez-moi de for-
muler encore une remarque, la dernière, au sujet du
passé :

« Sir Edward Grey ne se lasse point d'affirmer tou--
jours à nouveau que l'Allemagne aurait pu éviter- la
guerre, si elle avait accepté la proposition de l'Angle-
terre, en vue d'une conférence. Comment aurais-je1
pu accepter cette proposition en présence des mesures
de mobilisation déjà en cours en Russie P

«Malgré les dénégations officielles russes, et bien
que les ordres formels de mobilisation n'eussent pas,
été donnés avant le 3o juillet, nous savions exactement, I
et ce point a été confirmé depuis, que le gouverne-
ment russe avait déjà commencé à mobiliser, en vertu
d'une décision prise le a6 juillet, lorsque Grey proposa
de convoquer une conférence.

«Supposez que j'eusse examiné cette proposition,
et qu'après deux ou trois semaines de négociations,
pendant lesquelles la Russie aurait poursuivi sans ar-
rêt la concentration de ses troupes, la conférence eût
échoué.

«L'Angleterre nous aurait-elle alors préservés de
l'invasion slave, nous aurait-elle appuyés de sa flotte,
ou de son armer ? Les événements, tfc la guerre, Teli£
qu'ils se sont produits, me permettent d'en douter
fortement. Ayant deux frontières*à défendre, l'Alle-
magne ne pouvait s'arrêter à des discussions, dont
l'issue était extrêmement problématique, tandis que"
l'ennemi aurait employé ce temps à mobiliser les
armées destinées à nous accabler.

« Pendant les journées critiques de juillet igii,
Sir Edward Grey a lui-même reconnu que ma contre-
proposition, tendant à des pourparlers directs entre
les cabinets de Vienne et de Pétrograde, aurait été
plutôt de nature à aplanir le conflit austro-serbe qu'une
conférence. Ces explications, suggérées par l'Alle-
magne, étaient en très bonne voie, après avoir sur-
monté maint obstacle, quand la Russie, contrairement
à ses assurances formelles jendit la guerre inévitable
par la mobilisation soudaine de toute son armée.

« Si alors VAngleterre avait dit une parole sérieuse
à Saint-Pétersbourg, la guerre aurait été évitée. Mais
l'Angleterre a fait le contraire.

«Par le rapport de l'ambassadeur belge à Saint-
Pétersbourg, le monde a appris que le parti de la
guerre russe obtint la haute main, quand il sut qu'il
pouvait compter sur le secours de l'Angleterre. Pour-
quoi l'Angleterre a-t-elle agi ainsi ? Laissez-moi ré-
capituler brièvement ce qu'en ont dit les hommes
d'Etat anglais.

« Le 3 août tqii, sir Edward Grey disait que l'An-
gleterre- ne souffrirait guère plus en participant à la
guerre, qu'en s'en tenant éloignée. Il attirait, en même
temps, l'attention sui la Belgique et le grand intérêt
-vital qu'y avait l'Angleterre. Ce n'est donc pas dnns
l'intérêt de la Belgique, mais dans celui de l'Angle-
terre que Grey crut devoir prendre part à !a guerre.

« Trois jours plus lard, M. Asquilh déclarait que
le motif de la guerre était double pour l'Angleterre :
Il s'agisaait pour elle, premièrement, de icmplir un
eolennel engagement international, et deuxièmement,
de sauvegarder le principe interdisant l'écrasement des_
petites nations.

« Le même M. Asquith a déclaré dan* son d( rnier"
discours que l'Angtetern: et la France ont dû prendre
part à la guerre, pour empêcher l'Allemagne d'arriver
à une situation prépondérante.

« Prendre part ù une guerre contre on pays avec
lequel on n'a pas d'autre querelle, rien que pour
l'entacher de devenir fort, — n'esf-cc pas le comble
du m..iiarisme ?» * . >.

— Oui, mais la Belgique I remarqua alors'M.
y. Wiegand.

