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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 11.1875

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Nr. 5
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Mantz, Paul: Charles Gleyre, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21840#0426
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CHARLES GLEYRE.

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jambées, agitant en l'air ses bras éperdus, il court clans la plaine
immense et l'ouragan est moins rapide que sa fuite affolée. Tout au
fond, dans les ombres du soir, on aperçoit le groupe irrité des bac-
chantes qui le poursuivent. Le drame a pour théâtre un vaste paysage,
fermé d'un côté par le rempart vertical d'une haute montagne qui, on
le devine, va arrêter le fuyard dans son élan ; il tombera épuisé au pied
de ce roc impitoyable, et, vaincu, il sera livré sans défense aux fureurs
de la meute hurlante. La nuit commencée enveloppe la campagne
de son ombre sinistre. Le ciel est fermé. Le génie des solitudes s'ef-
frayera tout à l'heure de l'atrocité du meurtre qui se prépare.

Nous n'avons pas vu toutes les œuvres de Gleyre, et nous ignorons
notamment quelle émotion il a pu mettre dans le Déluge ; mais nous ne
croyons pas qu'il ait jamais montré autant de sentiment et de grandeur
que dans le Penthée. A bien dire, ce tableau reste en son œuvre une
singularité puissante. Dans le ton moyen de ses aspirations, Gleyre n'est
nullement shakespearien. Il a été, dans le, Soir, tendrement élégiaque ;
mais, d'ordinaire, il est tranquille, et la sérénité de sa manière, les tons
clairs de sa palette ajoutent encore du calme aux motifs peu dramatiques
qu'il traite volontiers. Dans le Penthée, quelque chose de véritable-
ment moderne a heureusement troublé son âme, et il a connu le grand
élan lyrique, l'émotion criante. L'homme qui fuit, pris de toutes les ter-
reurs, est admirable de mouvement; il est rhythmé comme une figure
d'un bas-relief antique, il a la pure sveltesse des héros, mais l'exa-
gération volontaire de son attitude lui prête un caractère particulière-
ment émouvant. C'est la blanche silhouette de la Peur qui vole dans la
nuit, c'est la personnification de la Fuite, qui bondit terrifiée sans oser
regarder derrière elle. Nous voyons dans le Penthée poursuivi par les
Ménades le meilleur tableau de Gleyre, celui où son inspiration poétique
est montée jusqu'à l'éloquence.

De pareilles aventures se renouvellent rarement dans la vie d'un
artiste, alors surtout que son tempérament est raisonneur et modéré. Les
dernières œuvres de Gleyre nous le montrent assidu aux choses élé-
gantes, calmes, amoureuses. Ce sont, pour ne citer que les mieux venues,
Minerve et les Grâces (à M. Vincent Dubochet), le Coucher de Sapho (à
M. Adrien Mercier, de Lausanne), la Charmeuse (au musée de Bâle), et
le Bain, qui date de 1868 et dont nous ne connaissons que la pho-
tographie, le tableau ayant été immédiatement envoyé en Amérique.
M. Charles Clément possède l'étude, en buste, d'une des femmes qui
figurent dans cette composition. C'est une peinture d'une suavité
pénétrante et qui, dans sa tonalité claire, fait bien voir que, devant
 
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