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coup, produisant beaucoup, quelquefois devant un morceau de
pain et un verre d’eau. J’aurais pu avoir une autre existence.
Souvent on me disait : « Vous savez Horace, venez à la Cour,
vous serez bien reçu. » J’ai toujours refusé, car je n’ai jamais
rien voulu recevoir, si ce n’est du suffrage universel. »
Le savant jeune homme était, en effet, sans ressources; mais
il était soutenu par sa foi philosophique, par son amour de
l’étude. En outre des travaux divers qu’il avait dû entreprendre
pour vivre, il étudiait le droit, la médecine et les sciences natu-
relles et se préparait à ses magnifiques découvertes. Armé d’une
•mauvaise loupe, de quelques gouttes de réactif, il s’en allait, en
compagnie de son ami Saigey, fouiller au milieu des carrières
désertes de Gentilly, pour observer les métamorphoses des espèces
diverses de graminées. Le premier, il faisait en France l’applica-
tion pratique du microscope à l’étude des êtres organisés.
La science ne suffit point à son activité fiévreuse; il fait de la
politique militante, collaborant à plusieurs journaux, publiant des
brochures, des pamphlets, s’affiliant à toutes les sociétés secrètes
et autres de l’époque. Dans le même document précité, Raspail
nous raconte lui-même avec humour cette émouvante et agitée
odyssée politique qui commence d’une manière publique et écla-
tante en 1830, pour prendre fin la veille de sa mort, en 1878,
puisque l’ancien blessé de la caserne de la rue de Babylone devait
présider ce jour-là la Chambre des députés, comme doyen d’âge.
« A la révolution de Juillet, j’étais un des combattants, j’ai été
« blessé. Peut-on m’en faire un crime ? On m’a offert ensuite la
« croix (1); 011 m’a offert une place au Collège de France, j’ai
« toujours refusé.
« J’ai eu plusieurs procès, des procès de presse, qui ne salissent
« personne. J’ai été acquitté plusieurs fois. A la suite d’un acquit-
te tement, j’étais en prison à Versailles pour quelques paroles qui
« m’étaient échappées à la suite de cet acquittement. Godefroid
« Cavaignac est venu me trouver un jour, il me dit : « Voilà
« Lamarque mort, il faut faire une émeute. » Je lui dis : « Vous
« voulez faire une émeute, mais vous n’irez pas. Faites-moi sortir
« et je verrai bien si ce peut être une révolution. » L’émeute eut

(1) Voici, comme curiosité historique, le texte de la lettre de refus de Ras-
pail, publiée par lui dans la Tribune. :
« Monsieur le ministre,
« J’ai reçu, le 16 de ce mois, la lettre datée du 13 par laquelle vous me
faites l’honneur de m’annoncer que, par ordonnance du 12, Sa Majesté a
daigné me conférer le titre de chevalier de la Légion d’honneur.
« Je m’empresse, monsieur, de vous prier de rapporter cette ordonnance.
« Si la croix d’honneur s’était conservée la croix des Monge, des héros de
Marengo, d’Austerlitz et d’Iéna, peut-être aurais-je eu la faiblesse de braver
mille fois la mort pour mériter cette décoration, une seule. Mais depuis la
Restauration, on l’a prodiguée à tant de bureaucrates ou de traîtres qui ont
tout fait contre nos libertés; et ces jours derniers encore, on a essayé . . .
qu’en l’acceptant, je semblerais insulter à la situation de mes camarades de
Juillet, de ces braves qui préfèrent se laissser empoigner plutôt que d’amener
la guerre civile, alors qu’il n’est pas encore démontré qu’il existe deux camps
dans Paris.
« La seule décoration à laquelle mes opinions, essentiellement républicaines
me permettent de prétendre, c’est la décoration spéciale des trois journées ;
celle-là n’ennoblit pas, elle honore ; elle sera décernée non par le pouvoir
mais par nos frères d’armes ; elle n’aura été flétrie par aucune boutonnière
indigne ; mais, toute tardive qu’elle est, elle sortira vierge, je l’espère, des
mains de la commission des récompenses nationales.
« Agréez, monsieur le ministre, l’expression de la considération, etc.
« Raspail,
« Homme du peuple. »

