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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’insouciance, va enfin, dit-on, lui élever un monument, et c’est justice;
mais ce qui serait vraiment bien plus digne de lui, ne serait-ce pas la
publication complète de ses écrits? L’histoire des sciences mathématiques
et physiques s’enrichirait d’un nouveau chapitre aussi bien que celle de
l’humanité. Il faudrait, pour entreprendre ce noble travail, l'initiative
d’un Institut, comme celui de France, qui conserve dans sa bibliothèque
une grande partie des écrits de Léonard, et qui, par ses correspondants,
pourrait avoir une communication facile de ce qui se trouve encore en
Italie et en Angleterre. Ün homme seul (l’expérience l’a déjà prouvé par
les tentatives de Y en tu ri et Libri) difficilement réussirait. Un savant doublé
d’un artiste « rara avis » peut espérer de pouvoir, par un système unique
et rationnel, coordonner les lambeaux de phrases avec les dessins qui s’y
rapportent. La photographie trouverait ici son véritable champ d’action,
et pourrait ainsi faire amende honorable pour toutes les niaiseries et les
obscénités dont elle s’est rendue coupable1 2.
Ce préambule trouve dans la Gazelle sa place naturelle : car, par le
portrait-médaillon de Léonard qui orne son frontispice, elle s’est volon-
tairement placée sous le patronage ou, pour dire mieux encore, sous
l’invocation du grand maître.
En attendant que cette noble entreprise puisse, se réaliser à la plus
grande gloire de Léonard et au plus grand profit des sciences et des arts,
descendons de ces cimes ardues où nous a conduit le nom vénéré du
maître, pour nous occuper d’une étude plus humble et surtout plus pro-
portionnée à nos forces.
Nous avons ici même, il y a quelques années -, pris à partie le nou-
veau Peintre-graveur de feu Passavant, en taxant dinexactitude ce
qu’on y dit de Léonard. Nous développerons aujourd’hui nos sentiments
à cet égard. Et d’abord Léonard a-t-il réellement manié le burin? Ce
génie universel a-t-il tenté cette voie de l’art nouvellement défrayée par
les Italiens et presque en même temps par les Allemands ? La réponse
n’est pas aussi aisée peut-être que certains écrivains modernes Font
cru d’abord. Les documents ainsi que les preuves qu’on a produits
jusqu’à ce jour sont évidemment insuffisants et même controuvés dans
1. Le Trallalo délia Piltura séparé sans raison des écrits qui lui servent de com-
mentaire ne peut donner qu’une idée insuffisante, incomplète, et bien des fois inintel-
ligible de la pensée, car il n’est qu'une partie du grand ouvrage sur les arts du dessin.
Dans le manuscrit de la bibliothèque Pinelli ce traité a pour titre : Discorso sopra il
disegno di Leonardo Vinci. — Parle seconda. Amoretti pense, non sans raison, que
la première partie en devait ôlre le Traité de la Perspective.
2. Gazelle des Beaux-Arls, livraisons du 1" octobre 1863 et du -1er novembre 1864.-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’insouciance, va enfin, dit-on, lui élever un monument, et c’est justice;
mais ce qui serait vraiment bien plus digne de lui, ne serait-ce pas la
publication complète de ses écrits? L’histoire des sciences mathématiques
et physiques s’enrichirait d’un nouveau chapitre aussi bien que celle de
l’humanité. Il faudrait, pour entreprendre ce noble travail, l'initiative
d’un Institut, comme celui de France, qui conserve dans sa bibliothèque
une grande partie des écrits de Léonard, et qui, par ses correspondants,
pourrait avoir une communication facile de ce qui se trouve encore en
Italie et en Angleterre. Ün homme seul (l’expérience l’a déjà prouvé par
les tentatives de Y en tu ri et Libri) difficilement réussirait. Un savant doublé
d’un artiste « rara avis » peut espérer de pouvoir, par un système unique
et rationnel, coordonner les lambeaux de phrases avec les dessins qui s’y
rapportent. La photographie trouverait ici son véritable champ d’action,
et pourrait ainsi faire amende honorable pour toutes les niaiseries et les
obscénités dont elle s’est rendue coupable1 2.
Ce préambule trouve dans la Gazelle sa place naturelle : car, par le
portrait-médaillon de Léonard qui orne son frontispice, elle s’est volon-
tairement placée sous le patronage ou, pour dire mieux encore, sous
l’invocation du grand maître.
En attendant que cette noble entreprise puisse, se réaliser à la plus
grande gloire de Léonard et au plus grand profit des sciences et des arts,
descendons de ces cimes ardues où nous a conduit le nom vénéré du
maître, pour nous occuper d’une étude plus humble et surtout plus pro-
portionnée à nos forces.
Nous avons ici même, il y a quelques années -, pris à partie le nou-
veau Peintre-graveur de feu Passavant, en taxant dinexactitude ce
qu’on y dit de Léonard. Nous développerons aujourd’hui nos sentiments
à cet égard. Et d’abord Léonard a-t-il réellement manié le burin? Ce
génie universel a-t-il tenté cette voie de l’art nouvellement défrayée par
les Italiens et presque en même temps par les Allemands ? La réponse
n’est pas aussi aisée peut-être que certains écrivains modernes Font
cru d’abord. Les documents ainsi que les preuves qu’on a produits
jusqu’à ce jour sont évidemment insuffisants et même controuvés dans
1. Le Trallalo délia Piltura séparé sans raison des écrits qui lui servent de com-
mentaire ne peut donner qu’une idée insuffisante, incomplète, et bien des fois inintel-
ligible de la pensée, car il n’est qu'une partie du grand ouvrage sur les arts du dessin.
Dans le manuscrit de la bibliothèque Pinelli ce traité a pour titre : Discorso sopra il
disegno di Leonardo Vinci. — Parle seconda. Amoretti pense, non sans raison, que
la première partie en devait ôlre le Traité de la Perspective.
2. Gazelle des Beaux-Arls, livraisons du 1" octobre 1863 et du -1er novembre 1864.-