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bruit, & s’est r^pandu trop lentement pour
que nous ayons pu en rendre compte plu-
töt. 11 avoit ete , pour ainsi dire , oubhe du
monde , des I’instant qu’il avoit cesie d'e-
xister pour lui. II etoit ne avec un carac-
tere eres doux , un peu froid peur-etre ; il
sembloit s’etre borne ä l’existence d’un
komme aimable ; la societe faisoit son bon-
heur, & il ne faisoit pas beaucoup pour
eile ; il etoit extremement circonspedt ; &
la reserve qui lui etoit devenue naturelle
par 1’habitude , ötoic souvent a sa conver-
iation le brillant 8c l’interet qu'elle auroit
pu avoir , dans un homme dont l’imagina-
tion etoit aussi vive 8c aussi agreable. Il ne sc
fit aucunennemij & s’il n’eut pas des amis
de csscur, il für toujours estime. Peu d'hom-
mes ont ete mieux traires des femmes , 8c
aucun n’a su jouir de cet avantage avec
moins de trouble & de peine ; nous ne
connoissons point d’hommes de lettres qui
aient su reunir, comine lui, la jouissance
de tout ce que la gloire litteraire peut of-
frir de ssatteur , 8c l’agrement de n’eprou-
ver aucune des tracasseries que la jalousie
& la mechancete s’empressent de serner sür
les succes d’autrui. Il le doit peut erre au
refus qu’il fit toujours de publier ses ou-
vrages ; il se contentoit du plaisir qu’en pro-
-curoit la ledere qu’il en faisoit dans les so-
cietes ; ce n'est que depuis la maladie que
quelques uns de ses manuserits sont tombes
dans des mains infideles, 8c qu’ils ont paru
sans sa participarion 8c sans son aveu. Il en
a laisse beaucoup d’autres qui ne seront
vraisemblablement jamais publies ; on a
memc quelque raison de croire que la per-
sonne entre les mains de qui ils sont tom-
bees , a ecoute un zele qu’elle croit justifier
par son motif, qui est, sans doute, respec-
table, mais qui en meine temps n’en est
pas moins cruel , 8c qu'elle les a an£antis.
On dit qu’elle a jete au feu les seules co-
pies corredes qui existoient des ouvrages
qui n’ont pas de imprimes, & de ceux
qui le sont; ces derniers nous ©nt paru
sur-tout bien defigurd ; nous n’avons pas
reconnu toujours dans la publication qui en
a ete faire, l’art d’aimer 8c Phrofine 8c Meli-
dore que nous avons entendu lire plusieurs
sois par leur Autcurj parmi le grand nem-
bre de pieces fugitives dont nous regreftons
ici la perre , nous indiquerous un dialoguc
charmant entre l’amour 8c l’amitie qu’il
avoit fait pour Madame la Marquise de
Pompadour , un ^pithalame , pour le ma-
riage de M. le Duc de Coigny , 8cc. 8cc. 8cc.
Ces ouvrages respirent la facilite , les gra-
ces 8c l’elegancc d’Ovide , 8c justifient les
eloges que nos plus grands hommes, 8c sur-
tout M. de Voltaire, ont donnes a M. Ber-
nard. Tout le monde connoit ces vers.
Dans ce pays trois Bernards sont conaus $
L’nn est ce Saint, ambitieux reclns ,
Precheur adroit , fabricareur d’oracles.
L’autre Bernard est l’enfant de Plutus,
Bien plus grand Saint, faisant plus de miracles ;
Et le trpilieme est l’enfant de Phoebus,
Gentil Bernard dent la rause feconde,
Doit faire encor les delices du monde,
Quand des premiors on ne parlera plus.
M. Bernard fut attache des sa plus tendre
jeunesse a feu M. le Marechal de Coigny;
il le suivit en Italie, ou il fut charge d’e-
crite le Journal des campagnes de ce Gene-
ral ; il a consacre depuis en beaux vers, la
memoire des journecs de Parme 8c de Guasi
talle. Le feu Roi Louis XV lui donna dans
plusieurs occasions des marques d’une bien«
veillance distinguee ; il le nomma son Bi-
bliothecaire a Choisy , 8c lui fit donner la
Charge de Tresorier des dragons. S. M. ,
lorsqu’elle se trouvoit a Choisy , lui faisoic
souvent l'honneur de l’entretenir , 8c de
causer long-temps avec lui. Elle lui donna
aupres du chäteau un emplacement sür le-
quel il fit bätir une petite maison dont il
fit une rctraite charmante , eu l’on recon-
noit par-tout, ce gout delicar 8c cette phi—
losophie aimable qui respirent dans ses poe-
sies. Il avoit mis ces vers sür la porte de
son boudoir.
Content de ce petit espace,
Puis-je former d’autres souhaits?
Le bonheur tient si peu de place ;
Le bonheur n’en change jamais.
On lisoic encore ces vers sür ioa puits
placd vis-a-vis de sa cave.
L:et? propice a la yolupte ,
Raffraißhis les vins que j’cprouve.