— La Belgique ? répondit le chancelier. L'Angle-
terre s'est entendue avec maîtrise à faire croire à l'u-
nivers qu'elle a dû tirer l'épée pour protéger la Belgi-
que, et que cette Belgique l'oblige à continuer la
guerre jusqu'à l'infini. Là-dessus les discours cités des
hommes d'Etats anglais sont très peu concordants, et
savez-vous ce qu'on pensait naguère en Angleterre de
la neutralité belge ?

« Le 4 février 1887, l'organe officiel du gouverne-
ment conservateur de l'époque, le u Standard» disait
que si l'Allemagne, en cas de guerre, réclamait le droit
de passer par la Belgique, cela ne léserai* aucunement
ni l'honneur ni l'intérêt de l'Angleterre, aussi long-
temps que l'intégrité et l'indépendance de la Belgique
ne seraient pas mises en question.

« Pas une feuille anglaise ne s'éleva contre ce point
de vue ; la libérale « Pall Mail Gazette » se rangea
même formellement à cet avis.

« Guie se passa-t-il, par contre, à la veille de la "
guerre actuelle ? J'offris formellement à l'Angleterre
pleine et entière garantie pour l'intégrité et l'indépen-
dance de lu Belgique.... Mais l'Angleterre repoussa
cette offre comme étant «une proposition vile».

« C'est que, en 1887, la France était considérée
comme rivale de l'Angleterre, tandis qu'en iqi4, c'é-
tait VAllemagne ! C'est pourquoi l'intérêt de l'Angle-
terre a fait pencher la balance du côte de la guerre. »
' — Votre Excellence ne préfère-t-elle pas, remarqua
M\ v. Wiegand, parler de l'avenir que. du présent ?-

— En effet, les considérations rétrospectives ne
nous avancent guère. " *

«Sir Edward Grey veut une paix durable; c'est ce
que je désire aussi. Depuis le début de la guerre,
je n'ai cessé de le répéter. Mais je crains* que nous ne
nous rapprochions pas de cette paix, qu--, je crois, tous
les peuples désirent, tant que des hommes d'Etat
responsables de l'Entente ne cesseront pas de
vilipender la «tyrannie prussienne», ie «militarisme
prussien », et continueront leurs déclamations pathéti-
ques, affirmant leur propre supériorité et leur per-
fection ; et ils ne nous avanceront pas davantage,
en prétendant gratifier l'Allemagne, comme le
fait Sir Grey, d'un changement de sa consti-
tution politique I A cela je ne puis que répondre au
ministre anglais, à qui la situation en Irlande devrait
tout de même imposer quelque réserve, que l'Alle-
magne a son «Home Rule», dont elle dispose à son
gré. Et permettez-moi d'intercaler ceci : le régime dé-
mocratique de l'Angleterre a-t-il empêché les hommes
d'Etat anglais de conclure certains arrangements qui
sont une des causes principales de la guerre actuelle ?

«Mais je répète que les polémiques générales dans
la presse et les discours publics ne peuvent qu'attiser
la haine entre les nations. Et ce n'est point là le

chemin qui mène à l'état idéal qu'envisage Sir Edward
Groy et dans lequel les peuples libres et ép 11ÉK réduiront
leurs armements et videront leurs querelles non par
la guerre, mais par voie d'arbitrage.

« J'ai établi deux /ois publiquement que l'Alle-
magne était et reste disposée à terminer la guerre sur
une base la garantissant des agressions futures par une
coalition d'ennemis, et assurant la paix à l'Europe,

« Vous avez entendu ce que M. Poincaré a ré-
pondu I »

— Maïs, objecta le journaliste américain, l'inter-
view d'Edward Grey sonne tout autrement. -

— Je n'en, sais rien, dit le Chancelier, c'est Grey
seul qui peut en juger.-Mais il. est une chose que
je sais :

« Lorsque les hommes d'Etat des nations belligé-
rantes se placeront sur le terrain des faits réels, lors-
qu'ils prendront la situation de guerre telle que la
représente la carte, lorsqu'ils auront la volonté loyale
de mettre fin à cette sanglante tuerie, et de discuter
pratiquement entre eux les problèmes de la guerre et
de la paix, — alors seulement nous nous rapproche-
rons de la paix.

