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GALERIE CONTEMPORAINE, LITTÉRAIRE, ARTISTIQUE

■extraordinaire d’Edmond Dantès, placée dans un milieu
contemporain, dût son succès au goût de l’époque pour les
aventures romanesques. Aujourd’hui ce côté étrange de
l’œuvre nous séduit moins et nous paraît être une sorte de
gageure contre le bon sens et la vraisemblance.
Nous sommes, au contraire, plus émus par certaines
parties, secondaires dans la pensée de l’auteur, mais qui
sont devenues principales parce qu’elles sont humaines et
par conséquent toujours vraies. Nous voulons parler de
l’histoire de Morel, de Madame de Morcerf, et du drame
poignant qui se joue dans la maison de M. de Villefort.
Il est impossible de relire ces pages terribles sans être
profondément touché. Aucune observation philosophique,
aucune analyse des caractères ne fait languir le récit ; on se
■sent emporté, malgré soi, dans un tourbillon d’événements
tragiques qui ne vous permet pas de respirer un instant.
Les coups de théâtre se succèdent avec une rapidité vertigi-
neuse, on est ébloui, étourdi, et l’on arrive haletant à la fin
de cet immense roman sans s’être douté de sa longueur tant
il y a de puissance dans la conception et d’art dans la con-
duite des événements.
En 1844, trois ans après le commencement de Monte-
Cristo, le Siècle publiait, également en feuilleton, les Trois
Mousquetaires. Ce roman appartient au genre pseudo-histo-
rique qui a fourni à Alexandre Dumas les éléments de ses
meilleurs récits. Le fond en est tiré des mémoires de d'Ar-
tagnan, la forme lui appartient en propre.
Est-il rien de plus joyeux, déplus émouvant, que les avan-
tures épiques de ces Mousquetaires ? Est-il rien de plus
jeune, déplus entraînant que leurs escapades d’écoliers ou
que leurs entreprises chevaleresques ? Le style d’Alexandre
Dumas convenait admirablement à cette sorte de récit. On
dirait que pour l’écrire l’auteur a fait comme ses héros,
qu'il a mis un panache à son chapeau et qu’il s’est revêtu
d’un baudrier brodé où pend une immense rapière. Il n’y
a pas que d’Artagnan qui soit gascon, les trois autres le
sont également tant ils ont de verve et d’insouciance !
Cet ouvrage un des chefs-d’œuvre du maître, peut être
considéré comme le type du roman de cape et d’épée. Il a
servi de modèle à bien des romans de ce genre, mais aucun,
jusqu’à présent n'en a égalé la rapidité ni l’intérêt.
Comme œuvre littéraire, la Reine Margot (1845) ne le
cède pas aux Mousquetaires. Le fond de ce récit est emprunté
aux Mémoires et aux Chroniques de la fin du xvie siècle.
Les funèbres évènements auxquels se trouvent mêlés les
amours de la Mole et de la Reine Margot, donnent à cette
histoire une poésie et une grandeur tragiques, dont les
romans historiques de Dumas nous offrent de fréquents
exemples.

même pour citer les noms de tous les autres. Signalons
néanmoins l’unité qui règne dans son œuvre. Depuis le
xvie siècle jusqu’à nos jours, il n’est pas une époque dont il
n'ait tiré un sujet de récit, et cette suite de romans, d'un
puissant intérêt, forme un ensemble grandiose, unique
peut-être dans notre histoire littéraire.
Comme dramaturge, Alexandre Dumas n’a pas été moins
étonnant que comme romancier ; il a porté au théâtre toutes
les qualités de sa prodigieuse invention et a puissamment
aidé à la révolution littéraire de 1830. Quoique le nombre
des drames qu’il a composés, ou plutôt improvisés, soit con-
sidérable, dans tous cependant il se rencontre des situations
et des mots que n’auraient pas désavoués nos grands tragi-
ques. Malheureusement la hâte avec lequel il les écrivit ne
lui permit pas de leur donner une forme qui fût à la hauteur
de la pensée, et bien des scènes admirables seront oubliées
pour avoir été écrites dans un style que l’on voudrait plus
pur et plus sévère.
Il est des auteurs qui ont obtenu au théâtre des succès
aussi éclatants, mais il n’en est pas, croyons-nous, qui en aient
eu d’aussi suivis. Depuis le jour où petit employé de bureau,
il obtint au Théâtre-Français son premier triomphe avec
Henri III, jusqu'au jour où, déjà sexagénaire, il fit repré-
senter Madame de Chamblay, il ne connût guère que les
applaudissements, aussi bien ceux des princes que ceux du
peuple, car il n’y a peut-être pas d'écrivains dont le talent
ait été aussi universellement admiré que le sien.
La liste complète de ses pièces, pour être moins longue que
celle de ses romans, n'est pas moins considérable ; il nous
suffira de citer les noms des plus célèbres : Antony, Angèle,
Les Demoiselles de Saint-Cyr, Mademoiselle de Belle-Isle, le
Chevalier de Maison-Rouge, les Mousquetaires, la Reine Margot.
En résumé, Alexandre Dumas père demeurera la per-
sonnification la plus complète de la fécondité et de la
jeunesse de l’imagination. Quelle qu'ait été la part de ses
collaborateurs, il n'en est pas moins un des colosses de la
littérature du xixe siècle et son nom restera celui du plus
fabuleux conteur que l'on ait encore vu. Son œuvre est
comme un fleuve large et profond dont les flots charrient
tout ce qu’ils ont arraché à ses bords ; sans doute ils ne
sont pas toujours purs et ils roulent avec eux bien du limon,
mais ils ne tarissent jamais ; tout le monde peut y puiser
sans crainte d'amoindrir son cours, au contraire, plus la
foule est grande de ceux qui viennent s’y désaltérer, mieux
on en comprend la grandeur et la majesté.
Gaston Schéfer.

Les quatre ouvrages dont nous venons de parler, sont les
plus parfaits-que Dumas ait écrits. L’espace nous manquerait,
 
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