Buvons: c’est ainsi que l’on trouye
Au fond du puiw la vexir«.
bruit, & s’est r^pandu trop lentement pour
que nous ayons pu en rendre compte plu-
töt. 11 avoit ete , pour ainsi dire , oubhe du
monde , des I’instant qu’il avoit cesie d'e-
xister pour lui. II etoit ne avec un carac-
tere eres doux , un peu froid peur-etre ; il
sembloit s’etre borne ä l’existence d’un
komme aimable ; la societe faisoit son bon-
heur, & il ne faisoit pas beaucoup pour
eile ; il etoit extremement circonspedt ; &
la reserve qui lui etoit devenue naturelle
par 1’habitude , ötoic souvent a sa conver-
iation le brillant 8c l’interet qu'elle auroit
pu avoir , dans un homme dont l’imagina-
tion etoit aussi vive 8c aussi agreable. Il ne sc
fit aucunennemij & s’il n’eut pas des amis
de csscur, il für toujours estime. Peu d'hom-
mes ont ete mieux traires des femmes , 8c
aucun n’a su jouir de cet avantage avec
moins de trouble & de peine ; nous ne
connoissons point d’hommes de lettres qui
aient su reunir, comine lui, la jouissance
de tout ce que la gloire litteraire peut of-
frir de ssatteur , 8c l’agrement de n’eprou-
ver aucune des tracasseries que la jalousie
& la mechancete s’empressent de serner sür
les succes d’autrui. Il le doit peut erre au
refus qu’il fit toujours de publier ses ou-
vrages ; il se contentoit du plaisir qu’en pro-
-curoit la ledere qu’il en faisoit dans les so-
cietes ; ce n'est que depuis la maladie que
quelques uns de ses manuserits sont tombes
dans des mains infideles, 8c qu’ils ont paru
sans sa participarion 8c sans son aveu. Il en
a laisse beaucoup d’autres qui ne seront
vraisemblablement jamais publies ; on a
memc quelque raison de croire que la per-
sonne entre les mains de qui ils sont tom-
bees , a ecoute un zele qu’elle croit justifier
par son motif, qui est, sans doute, respec-
table, mais qui en meine temps n’en est
pas moins cruel , 8c qu'elle les a an£antis.
On dit qu’elle a jete au feu les seules co-
pies corredes qui existoient des ouvrages
qui n’ont pas de imprimes, & de ceux
qui le sont; ces derniers nous ©nt paru
sur-tout bien defigurd ; nous n’avons pas
reconnu toujours dans la publication qui en
a ete faire, l’art d’aimer 8c Phrofine 8c Meli-
dore que nous avons entendu lire plusieurs
sois par leur Autcurj parmi le grand nem-
bre de pieces fugitives dont nous regreftons
ici la perre , nous indiquerous un dialoguc
charmant entre l’amour 8c l’amitie qu’il
avoit fait pour Madame la Marquise de
Pompadour , un ^pithalame , pour le ma-
riage de M. le Duc de Coigny , 8cc. 8cc. 8cc.
Ces ouvrages respirent la facilite , les gra-
ces 8c l’elegancc d’Ovide , 8c justifient les
eloges que nos plus grands hommes, 8c sur-
tout M. de Voltaire, ont donnes a M. Ber-
nard. Tout le monde connoit ces vers.
Dans ce pays trois Bernards sont conaus $
L’nn est ce Saint, ambitieux reclns ,
Precheur adroit , fabricareur d’oracles.
L’autre Bernard est l’enfant de Plutus,
Bien plus grand Saint, faisant plus de miracles ;
Et le trpilieme est l’enfant de Phoebus,
Gentil Bernard dent la rause feconde,
Doit faire encor les delices du monde,
Quand des premiors on ne parlera plus.
M. Bernard fut attache des sa plus tendre
jeunesse a feu M. le Marechal de Coigny;
il le suivit en Italie, ou il fut charge d’e-
crite le Journal des campagnes de ce Gene-
ral ; il a consacre depuis en beaux vers, la
memoire des journecs de Parme 8c de Guasi
talle. Le feu Roi Louis XV lui donna dans
plusieurs occasions des marques d’une bien«
veillance distinguee ; il le nomma son Bi-
bliothecaire a Choisy , 8c lui fit donner la
Charge de Tresorier des dragons. S. M. ,
lorsqu’elle se trouvoit a Choisy , lui faisoic
souvent l'honneur de l’entretenir , 8c de
causer long-temps avec lui. Elle lui donna
aupres du chäteau un emplacement sür le-
quel il fit bätir une petite maison dont il
fit une rctraite charmante , eu l’on recon-
noit par-tout, ce gout delicar 8c cette phi—
losophie aimable qui respirent dans ses poe-
sies. Il avoit mis ces vers sür la porte de
son boudoir.
Content de ce petit espace,
Puis-je former d’autres souhaits?
Le bonheur tient si peu de place ;
Le bonheur n’en change jamais.
On lisoic encore ces vers sür ioa puits
placd vis-a-vis de sa cave.
L:et? propice a la yolupte ,
Raffraißhis les vins que j’cprouve.
Buvons: c’est ainsi que l’on trouye
Au fond du puiw la vexir«.