« C'est à ceux qui ne sont pas prêts à envisager
ainsi la situation qu'incombe la responsabilité de la
continuation du sanglant massacre européen.

« Cette responsabilité, je la repousse loin de moi. »

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier général, 27 mai 191fi.

Théâtre de la guerre Ù l'Ouest.
Au nord du canal de La Bassée une de nos pa-
trouilles pénétra près de Festubert dans la position
ennemie, fil des prisonniers et revint sans avoir subi de
pertes.

Dans les Argonnes vive lutte de mines, par laquelle
les tranchées ennemies furent détruites sur une assez
grande largeur. Outre quelques prisonniers, les Fran-^
çaïs perdirent de nombreux morts et blessés.

A gauche de la Meuse les Français'dïrigèrent, à par-
tir de minuit, de violentes attaques contre Cumières.
lis réussirent à pénétrer passagèrement dans l'extré-
mité sud du village ; lors du nettoyage, nous fîmesr
53 prisonniers.

A droite de la Meuse nous réussîmes à pousser jus-
qu'aux hauteurs situées au bord sud-ouest de la forêt
de Thiaumont.

Une tentative d'attaque française contre ce point fut
étouffée en germe par le feu de notre artillerie ; deux
attaques ennemies contre nos positions nouvellement
conquises au sud du fort de Douaumonl échouèrent
intégralement.

Dans les combats au sud-ouest et au sud du jort
nous avons fait prisonniers, depuis le 22 mai, 48 offi-
ciers et ig437iommf5.

.Théâtre de la guerre à l'Est.
Lors d'une reconnaissance, opérée avec succès-au
sud de Kekkau, nous fîmes quelques prisonniers. *
Théâtre de la guerre aux'Balkans.
Aucun changement.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Pans, 23 mai 1910. soir.

En Argonnc, nos batteries ont bombardé Cnergiquemcnl Non-
lilloij, Montfaucon ci le bois de Cheppy.

Sur la rive gauche de h Meuse, noua avons continué a pro-
gresser dan» la journée nu sud de la cote 287 et toreé l'ennemi à
évacuer le petit ouvrage nuit tenait depuis le 19 Dans la région
oucal du .Mort-Homme, nos contrc-attaquca nous ont permis de
chasser 1 ennemi de quelques nouveaux éléments d»tranche.es oc-
'cupéa par lui

Sur la rive droite, après une puissante préparation d'artillerie,
notre infanterie s'est portée ù luitaut des positions allemandes
sur 1111 front d'environ 2 kilomètres, depuis la région il l'ouest do
la lerme Thiaumoiy jusqu a 1 r§l du fort de Douaumonl. -Sur loul

FEUILLETON DE LA tGAZETl B DBà AltDENNLS» 26

LA GUERRE FATALE

Par le Capitaine DANR1T

— A quinie cents mètres environ, se dirigeant par ici,
mon Général, environ cinq escadrons cuneuns et il* ne
doivent pis être seule.... forte poussière derrière.

— Quelle arme ?

— Dca lanciers.

Le général fronça le sourcil. .. . C'est qu'en effet, malgré
toutes les dissertations sur la matière, un fait apparaissait
brutal a ce moment, précédant le choc*.. Une troupe armée
de lances qui charge une troupe année de sabres a sur elle
au moment du heurt un avantage incomparable.

Dans U mêlée qui suit, cet avantage disparaît et le sa-
breur retrouve ses avantages, mais quel dur moment à passer
que celui où les lances s'abaissent dans le flamboiement de
la charge.

— Vos patrouiles ont-cllcs été éventées*?

— Non. mon général.

— Alors, demi-tgur I. . . .

Et sur son signal répété sur tout le front, les huit esca-
drons qui suivaient firent face en arrière et revenus vers le
gro'ioe de fermes qui dissimulait le 1" bataillon, se blotti-
rent de.-jère le long d'un verger voisin.

Un seul se détacha et redescendant vers la vallée, dispa-
rut derrière une petite croupe, "puis on le vît, contournant
un hameau, faire un crochet pour remonter vers la gauche
du côté où l'ennemi venait d élre signalé.

