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ils le savent ; et, dans les deux cas, ils sont bien à plaindre. Voilà
qui est clair.
Le succès obtenu lui amenait des travaux, toujours fort mai-
grement rétribués, car l’eau-forte n’avait encore qu’une clientèle
trop rare. Le pauvre Cadart ne s’était pas encore attelé à son
char embourbé. Bracquemond essaya de la vignette, mais il n’y
put asservir sa main robuste : il brisait, lui aussi, la quenouille.
En 1856, il fit un retour vers la peinture, et bravement il exposa
le portrait de Mme Paul Meurice. Quel ne fut pas son étonne-
ment de voir ce portrait récompensé d’une médaille ! Cette mé-
daille le stupéfia, longtemps il la retourna dans ses doigts, comme
un objet étrange et de destination inconnue, et l’on eut toutes
les peines du monde à l’empêcher d’aller la reporter au jury : il
estimait qu’il y avait erreur et qu’on l’avait confondu avec quel-
que élève de Cabanel!
Tandis qu’il faisait au Louvre les dessins qui devaient lui ser-

artiste. Mais, l’orage disparu, le vent se remit à la bonne chance,
c’est-à-dire au travail. Bracquemond entra, en 1871, à la manu-
facture de Sèvres en qualité de chef des ateliers de peinture. La
position était honorable et elle revêtait le peintre de ce vernis
officiel qui fait plus en France pour les artistes que le talent.
C’était d’ailleurs presque une sinécure. « Je n’avais rien à faire,
« me dit-il, qu’à mettre un habit noir pour aller voir le Ministre
« au jour de l’an, ou qu'à mettre un habit toutes les fois qu’on
« changeait de ministre; de telle sorte qu’il est usé aujourd’hui!
« En somme, vie douce et monotone! »
En 1872, le chef d’une grande manufacture de porcelaine et
faïence, M. Haviland, de Limoges, s’attacha les services de Brac-
quemond. Il lui confia la direction des travaux d’art de la maison
succursale qu’il fondait à Auteuil. C’est là que nous le retrou-
vons aujourd’hui. Il a imprimé à la fabrication de cet établisse-
ment un élan considérable, et il est en train de la faire monter

vir pour la gravure
de l’Érasme, Brac-
quemond, toujours le
nez auvent, s’était ar-
rêté devant les émaux
de Léonard Limou-
sin, lesquels sont ex-
posés dans la galerie
d’Apollon, comme on
sait. La curiosité le
saisit de cet art nou-
veau, et le voilà qui
se met en tête de
faire, lui aussi, des
portraits d’après ce
procédé. En prenant
des renseignements
de côté et d’autre,
il arriva un jour chez
Deck, le fabricant
bien connu de faïence
d’art, dont la maison,
aujourd’hui euro-
péenne, sortait alors


au premier rang. Des
peintres éminents,
des sculpteurs déjà
réputés, tels que
Noël, Delaplanche,
Aubé, pour ne par-
ler que de ceux que
je connais, se sont
groupés autour de
Bracquemond, et
composent des vases
de toutes formes et
de toutes dimensions
qui sont déjà l’or-
nement des riches
mobiliers modernes,
en attendant qu’ils
deviennent des piè-
ces de musée. Ce
qui se déploie de
fantaisie, d’invention
décorative, de goût
et de talent dans les
ateliers d’Auteuil, je

des limbes de la création. Les beaux tons obtenus par l’inventeur,
ses élégants modèles, sa foi ardente dans son entreprise, tout cela
inspira à Bracquemond une passion nouvelle pour la faïence. Il
travailla donc chez Deck, mais à ses heures de loisir, car l’eau-
forte, alors, le faisait vivre, et il prit dès cette époque un goût
définitif pour la décoration des poteries. Dans cet art, comme
dans tous les autres, l’artiste se créa tout de suite une place à part
par l’originalité de sa manière. En 1866, un industriel vint lui
demander de lui faire un essai à l’eau forte qui pût servir à la déco-
ration de la faïence. Le procédé n’était pas à créer, puisqu’il existe
des assiettes décorées de cette manière qui datent de la fin du
siècle dernier, mais il s’agissait d’en retrouver le secret perdu.
Bracquemond exécuta un service de table complet et il l’exposa
en 1867. Le succès fut considérable, et ce service, qui porte son
nom, est resté célébré dans les fastes de l’art industriel.
Félix Bracquemond se maria quelque temps après, en 1869 :
il a épousé une charmante femme qui est, elle-même, une artiste
des plus distinguées et une céramiste de haut mérite. J’ai eu
l’occasion de rendre justice à ce mérite dans le Journal officiel, à
la dernière exposition de l’Union centrale. Mme Bracquemond y
avait envoyé de grands tableaux de faïence représentant des
femmes en costumes Moyen-âge d’un goût excellent et d’un
très-bel effet ornemental. Le Siège de Paris et la Commune entra-
vèrent quelque temps encore le cours d’un bonheur et des pros-
pérités dont ce mariage a été la source pour notre courageux

voudrais pouvoir le dire, car je l’ai vu! Mais il est convenu
aujourd’hui que toute louange masque une réclame, et l’on
m'accuserait peut-être d’avoir des intérêts dans la maison!
Dans ce concert d’artistes, Bracquemond paye, lui aussi, de sa
personne. A la dernière exposition de l’Union centrale, tous les
visiteurs s’arrêtaient devant un vase énorme, dominé par deux
renommées modelées par Delaplanche et encadrant un buste de
Washington. C’est Bracquemond qui avait élevé ce monument de
céramique à la liberté américaine. Travail effrayant et qui cadre
bien avec le tempérament d’artiste énergique dont il est doué !
Il fut très-discuté, il l’est encore, et je suis de ceux qui le défen-
dirent : certaines parties en sont d’une décision admirable et j’en
aime le parti pris général, qui n’a rien de banal et retentit d’in-
dividualité.
Bracquemond n’a point déserté l’eau-forte. A ses heures de
loisir, il reprend la pointe et grave une de ces planches colorées
qui ont commencé sa réputation. Mais il ne les livre plus au
commerce, et il les garde, l’avare! pour lui et pour ses amis.
A l’heure où j’achève ces lignes, il termine une vue du pont des
Arts, battu par une pluie d’orage, qui est un chef-d’œuvre. Tels
sont les traits principaux de cette figure originale, l’une des plus
curieuses, sans conteste, que le naturalisme contemporain ait
données à l’art du xixe siècle.
Émile Bergerat.
 
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