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archaïque paraissent être toujours exécutées en simple pierre calcaire,
et non pas en marbre.
Pour ma part — et je me flatte que la planche que je publie aujour-
d’hui., conduira au même avis tous ceux qui se sont spécialement occupés
de l’histoire de Fart hellénique et de ses différentes écoles,—un examen
attentif et plusieurs fois répété de F Aphrodite à la colombe du Musée
de Lyon me fait considérer cette statue comme une oeuvre proprement
grecque, des anciennes époques où l’influence des types de l’Asie était
encore profonde sur la plastique des Hellènes, mais où cependant leur
art commençait déjà à surpasser ses modèles et à prendre une physio-
nomie individuelle. Je crois y reconnaître tous les caractères essentiels
du style des écoles ioniennes primitives. Avec plus de perfection dans
le travail et dans l’exécution, ce fragment se rapproche, à mon avis,
beaucoup, comme style et comme école d’art, des ex-voto archaïques
trouvés il y a une dizaine d’années à Marseille et datant des débuts
mêmes de cette colonie grecque (i). C’est un morceau de la même fa-
mille que les statues qui bordaient l’avenue du temple d’Apollon Di-
dyméen àBranchides (2), que celles cpii ont été rapportées de la nécro-
pole de Milet au .Louvre, par M. O. Rayet, enfin que les plus anciennes
sculptures athéniennes parvenues jusqu'à nous (3), sculptures dont les
caractères d’art ont été analysés d’une manière si fine et si remarqua-
ble par Beulé (4). En tant que spécimen des écoles ioniennes, notre
fragment me semble même assez frappant pour que j’aie quelque
peine à croire qu’il a été sculpté à Massalie; je serais plutôt tenté d’y
voir un simulacre apporté d’Ionie même par les compagnons d’Euxène
et de Protis, comme la statue cFArtémis Ephésienne qui devint le pal-
ladium de la nouvelle cité (5). C’est sûrement aussi d’Ionie que vien-
nent les monnaies d’argent anépigraphes appartenant à la même école
d’art, avec un carré creux au revers, dont 011a trouvé quelques-unes à
Saint-Remy (Glanum) et à Marseille même, au port de la Joliette (6),
et dont un dépôt d’une importance exceptionnelle (7) a été exhumé, il
y a quelques années, à Auriol (Bouches-du-Rhône).
Au reste, les statuettes de terre-cuite de style ancien, représentant
Aphrodite avec la colombe sur sa main, se rencontrent dans la Grèce
propre (8) aussi bien qu’à Gypre, et le même type est aussi celui de
bronzes de travail étrusque (9). François LENORMANT.
(J) Conze, Archæol. Zeit., Archæol. Anzeig.,
1866, p. 303-306, pl. B.
(2) Newton, Discoveries cit Halicarnassus, Cni-
clus and Branchiclae, pl. lxxiv et lxxv.
(3) Le Bas, Voyage archéologique en Grèce,
monuments figurés, pl. n, ni, îv et v.
(4) Gazette clés Beaux-Arts, t. XV, p. 489-513.
(5) Justin., XLIII, 3 et 4; Stràb., IV, p. 179.
(6) La Saussaye, Numismatique de la Gaule
Narbonnaise, pl. i, nos 1-5.
(7) Chabouillet, Revue des Sociétés savantes,
1869, 4e sér., t. X, p. 117-127; Rucher, Mélanges
de numismatique, 1875, p. 12 et suiv.
(8) Gerhard, Ueber Venusidole, pl. ni, n° 4.
(9) Ibid., pl. i, nos 1 et 2.
archaïque paraissent être toujours exécutées en simple pierre calcaire,
et non pas en marbre.
Pour ma part — et je me flatte que la planche que je publie aujour-
d’hui., conduira au même avis tous ceux qui se sont spécialement occupés
de l’histoire de Fart hellénique et de ses différentes écoles,—un examen
attentif et plusieurs fois répété de F Aphrodite à la colombe du Musée
de Lyon me fait considérer cette statue comme une oeuvre proprement
grecque, des anciennes époques où l’influence des types de l’Asie était
encore profonde sur la plastique des Hellènes, mais où cependant leur
art commençait déjà à surpasser ses modèles et à prendre une physio-
nomie individuelle. Je crois y reconnaître tous les caractères essentiels
du style des écoles ioniennes primitives. Avec plus de perfection dans
le travail et dans l’exécution, ce fragment se rapproche, à mon avis,
beaucoup, comme style et comme école d’art, des ex-voto archaïques
trouvés il y a une dizaine d’années à Marseille et datant des débuts
mêmes de cette colonie grecque (i). C’est un morceau de la même fa-
mille que les statues qui bordaient l’avenue du temple d’Apollon Di-
dyméen àBranchides (2), que celles cpii ont été rapportées de la nécro-
pole de Milet au .Louvre, par M. O. Rayet, enfin que les plus anciennes
sculptures athéniennes parvenues jusqu'à nous (3), sculptures dont les
caractères d’art ont été analysés d’une manière si fine et si remarqua-
ble par Beulé (4). En tant que spécimen des écoles ioniennes, notre
fragment me semble même assez frappant pour que j’aie quelque
peine à croire qu’il a été sculpté à Massalie; je serais plutôt tenté d’y
voir un simulacre apporté d’Ionie même par les compagnons d’Euxène
et de Protis, comme la statue cFArtémis Ephésienne qui devint le pal-
ladium de la nouvelle cité (5). C’est sûrement aussi d’Ionie que vien-
nent les monnaies d’argent anépigraphes appartenant à la même école
d’art, avec un carré creux au revers, dont 011a trouvé quelques-unes à
Saint-Remy (Glanum) et à Marseille même, au port de la Joliette (6),
et dont un dépôt d’une importance exceptionnelle (7) a été exhumé, il
y a quelques années, à Auriol (Bouches-du-Rhône).
Au reste, les statuettes de terre-cuite de style ancien, représentant
Aphrodite avec la colombe sur sa main, se rencontrent dans la Grèce
propre (8) aussi bien qu’à Gypre, et le même type est aussi celui de
bronzes de travail étrusque (9). François LENORMANT.
(J) Conze, Archæol. Zeit., Archæol. Anzeig.,
1866, p. 303-306, pl. B.
(2) Newton, Discoveries cit Halicarnassus, Cni-
clus and Branchiclae, pl. lxxiv et lxxv.
(3) Le Bas, Voyage archéologique en Grèce,
monuments figurés, pl. n, ni, îv et v.
(4) Gazette clés Beaux-Arts, t. XV, p. 489-513.
(5) Justin., XLIII, 3 et 4; Stràb., IV, p. 179.
(6) La Saussaye, Numismatique de la Gaule
Narbonnaise, pl. i, nos 1-5.
(7) Chabouillet, Revue des Sociétés savantes,
1869, 4e sér., t. X, p. 117-127; Rucher, Mélanges
de numismatique, 1875, p. 12 et suiv.
(8) Gerhard, Ueber Venusidole, pl. ni, n° 4.
(9) Ibid., pl. i, nos 1 et 2.