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que la fierte de Farne & I’injustice des
frommes laissent presque toujours le genie
dans la mediocrite ; & qu’on peut ecrire
dans un galetas des ouvrages ou Fon pro-
pose des vues dont l’execution feroit le
bonheur des Societes , puisqu’on peut en
ecrire dans un Palais meme & avec cent
tnille ecus de reute. Tour cela doit beau-
coup etonner sans doure 3 mass voici des
choses qui pourroient inspirer atrant d’in-
dignation que d’etonnement, si leur injus-
tice n’etoit trop sensible & trop revoltante
pour etre conragieuse.
»Nous ne dissimulons pas, dit l’Au-
teur de cet article, que l'Esprit des loix ,
a plus de vogue dans l'Europe que lase-
licite Publique , parce que Montesquieu est
venu le premier; parce qu’il est plus plai—
sant 5 parce que ses chapitres de six li-
gnes qui conciennent une epigramme, ne
fatigu ent pcint le Le&eur; parce quil ef-
sseure plus qu’il n’approfondit; parce qu’il
est encore plus (atyrique qu’il n’est legis-
lareur; & qu’ayant ete peu favorable ä cer-
taines professions lucrarives, il a Hatte la
multitude. »
En lisant ces etranges asiertions, on com-
mence par voir que celui qui les a faires
a eu tres grand regret d’etre oblige d’a-
vouer que l’esprit des loix a plus de vo-
gue en Europe que la felicite publique , Sc
que pour le forcer ä cet aveu , il n’a sallu
rien moins que les temoignages eclavans
d’admiration qu’il a re^us de toutes les
nations de l’Europe : on ne peut douter
qu’il ne l’eut dislimule , si par une desti-
nee unique, cet ouvrage snblime n’eüt
servi de guide , moins de trente ansapres
sa naissance, ä des peuples qui vouloient
se donner des loix protegees par ia liber-
te , & a des Souverains qui vouloient en
donner a leurs sujets en conservant leur
puissance. Si le plus beau pouvoir , & le
caratftere le plus marque du genie est d’in-
ssuer sür le sort des hommes , la plus bel-
le gloire qu’il puisse meriter, appartient
sans doute a celui qui a cree i’esprit
des loix , dont les principes servent deja
de fondement aux legissations & aux Em-
pires. Est-ce parce qu’il a paru le premier
qu’il auroit exerce ce pouvoir du genie
sür les peuples & les legissateurs ’ Tant
d’autres avoient ecrir avant lui sür les
loix , sans donner de loix a personne! Les
ouvrages de Puffendorf & de Grotius ont
paru les premiers; ils ont eu meme quel-
que vogue parmi les Savans, toujours tres
portes ä prendre l’erudition pour du ge-
nie 5 mais qu’ont pu trouver les autres
hommes dans leurs ouvrages ? Beaucoup
d’ennui. Il eüt paru le dernier de tous, que
X’Esjprit des loix eüt ete encore le premier
ouvrage de son siecle, & sans doure aussi
de tous les siecles. Mais c’est peut-etre
parce qu’il est le plus plaisant j il est tres
facile en eftet de croire que c’est parce
qu’il est plus plaisant, que les Anglois qui
lont tres plaisans ausii, se servent tous les
jours de VEsprit des loix pour defendre leur
constitution ; que le Dotfteur Blakstone,
qui aime aussi beaucoup a s’egayer, y a
pris , en le citant , presque tous les prin-
cipes qu’il fait servir de base ä la Juris-
prudence criminelle de l’Angleterre ; qu’on
le eite egalement aujourd’hui dans tous
les tribunaux de justice,qui sont les en-
droits du monde oti l’on s’amuse le plus,
& ou l’on fait la plaisanterie du meilleur
ton. On ajoute, parce que ses chapitres de
six lignes qui contiennent une epigramme ne
fatiguent point le Letteur. Il est vrai que
presque tous les chapitres dc l’Esprit des
loix n’ont que six lignes! que les* chapi-
tres de six lignes ont fait toure sa destine'e!
que le chapitre ou ’il definit le despotis-
me , en moins de six lignes meme, &
quelques autres du meme genre ne con-
tiennent que de ces id^es qui aiguifent
par la queue une epigramme solle l que des
penlees prüfendes pressees en tres peu de
paroles, sont d’une intelligence facile pour
tout le monde , & que tout le monde a
pu lire VEsprit des loix comme un Roman
ou comme des epigrammes ? Parce qu'il ef~
sieure plus quil n’approsondit ! on a dit
jusqu’a present qu’il approfondisibit meme
lorsqu’il ne paroilsoit qu’effleurer. M. de
Voltaire lui-mdme lui a donne ce bei elo-
gc dans son discours de reception a l’A-
cadcmic f ran§oise,. Ce n’est donc pas M.
que la fierte de Farne & I’injustice des
frommes laissent presque toujours le genie
dans la mediocrite ; & qu’on peut ecrire
dans un galetas des ouvrages ou Fon pro-
pose des vues dont l’execution feroit le
bonheur des Societes , puisqu’on peut en
ecrire dans un Palais meme & avec cent
tnille ecus de reute. Tour cela doit beau-
coup etonner sans doure 3 mass voici des
choses qui pourroient inspirer atrant d’in-
dignation que d’etonnement, si leur injus-
tice n’etoit trop sensible & trop revoltante
pour etre conragieuse.
