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Fontane, Charles
Un maître de la caricature - And. Gill: 1840 - 1885 (Band 1) — Paris, [1927]

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https://doi.org/10.11588/diglit.8795#0158
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** 124 ** ANDRÉ GILL ****

Après Adèle Druin, qui partit de là, elle aussi, pour ouvrir un autre éta-
blissement rue de Norvins, voici Frédé — Frédéric Gérard, pour le rece-
veur des contributions, — Frédé en pantalon de velours beige, chemise de
laine rouge, coiffé d'un feutre cabossé et le visage encadré d'une barbe de
juif errant; c'est le dernier tenancier du lieu qui, hier encore, dans la fumée
lourde et enveloppante du tabac, pipe au bec et guitare au poing, berçait
de ses refrains centenaires les rêveries des nouveaux venus : Guillaume
Apollinaire, Georges Bannerot, Rodolphe Bringer, Francis Carco, Claudien,
Curnonsky, Henry de Forge, Maurice Dekobra, Georges Delaw, J. Dépa-
quif, Roland Dorgclès, Jacques Dyssord, Paul Fort, Gassier, Ch. Genty,
Max Jacob, Jehan Rictus, Jeanne Landre, Gabriel de Lautrec, Alfred Ma-
chard, R. Mendès, Eugène Montfort, P. Mac Orlan, J. Pellerin, Poulbot,
J. Romains, André Salmon, P.-J. Toulet, Maurice Utrillo, Suzanne Valadon,
André Warnod et combien d'autres auxquels n'a-t-il pas dit de sa voix
caverneuse : « Messieurs, le peuple a soif! »

*

Il nous faut accorder une mention (honorable!) très spéciale au très
illustre Boronali1, quadrupède sympathique que son maître éleva à la dignité
d'artiste peintre en lui faisant exécuter avec sa queue un tableau, étrange
mélange de bleu, de vert, de jaune et de rouge, ne ressemblant à rien et
pompeusement baptisé : « Le soleil s'endormant sur l'Adriatique. »

Le lendemain de cette facétie, née d'un pari entre Henry de Forge et
Roland Dorgelès, on pouvait lire le manifeste suivant en faveur de l'exces-
sivisme :

Haut les palettes! Haut les pinceaux et haut les tons! Vivent l'écarlate, le pourpre, les gemmes
coruscantes, tous ces tons qui, tourbillonnant et se superposant, sont le reflet véritable du sublime
prisme solaire !

Ne nous laissons pas rebuter par les braillements des putois écorchés vifs qui agonisent sous
la coupole.

Plus de lignes, plus de fluctuations, plus de métier, mais de l'éblouissement, du rutilement!

Et, comme il faut une fin, ce tableau qui mit en liesse les visiteurs du
Salon des Indépendants de l'an 1910, a, pour la plus grande gloire de l'art
futuriste, traversé l'Atlantique.

1. Anagramme d'Aliboron.
 
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