« lieu, je l’aurais empêchée, si j’eusse été libre. Et pendant que
« tant de personnes se faisaient tuer rue Saint-Merry, Godefroid
« Cavaignac se promenait tout tranquillement sous mes fenêtres.
« Le 24 février, c’est moi qui ai le premier proclamé la Répu-
« blique. J’avais 25,000 hommes auprès de moi, je les avais
consultés. J’avais tous les malades que je soignais, je les inter-
« rogeai, besoigneux et riches, tous ils me disaient : c’est la
« République que nous voulons ; après avoir consulté plus de
« 25,000 personnes, je leur dis : « C’est vous qui représentez la
« France, si vous voulez la République, suivez-moi, protégez-moi
« le dos; la poitrine, cela me regarde. »
« Il y avait là des dames qui délibéraient. On voulait procla-
« mer la‘régence, je donnai à ces dames le temps de se retirer.
« Je me présentai, la porte était fermée. Je parlementai.
« M. d’Hautpoul, je crois, me demanda qui j’étais, je répondis :
« Nous sommes le peuple. » On me dit : « Entrez seul. » Je
« répondis : «. Je ne puis entrer seul sans consulter la popula-
ce tion. » Je dis à la population : « Je vais entrer seul, mais faites
« attention, et, si je ne sors pas, entrez et réclamez-moi mort ou
« vivant. »
« Il y avait une table dans la pièce. Je demandai : où est le
« gouvernement que vous appelez le Gouvernement provisoire ?
« Je rencontrai Marie. J’étais content ; c’était un avocat et des
« plus probes. Il me dit : « Que voulez-vous ? — Nous voulons
« la République, lui répondis-je. — C’est ce que nous désirons
« aussi, me dit-il. — Je lui dis : eh bien, venez la proclamer
« avec moi. Il me dit : « Allez la proclamer », et alors, au nom
« du peuple français, je proclamai la République une et indi-
« visible. »
Mais il ne tarda pas à s’allier au parti avancé contre le gouver-
nement républicain, et prit part aux journées des 17 mars et
16 avril. Arrêté le 15 mai, il fut interné au fort de Vincennes, et
condamné par la haute Cour de Bourges le 2 avril 1849 à cinq
ans de prison qu’il subit à Doullens. A l’expiration de sa peine, il
s’exila en Belgique. Pendant cette période de luttes politiques,
Raspail n’avait cessé de s’occuper activement de sciences. De la
même main qui rédigeait le Réformateur, Z’Ami du Peuple, la Lu-
nette de Vincennes, la Lunette de Doullens, il écrivait le Nouveau sys-
tème de Chimie organique, trois volumes in-8°, le Nouveau système
de physiologie végétale et de botanique, deux volumes considérables,
la Revue élémentaire de médecine et de pharmacie domestique, les
Annales des sciences d’observation, etc., etc. Il entamait en 1840, à
propos du procès de Mme Lafarge avec Orfila, cette légendaire
polémique de l’arsenic ; Orfila, appelé comme expert dans cette
affaire, avait découvert, à l’aide de l’appareil de Marsh, de l’arsenic
dans les restes soumis à son examen. Appelé par les avocats de la
défense à contester l’expertise du célèbre praticien, Raspail dans
son rapport soutint que les taches, données par cet appareil, ne
prouvaient absolument rien dans la question, attendu que cette
substance toxique est répandue dans tous les corps : « Je me fais
fort, ajoutait-il, en matière de conclusion, de trouver de l’arsenic
jusque dans le fauteuil de M. le Président de la Cour d’assises ».
Peu de temps après, Raspail exposa sa nouvelle méthode curative
et hygiénique qui à rendu son nom si populaire. Le savant chi-
miste avait été amené par ses études variées à penser que le plus
grand nombre des maladies provient de l’invasion des parasites
internes et externes et de l’infection produite dans l’économie par-
leur action désorganisatrice. Il chercha un agent capable d’étouffer
ces germes morbides et crut le trouver dans le camphre déjà très
usité en pharmacopée comme antiseptique ; il en fit une espèce de
panacée universelle et, pour sa divulgation, fonda une publication
 
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