Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext

PIE IX


ie ix sera considéré par l’Avenir comme une
figure de pape étonnamment grande et majes-
tueuse, unique même dans l’histoire de l’Eglise.
Doué d’un esprit si peu politique qu’on pouvait
à bon droit le dire impolitique, il avait su
prendre devant le monde une attitude merveil-

leuse de prévoyance et de sagesse. Ses fautes mêmes ont
tourné à l’honneur et à l’avantage du Saint-Siège. Il laisse rigou-
reusement intacts à son successeur tous les droits, toutes les tra-

ditions, tout le patrimoine moral de la Papauté. Sa gloire a eu
autant de consécrations que Dieu et les hommes en donnent sur la
terre, celle des acclamations, celle des outrages, celle des mal-
heurs. Il a porté héroïquement et magnifiquement jusqu’à sa
dernière heure cette croix du Christ qui, depuis dix-huit cents ans,
domine le monde et dont aucun nuage de persécution n’a réussi
à ternir l’éclat. Jeune, il essayait d’ouvrir le Catholicisme à la
liberté; vieux et brisé de maux, il fermait l’Eglise à la Révolution.
Et toute sa vie tient en ces quelques mots.
Du fond de ce Vatican qui le tenait enfermé — sublime pri-
sonnier de lui-même — il faisait entendre aux fidèles sa haute voix

d’encouragement et d’espoir. L’approche de ses derniers moments
ne le troublait point. Il savait Dieu au-dessus de lui et près de lui;
il savait ses ouailles unies dans sa foi; il ne craignait rien, il atten-

dait tout avec une certitude invincible. « Les papes meurent, disait-
il une fois, mais le Seigneur demeure. » Le Vénérable Pontife revit
tout entier dans cette parole. A son dernier soupir, telle a dû être
sa pensée. Pie IX n’était pas un homme : c’était l’incarnation
même de la Volonté d’en haut.
Il y a quelques mois, me trouvant à Rome, j’ai eu plusieurs fois
l’honneur de l’approcher. Je le verrai toujours tel qu’il m’a été
donné de le voir à cette époque. La maladie qui paralysait ses
membres, qui creusait un cercle noir autour de ses yeux, qui
plombait son pâle visage, ne lui ôtait rien de cet air de majesté
sereine qui était le signe propre de sa personnalité. Au plus fort
de ses souffrances, il était doux, patient, divinement calme. Le
roi en lui ne s’évanouissait jamais. Porté à bras sur le brancard où
le clouait son mal, il passait, bénissant et priant, interrogeant ses
serviteurs, infatigable en sa mission. Parfois un sourire éclairait
sa bonne physionomie; parfois aussi une flamme ardente s’al-
lumait au fond de ses orbites. Le sourire était d’un prêtre,
l’éclair soudain était d’un soldat. Certes, cette joie pensive répon-
dait à quelques pures inspirations de misères à secourir, de bonnes
œuvres à encourager; mais il y avait de l’anathème dans la pensée
qui éclatait brusquement dans ses yeux d’une fixité terrible.
C’étaient là, en effet, les deux faces de sa mission, et le
secret mal gardé de sa douleur. Car, il souffrait cruellement,
 
Annotationen