Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
HARPIGNIES

3 e crois, quant a moi, à cette théorie des noms,
ïÿtM que Balzac a développée d’une si ingénieuse

façon. Certains noms sont faits pour se glisser
M 'Oa doucement dans le succès; certains autres sont
prédestinés à la bataille; ceux-ci sont emportés
mollement vers la Renommée, ceux-là luttent
toute leur vie et se débattent contre les vagues.


Henri Harpignies... Cela ne vous indique-t-il pas un nom de
lutteur, une individualité artistique un peu âpre, un de ces êtres
qui conquièrent leur place par le talent, mais que la vie ne gâte
point, auxquels elle n’accorde que cette justice étroite, qui, selon
l’axiome summum jus summa injuria, est déjà un commencement
d’injustice.

L’artiste, chez Harpignies est vraiment l’homme de son nom.
Rien de moelleux, rien de primesautier, aucune de ces impressions
instantannées qui font dire à celui qui passe vite : comme, c’est
joli! Une conscience scrupuleuse au contraire, une vigueur
souvent poussée à l’excès, une réunion de qualités viriles qui font
dire à celui qui s’arrête quelque temps devant le Saut-de-Loup ou la
Vallée de l’Aumance : comme c’est beau !

Harpignies ne guette point la Nature comme Chintreuil, entre
deux ondées, il ne la surprend pas comme Corot, à ces heures
crépusculaires où tout est indistinct ; il se pose carrément devant
elle, l’interroge avec une sorte de loyauté grave et lui demande
de lui livrer non point son sourire, son caprice, sa fantaisie, mais
son secret éternel et profond...
Un sentiment austère vous prend devant ces toiles si fermes
dans leurs contours, si arrêtées dans leurs lignes parfois un peu
dures. Une réminiscence des paysages de Poussin vous vient
devant ces tableaux qui ne courent point cependant après l’imi-
tation antique. A ceci, rien d’étonnant ; Harpignies a voyagé
deux ans en Italie avant d’aborder le Salon, il est retourné en
Italie en 1864, quand le public avait déjà appris son nom; il en a
rapporté non point des souvenirs et des notes, pour quelques
z tbleaux particuliers, mais comme le sentiment d’un idéal supé-
rieur qui domine l’ensemble de son oeuvre.
La biographie d’Harpignies sera courte. Des forges où l’on
manipulait le fer sous toutes les formes; des fabriques de sucre,

tel était l’horizon qui s’offrait à lui; l’industrie était la carrière
que ses parents voulaient le voir suivre. Il essaya d’obéir et
n’y parvint pas; une vocation irrésistible pour la peinture l’en-
traînait.
Les paysages, tantôt majestueux, tantôt gracieux qu’il avait eus
sous les yeux dans le pays où sa famille était venue se fixer, à
Famard, fanum Martis, où les Romains avaient laissé partout des
traces de leur passage, n’avaient fait que développer l’amour de
la Nature et le désir d’en traduire les magnificences par le pinceau.
Un ami de la famille Harpignies, M. Lachaise, qui avait connu
Marilhat en Orient, et qui était mêlé d’assez près au monde artis-
tique, s’interposa. Il fut décidé qu’Harpignies irait à Paris et qu’il
entrerait dans l’atelier d’Achard...
Qu’était Achard? Peintre estimé autrefois, oublié aujour-
d’hui, quoique Alexandre Dumas, bon juge en peinture, ait donné
place dans sa galerie à quelques-uns de ses ouvrages, Achard
personnifiait assez exactement la transition entre le poncij de
Michalon et de Bidault et l’Ecole nouvelle qui a régénéré le
paysage français. Difficile de caractère, véridique jusqu’à la
bi utalité dans ses appréciations, il n’eût guère pour élève
qu’Harpignies...
Hâtons-nous de le dire, nul élève ne fut plus soumis, plus
respectueux, nul n’a conservé un meilleur souvenir de son pro-
fesseur. Né à Valenciennes en 1819, Harpignies avait alors vingt-
sept ans et il était reconnaissant et docile comme un enfant
envers l’homme qui l’initiait à cet Art qu’il avait si ardemment
désiré cultiver.
Après deux ans d’études chez ce maître rude de formes, Harpi-
gnies partit pour l’Italie. A son retour, il exposa pour la première
fois (1853) et le Chemin creux produisit une vive sensation. Ce
ne fut cependant qu’en 1861 que la Lisière de bois sur les bords de
l’Allier, composition d’une importance exceptionnelle, le mit dé-
cidément en évidence.
En 1863, Harpignies envoyait trois toiles les Corbeaux, Virgile et
Mécènes et les Canards sauvages; toutes les trois furent refusées par
l’institut, alors juge souverain à l’Exposition. Un seul ouvrage,
les Corbeaux fut arraché à cet ostracisme par un membre du j ury,
moins esclave du parti pris que les autres et qui, au dernier
 
Annotationen