Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette universelle de littérature — 1777

DOI issue:
[Num. 71-80]
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.44757#0591
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
< 5?«
ä traduire. M. de Voltaire en traduisant
en vers Francois quclques morreaux du Ro-
land furieux , a fait sentir qu’il n’eüt te-
nu qu’ä lui de rendre le poeme entier,
avec toates ses graces ; mais il a mieux
ahne faire un poeme original, que la pos-
terite placera , si non au-deiTus, au moins
a cöte de celui de l’Arioste. Les difficultes
ji’ont point artete M. Cavailhon ; il a
täche de bien saisir l’espric de l’Auteur. Il
est remonte a la source des fiftions memes
du Poete. Le temps oü vivoit l’Arioste,
eroit celui de l’anarchie feodale : de petits
tyrans cxer^oient leur brigandage dans des
chäteaux forrifies , & cherchoient les avan-
tures dans les bois. Ils tächoient d'ennoblir
tanc qu’iis pouvoient , par des circonstan-
ces merveilleuses , les motifs malhonnetes
de leurs ezploirs : l’ignorance & la credu-
lite servoient parfaitement bien leurs in-
tentions. C’etoir, selon l’Auteur , ce qui
avoit peuple le monde d’Enchanteurs , de
Fees , de Gdans antropophages , de Che-
valiers errans. Tous les Romans en eroient
remplis; ces erres imaginaires eroient sur-
tour retraces dans le Morgante du Pulci,
& dans Orlando innamorato du Boyard ;
d’un autre cöte ajoute M. Cavaiihon , les
lettres commen^oieut a resseurir en Italic.
L’Arioste , i’un des plus beaux genies de
Ton siecle , dut avoir pour ies anciens que
Fon commen^oit ä connoicrel’enthou-
siasme que devoient inspirer des beautes
d’un genre si superieur. Il en profita , il
les fondir dans son poeme & les appliqua
ä une mythologie nouvelle. Il peignir les
mceurs de son temps avec les couleurs
qu’Homere & Virgile avoient employees
a peindre les rnoeurs & les heros Grecs &
Latins. Oh peut dire de l’Arioste que les
bcautls de son poeme lui appartiennent &
que les defaurs sont de son siecle. M. Ca-
vailhon a essaye de faire disparoitre les
defauts; ena-t-il toujours conserve les beau-
tes .? c’est ce que les Lerfteurs pourront ve-
rifier. Ceux qui entendent assez la languc
Italienne pour pouvoir sentir ses sinesses,
compareront la tradudhon avec le texte ;
pour les autres , nous nous contenterons de
mettre sous leurs ycux , la tradudiion de

)
M. Cavailhon & edle de Mirabaud. Voici
comment le premier a traduit le commen-
cement du chant II. « Des que le sils
d’Aimon fut a portee d’etre entendu t
hola-he , s'ecria-t-il, avec un air & d’un
ton de voix terrible , te plaira-t-il de lais-
ser lä mon cheval & cette belle personne
que tu as l’insolence d’enlever ? Ce cheval
m’appartient, lui repondit du meme ton le
Roi de Circassie , & je suis en erat de le
soutenir. Quant a cette Dame , je con-
viens que sa beaute n’a point d'egale j
mais je n’en suis pas plus dispose a te la
ceder. Tout ce qu’elle te demande elle-
meme, c’est de vouloir bien lui epargner
ta vue ; si tu refuses de lui obeir , je me
Charge de t’y contraindre. Voila tout ce
que j’ai a te dire. »
Voici la traduöion de M. Mirabaud.
» Des que Renaud fut a porree de se faire
entendre du Roi de Circassie : deseends
larron, lui dit-il d’un ton fier , deseends
tout-ä-l’heure de dessus mon cheval 5 ce
n’est pas ma coutume de nie laisser tavir
ce qui m’appartient; je le fais ordinaire-
ment payer eher ä qui veut me l’öter. Je
pretends bien aussi t’enlever cette belle
femme qui t’accompagne ; il seroit ridi-
cule de laisser un si bon cheval & une
femme d’une beaute si parfaite entre les
mains d’un brigand comme toi. Tu mens
avec la derniere impudence, lui repondit
Sacripant sür le meme ton : le nom de
Brigand que tu me donnes , si j’en crois du-
moms le bruit public , te convient beau-
coup mieux qu’ä moi. Il est vrai , comme
tu le dis, que rien n’^gale cette Dame en
beaute 5 mais quoiqu’il en soit , nous al-
lons voir qui de nous deux est plus dignö
de posseder & la Dame & le cheval que tu
pretends m’enlever, &c. »
Il est certain que ces deux tradutftions
ne se ressemblent ni pour le fond des
choses , ni pour les pensees , & qu’il faut
necessaircment que l’une des deux soit in-
fidellej quant ä l’elegance, l’une ne vaut
guere mieux que l’autre. Si le dialogue de
M. Cavailhon est plus rapide , c’est qu’il a
tronque l’original 5 celui de M. Mirabaud
est d’une kntcut assommasste.
 
Annotationen