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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 2
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Janin, Jules: A Monsieur Georges Moreau
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0092
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A MONSIEUR GEORGE MOREAU

George, mon jeune confrère en bibliophilie, il faut tout d'abord que
je vous félicite de ce grand amour qui vous a pris, si jeune encore, pour
les beaux livres. A coup sûr c'est une aimable passion, dont le charme
est toujours nouveau; variée, inépuisable, élégante, mais il est rare qu'elle
soit le partage de la jeunesse. Ordinairement elle arrive à l'homme heu-
reux, quand cet homme heureux touche aux premières limites de l'âge
mûr, à l'heure où revenu de toutes les passions stériles, il songe à pré-
parer les armes de sa vieillesse, les petits bonheurs de son toit domesti-
que, et sa fête de chaque jour. Soyez donc le bienvenu, d'aimer si vite et
si bien ces chers amis de la vie humaine, amis dévoués, reconnaissants,
fidèles. Ils voyagent avec nous, ils nous suivent à la ville, à la campagne;
on emporte son livre au fond des bois, on le retrouve au coin du feu :
« C'est proprement un charme , » et Montesquieu, ce grand homme, a
très-bien dit qu'il ne savait pas de douleur si grande, qui ne fût sou-
lagée un instant par la lecture d'un bon livre. Oubli, consolation, cou-
rage, espérance, tout est là. Cependant, comme toutes les passions bien
senties et comprises, la passion des livres a sa coquetterie et son luxe.
On comprend très-bien, qu'un jeune homme épris de sa fiancée, ait grand
souci de la parer des plus riches étoiles, des bijoux les plus rares. La dame
à son gré n'aura jamais assez de diamants, de perles et de riches den-
telles ; autour de la personne aimée, il faut que tout soit recherche et belle
grâce, et que chaque soir elle ait à sa main un bouquet de fleurs nouvelles.
Même le cheval que l'on aime, on le pare; il faut que tout brille autour de
son mors retentissant; comment donc ne pas permettre à l'ami des beaux
livres, de les couvrir d'un beau manteau, fait à leur taille, par un habile
artiste, et doré par un habile ouvrier? Le livre est si bien fait pour être
orné ; il porte avec tant de bonheur toutes les élégances ! et quelle mer-
veille après tout, un bel exemplaire d'une belle édition qui représente
un chef-d'œuvre de l'esprit humain ! Quelle joie et quelle fête à le tenir dans
 
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