TRAVAUX D'ARCHITECTURE ET DE SCULPTURE DU DUC DE BERRY. 507
Hans Holbein passant par Bourges, au cours d’un voyage dont la date et le motif sont
inconnus, avait voulu emporter le souvenir de ces œuvres dont l'expression l’avait
frappé, et il en avait fait deux dessins qui sont conservés au Musée de Bâle. 11 appartient
aux biographes d’Holbein de rechercher les circonstances qui l’avaient conduit en
Berry. En comparant le dessin de Bâle avec la tête mutilée de Jean de France qui est
actuellement déposée dans un des magasins de la cathédrale, on voit que le crayon du
peintre a su transformer les chairs épaisses et bouffies d’un vieillard en un chef-d’œuvre
de bonhomie souriante.
Les miniatures de plusieurs manuscrits représentent le duc agenouillé devant la
Vierge et assisté de saint Jean et de saint André. La plus remarquable de ces peintures
est celle qui décore un livre d’Heures conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles,
dans laquelle M. Belisle a, le premier, reconnu la main d’André Beauneveu. Nous
savons, par un inventaire de la Sainte-Chapelle de Chambéry, que ces dessins avaient
servi de modèle à deux tableaux brodés offerts par Jean de Berry au duc de Savoie1. La
statue de Bourges reproduit assez exactement le dessin de Beauneveu, mais elle paraît
bien moins âgée, malgré la calvitie du duc ; de plus, la miniature représente une tète
aux lignes régulières, aux yeux profonds et interrogateurs, détails qui sont en désac-
cord avec ce que nous avons dit des statues de la Sainte-Chapelle. C’est, par conséquent,
en dehors de Beauneveu et parmi les autres sculpteurs employés par le duc, qu’on doit
chercher l’auteur de ce monument votif. L’état de la maison du duc de Berry, en
1401-22, mentionne, parmi les Yalets de chambre, Jehan de Cambray, imagier du duc,
qui fut très vraisemblablement chargé de ce travail. Nous retrouverons le nom de Jehan
de Cambray, qui était aussi désigné sous le nom de Jehan de Rupy, lorsque nous
décrirons le tombeau du duc de Berry, et nous donnerons alors quelques renseignements
sur la biographie de cet artiste injustement oublié.
Nous croyons qu’on peut attribuer au même sculpteur une Vierge en marbre, offerte
par Jean de Berry aux Célestins de Marcoussis et conservée actuellement dans l’église
paroissiale de cette petite ville, bien qu’elle soit inférieure, au point de vue de l’art,
aux ouvrages connus de Jean de Cambray. La statue, de grandeur naturelle, est taillée
dans un marbre dont le grain rappelle celui de l’albâtre. La Vierge est représentée la tête
ceinte d’un bandeau de religieuse et couverte d’un long voile; elle est vêtue d’un manteau
garni d’une bordure dorée sur laquelle se détache la légende Ave Maria. La robe se
replie plusieurs fois sur elle-même au dessus des pieds, en formant deux masses
superposées. L’enfant Jésus, dont la tète bouclée est d’un caractère très réaliste,
présente deux roses à la Vierge. Le couvent des Célestins de Marcoussis avait été
-1. Item duo tabulle de brodatura in quarum una in
ymago beate Marie eum filio in brachiis, in altéra vero
ymagines beati Johannis Baptiste et sancti Andree et in
media dietarum duarum ymaginum dux B y tu rie ; que sunt
incluse in nemore. Adolphe Fabre, Trésor de la Sainle-
Chapelle, p. 60.
2. Bibliothèque nationale, f. fr. 7855, p. 620. Nous
devons cette information à l’obligeance de M. B. Prost.
Hans Holbein passant par Bourges, au cours d’un voyage dont la date et le motif sont
inconnus, avait voulu emporter le souvenir de ces œuvres dont l'expression l’avait
frappé, et il en avait fait deux dessins qui sont conservés au Musée de Bâle. 11 appartient
aux biographes d’Holbein de rechercher les circonstances qui l’avaient conduit en
Berry. En comparant le dessin de Bâle avec la tête mutilée de Jean de France qui est
actuellement déposée dans un des magasins de la cathédrale, on voit que le crayon du
peintre a su transformer les chairs épaisses et bouffies d’un vieillard en un chef-d’œuvre
de bonhomie souriante.
Les miniatures de plusieurs manuscrits représentent le duc agenouillé devant la
Vierge et assisté de saint Jean et de saint André. La plus remarquable de ces peintures
est celle qui décore un livre d’Heures conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles,
dans laquelle M. Belisle a, le premier, reconnu la main d’André Beauneveu. Nous
savons, par un inventaire de la Sainte-Chapelle de Chambéry, que ces dessins avaient
servi de modèle à deux tableaux brodés offerts par Jean de Berry au duc de Savoie1. La
statue de Bourges reproduit assez exactement le dessin de Beauneveu, mais elle paraît
bien moins âgée, malgré la calvitie du duc ; de plus, la miniature représente une tète
aux lignes régulières, aux yeux profonds et interrogateurs, détails qui sont en désac-
cord avec ce que nous avons dit des statues de la Sainte-Chapelle. C’est, par conséquent,
en dehors de Beauneveu et parmi les autres sculpteurs employés par le duc, qu’on doit
chercher l’auteur de ce monument votif. L’état de la maison du duc de Berry, en
1401-22, mentionne, parmi les Yalets de chambre, Jehan de Cambray, imagier du duc,
qui fut très vraisemblablement chargé de ce travail. Nous retrouverons le nom de Jehan
de Cambray, qui était aussi désigné sous le nom de Jehan de Rupy, lorsque nous
décrirons le tombeau du duc de Berry, et nous donnerons alors quelques renseignements
sur la biographie de cet artiste injustement oublié.
Nous croyons qu’on peut attribuer au même sculpteur une Vierge en marbre, offerte
par Jean de Berry aux Célestins de Marcoussis et conservée actuellement dans l’église
paroissiale de cette petite ville, bien qu’elle soit inférieure, au point de vue de l’art,
aux ouvrages connus de Jean de Cambray. La statue, de grandeur naturelle, est taillée
dans un marbre dont le grain rappelle celui de l’albâtre. La Vierge est représentée la tête
ceinte d’un bandeau de religieuse et couverte d’un long voile; elle est vêtue d’un manteau
garni d’une bordure dorée sur laquelle se détache la légende Ave Maria. La robe se
replie plusieurs fois sur elle-même au dessus des pieds, en formant deux masses
superposées. L’enfant Jésus, dont la tète bouclée est d’un caractère très réaliste,
présente deux roses à la Vierge. Le couvent des Célestins de Marcoussis avait été
-1. Item duo tabulle de brodatura in quarum una in
ymago beate Marie eum filio in brachiis, in altéra vero
ymagines beati Johannis Baptiste et sancti Andree et in
media dietarum duarum ymaginum dux B y tu rie ; que sunt
incluse in nemore. Adolphe Fabre, Trésor de la Sainle-
Chapelle, p. 60.
2. Bibliothèque nationale, f. fr. 7855, p. 620. Nous
devons cette information à l’obligeance de M. B. Prost.