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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5.1860

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Nr. 2
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Mouvement des arts et de la curiosité
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https://doi.org/10.11588/diglit.16990#0133
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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engendrés, on en a exclu avec un tel soin tout mélange étranger qui aurait pu en
altérer la forme et en vicier le style, que les originaux ont peu souffert de cette œuvre
d'arrangement, et que, connaissant la plupart des manuscrits dont l'artiste s'est servi,
nous avons facilement reconnu la page dont chacun d'eux avait inspiré l'encadrement
ou le titre.

Maintenant ces ornements n'ont-ils point un peu trop d'importance pour le texte
qu'ils accompagnent? nous le craignons. Le parti que l'on a adopté de ne les étaler que
sur la marge et sur le bas des pages, en se contentant d'un simple filet pour le haut et
pour l'onglet, ne rejette-t-il pas trop toute la décoration d'un seul côté? Nous en con-
venons. La typographie se marie-t-elle d'une façon convenable avec des ornements
polychromes si différents de style entre eux et avec le type adopté pour le texte? Nous
en doutons.

Tous ces livres ne sont, à notre avis, que le produit d'une mode et passeront avec
elle ; mais enfin, si les « philobibles » n'approuvent point la juxtaposition de deux arts
dissemblables, il est permis de louer ceux qui l'ont réalisée avec le plus de succès et de
façon à la faire ressembler à une alliance. Car c'était une alliance qu'il y avait jadis
entre l'enlumineur et le calligraphe. Celui-ci réservait à celui-là la place qu'il devait
recouvrir de ses dessins, non-seulement sur l'onglet pour y développer la haste de ses
lettres initiales, mais en tête des chapitres, au commencement et à la lin des alinéas.
Dans les manuscrits les plus riches, l'ornement polychrome apparaît presque à chaque
ligne du texte qui varie lui-même la couleur des encres dont il est écrit. Enfin chaque
forme de lettre correspond, suivant les âges, à un style différent dans l'ornementation, de
sorte que tout concorde, étant le résultat d'un même sentiment esthétique. On conçoit
donc que le caractère italique ou romain adopté par tel ou tel imprimeur, ne soit point
en aussi parfait accord avec des ornements contemporains de lettres anguleuses et
carrées, qu'avec d'autres que l'on est accoutumé de rencontrer avec des lettres arron-
dies. Il y a là un désaccord de principes et de style qui doit faire rejeter dans le
domaine de la fantaisie ces livres hybrides qui ont la dévotion pour prétexte.

C'est sans vouloir nous départir de notre sentiment que nous louerons les ornements
empruntés par M. C. Mathieu, pour son « Livre de Prières », aux plus beaux manuscrits
des bibliothèques publiques de Paris.

Depuis le vme jusqu'au xvie siècle tous les arts sont représentés; l'art grec qui est
demeuré tel que nous le trouvons au xn° siècle ; l'art Saxon, qui se plaît aux enlacements
compliqués et aux volutes dont la spirale ténue est tracée d'une main légère et sûre;
l'art carolingien où se marient les enlacements du Nord avec les feuillages de l'Orient
et les formes de l'antiquité; art complexe où plusieurs influences semblent se marier;
l'art du xie siècle qui se dégage peu à peu des imitations barbares de l'époque précé-
dente. Avec une fertilité d'invention merveilleuse, il embarrasse les monstres dans
l'inextricable réseau de ses enroulements feuillus, et arrive à son plus manifique déve-
loppement au xne siècle, soit par rapport à la richesse et à la variété des compositions,
soit par rapport à l'éclat des couleurs. Autant d'éclat mais moins de variété se remar-
quent au xme siècle, qui dans l'ornementation des manuscrits est un peu trop toujours
le même.

Au xivn siècle, l'art transforme encore la nature, mais on reconnaît aisément le prin-
cipe générateur de tous ces feuillages éclatants, qui se développent à l'extrémité de
minces pétioles le long des lettres dont la haste se prolonge en capricieux encadrements.
Avec le xve siècle, le naturalisme apparaît, et l'enlumineur copie la nature pour semer
 
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