»Nous ne dissimulons pas, dit l’Au-
teur de cet article, que l'Esprit des loix ,
a plus de vogue dans l'Europe que lase-
licite Publique , parce que Montesquieu est
venu le premier; parce qu’il est plus plai—
sant 5 parce que ses chapitres de six li-
gnes qui conciennent une epigramme, ne
fatigu ent pcint le Le&eur; parce quil ef-
sseure plus qu’il n’approfondit; parce qu’il
est encore plus (atyrique qu’il n’est legis-
lareur; & qu’ayant ete peu favorable ä cer-
taines professions lucrarives, il a Hatte la
multitude. »
En lisant ces etranges asiertions, on com-
mence par voir que celui qui les a faires
a eu tres grand regret d’etre oblige d’a-
vouer que l’esprit des loix a plus de vo-
gue en Europe que la felicite publique , Sc
que pour le forcer ä cet aveu , il n’a sallu
rien moins que les temoignages eclavans
d’admiration qu’il a re^us de toutes les
nations de l’Europe : on ne peut douter
qu’il ne l’eut dislimule , si par une desti-
nee unique, cet ouvrage snblime n’eüt
servi de guide , moins de trente ansapres
sa naissance, ä des peuples qui vouloient
se donner des loix protegees par ia liber-
te , & a des Souverains qui vouloient en
donner a leurs sujets en conservant leur
puissance. Si le plus beau pouvoir , & le
caratftere le plus marque du genie est d’in-
ssuer sür le sort des hommes , la plus bel-
le gloire qu’il puisse meriter, appartient
sans doute a celui qui a cree i’esprit
des loix , dont les principes servent deja
de fondement aux legissations & aux Em-
pires. Est-ce parce qu’il a paru le premier
qu’il auroit exerce ce pouvoir du genie
sür les peuples & les legissateurs ’ Tant
d’autres avoient ecrir avant lui sür les
loix , sans donner de loix a personne! Les
ouvrages de Puffendorf & de Grotius ont
paru les premiers; ils ont eu meme quel-
que vogue parmi les Savans, toujours tres
portes ä prendre l’erudition pour du ge-
nie 5 mais qu’ont pu trouver les autres
hommes dans leurs ouvrages ? Beaucoup
d’ennui. Il eüt paru le dernier de tous, que
X’Esjprit des loix eüt ete encore le premier
ouvrage de son siecle, & sans doure aussi
de tous les siecles. Mais c’est peut-etre
parce qu’il est le plus plaisant j il est tres
facile en eftet de croire que c’est parce
qu’il est plus plaisant, que les Anglois qui
lont tres plaisans ausii, se servent tous les
jours de VEsprit des loix pour defendre leur
constitution ; que le Dotfteur Blakstone,
qui aime aussi beaucoup a s’egayer, y a
pris , en le citant , presque tous les prin-
cipes qu’il fait servir de base ä la Juris-
prudence criminelle de l’Angleterre ; qu’on
le eite egalement aujourd’hui dans tous
les tribunaux de justice,qui sont les en-
droits du monde oti l’on s’amuse le plus,
& ou l’on fait la plaisanterie du meilleur
ton. On ajoute, parce que ses chapitres de
six lignes qui contiennent une epigramme ne
fatiguent point le Letteur. Il est vrai que
presque tous les chapitres dc l’Esprit des
loix n’ont que six lignes! que les* chapi-
tres de six lignes ont fait toure sa destine'e!
que le chapitre ou ’il definit le despotis-
me , en moins de six lignes meme, &
quelques autres du meme genre ne con-
tiennent que de ces id^es qui aiguifent
par la queue une epigramme solle l que des
penlees prüfendes pressees en tres peu de
paroles, sont d’une intelligence facile pour
tout le monde , & que tout le monde a
pu lire VEsprit des loix comme un Roman
ou comme des epigrammes ? Parce qu'il ef~
sieure plus quil n’approsondit ! on a dit
jusqu’a present qu’il approfondisibit meme
lorsqu’il ne paroilsoit qu’effleurer. M. de
Voltaire lui-mdme lui a donne ce bei elo-
gc dans son discours de reception a l’A-
cadcmic f ran§oise,. Ce n’est donc pas M.