Les chasseurs très intrigués regardaient. -

Le commandant Couturier s'était avancé.

— Je vais poster une compagnie pour les reccvoii, mon
général. Eu les laissant approcher à bonne portée...

— Ecoutez, mon cher camarade, lit le général, laissez-
moi cette occasion puisqu'elle s'offre ; voilà plus de trente
ons que je l'attends ; Anglais ou Allemands, j'ai un vieux
compte à régler avec eux -

Lt il montrait en riant sa cicatrice.
- — A vos ordres et aussi à voire service si nous pouvons
être bons ù quelque chose, mon général.

— Voilà : l'escadron parti là-haut est une amorce : il va
se faire poursuivre, nous les amener, cl si nous arrivons à
les prendre en flanc... des lanciers pris en flanc... 'vous
allez voir ça! surtout si les cuirassiers cjue-je viens d'en>
vojcr chercher anivcnl à temps.

— Que personne ne se montre, jeta le commandant Cou-
turier. )

Pendant un quart d'heure, dissimulé derrière une, hnie, '
le petit groupe d'officiers attendit, pendant que les chas-
seurs se serrant les uns contre le» autres se tassaient contre
les murs des granges ou se couchaient dans ics vergers. ;

La 2* compagnie, désignée pour occuper une haie qui
faisait face au champ probable de la charge, -Vy portait
homme par homme ut le capitaïae de Marthe, allant dau
bout à l'autre de la ligne, K-rommindi de ne tirer qu'A
"son coup de sifflet, car I 1 us et Anglais aliment «1*3
mcliis et U discipline du i , était plus que jamais iiécc*-fl
■aire.... ■* J

— Est-ce qu'ils seront rouges, demaiulu le sergent P*n
tinville P

'Et cette question semblait tire sur lui lèvres de tout lu
monde, car n'ils étaient rouges1, nul ne pourrait après la1
charge les confondre avec nos hussards bleus, et ou pour-
rait tirer.. m

Le capitaine de Barlhe se tourna vers lé lieutenant de
Figueira qui avait fait une élude particulière de l'armée

anglaise. t *

— Si*ce Mfll des lanciers, comme on le dit, déclina 1 of-
ficier.... tunique bleue, Lieue foncé, avec SOUtachci jaunes..-:'

.— Erreur, fil le petit PHlet qui jcnlr.nl avec uno
patrouille et qui, «'arrêtant un instant derrière U haie,1
vendit d'entendre la queslîon : erreur, ils sunl rouges 1.....

— Bleus I

— Bouges ! _

Et celle discussion mit de belle humeur les vitriers qui
écoulaient en vérifiant le contenu de leur m affûta.
Entre deux caporaux un pan s'engagea
Fayard tenait pour le ronge et Lutel pour le bleu.

— Cinq sou\ ça y est, mou vieux |.„.

— Attention ! jelu une voix.

Au sommet de la crête une silhouette apparut, p'ii* une
seconde . elles étaient a douze ou quinze ce ni* milles envi-
ron, mai» les lances K délai liaient netli nu 1*11 MlOi i/oii :
c'était l'ennemi.

Sur la droite le lerain Lien découvert descendait en
pente douce vers les prairies qui ont remplacé le bras de
mer sépurant jadis l'île de Thanet de la Bretagne romaine.

C'était un merveilleux terrain de charge, un tapis de
gazon élastique et sans obstacles.

Les éclaireurs ennemis furent renforcés d'un petit groupe
de cavaliers, puis ils s'arrêtèrent et on les vil faire face à
gauche, connue si quelque chose de particulier eut attiré
leur attention.

Eu effet, un tourbillon de poussière apparut au sommet
des crûtes et aussitôt des exclamation s'elev'èicnt parmi
les chasseurs.

—Les hussards 1 les hussards qui rappliquent 1

Au galop, en effet, l'escadron-amorce du général de Mer-
ville revenait vers la ferme ; à l'oscillation rythmée de sa
ligne on dcvinail la rapidité de l'allure.

Orienté sur leur direction qui ne pouvait plus être modi-
fiée, puisque leur déploiement était achevé, le général de
Merville til pirouetter son cheval ; un officier d'ordon-
nance mil lui dire : Ils sont là I et prenant le galop il
disparut derrière lej bàtimenls de la ferme avec son Etat-

H.W

Maintenant les hussards poursuivis obliquaient i gauche
pour ne pas amener leurs adversaires directement sur la'
brigade et l'ennemi, se conformant à leur mouvement
d'oblique allait prêter le flanc droit ù la contre-attaque.

Mats ce qui était" véritablement stupéfiant, c'était lin-
consciente témérité de cette cavoteiic anglaise, se lançant à
fond de liain sur un terrain non reconnu, ignorant 1 usage
de ces reconnaissances préalables faites par des patrouilles
appelées précisément" <( patrouilles de terains », et rééditant
par son manque traditionnel des précautions les plus élé-
mentaires ù la guerre, les fautes les plus grossières de lord
Melhuen et de sir Hed«ers Butler au Transvaal.

L'Angleterre s'honore, comme d'un des anniversaires les ■
plus glorieux, de la charge ù Balaklava du dernier des
Cardrgnan ; il faut pourtant rappeler que relie chevauchée
de la cavalerie anglaise s engouffra ni inutilement dans tm_
cercle de batteries russes, sous les yeux de l'arméo alliée
stupéfaite, fui une folie, une folie héroïque si l'on veut,
niant une folie : elle prouve que l'aristocratie militaire
anglaise suit se sacrifier quand il le faut, cl même quand
il ne le faut pas ; mais de cela, nul n'a jamais douté et,
munis que personne l'auteur de ces récits : il rend et rendra

toujours homuiag* uu courage individuel des officiels
anglais ; il n'oublie pas que dans cette guerre de l'Afrique
du Sud où il faut aller chercher tant d'enseignements, ils

prirent toujours la tète de leurs troupes et se firent tuer
dans une proportion inusitée ; il n'oublie pas que dans cette
guerre où sombra l'honneur de l'Angleterre en tant que
nation civilisée, où leurs soldais rivalisèrent d* lâcheté, en
se rendant par centaines dès que leurs chefs étaient par
terre, ils sauvèrent l'honneur du corps d'officiers.

Mais s'il e&l un gentleman accompli, pénétré de ses
devoirs, rompu aux exercices physiques el infiniment supé-
rieur à Tommy (i) qu'il dédaigne et Jraitr de très houl,
l'officier anglais est ignorant.

11 l'est, non seulement au point de vue des connaissances
générales qu'il sacrifie à son goût traditionnel pour les
sports et la vie de plein air, niais ce qui est plus grave
don3 une armée, au point de vue des connaissances profes-
sionnelles, il n'a ni étudié ni pratiqué les règles de la
guerre moderne et l'organisnlion'mcme de l'armée anglaise
s'oppose h ce qu'il progresse sérieusement dans cej ordre
d'idées ; les appels de la milice, les manœuvres su«iniiéei
d'Aldershot, l'indépendance fantaisiste des volontaires, la
facihlé avec laquelle un jeune homme sans valeur technique
arrive au grade d'officier, tout cela contribue à entretenir
cette ignorance ; un changement radical dans les moeurs
unglaises, l'adoption du service pour tous, l'accession aux
divers grades des plus méritants et non des plus riches, la
refonte en un mot de toules ses institutions militaires pou-
vait seule sauver l'Angleterre ; mais de tout cela nul Anglais
n'avait voulu ù l'heure où il aurait fallu vouloir.

La ligne poursuivante n'était plus qu'à Goo mètres de la
huie denicre laquelle étaient postés les chasseurs de U a*;
le commandant Couturier y courut.

— Surtout ne lirez pas 1 répéla-l-il à son tour à plusieurs

reprises.

C'était pourtant bien tentant, car le champ de tir allait
Ctre dégagé par les hussards, et les chasseurs le doigt sur

la dsteute, se retournaient vers leur capitaine comme pour
implorer l'ordre d'agir.

(A suivre.)

0) Surnom populaire donné au ioldit anglais, analogue a

Pitou ou a Durminct chez noua.
 
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