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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
mais qui toutes, la tête nue et décoiffées avec grâce, ont la même
démarche et, drapées dans leur châle de couleur neutre, traînent leurs
pantoufles dans les stradine ou sur la Riva dei Schiavoni. M. Van Haanen
est Autrichien malgré son nom. Je devrais du même trait de plume
indiquer au moins les œuvres de MM. Fontana, Delleani, Fattori, Balaca,
le délicieux Ilarem à la campagne et YOrdre cVécrou de M. Pasini, la
toile trop pleine et trop serrée que M. Casanova a intitulée Le Petit
héros; les Chrysanthèmes et Marguerites, de M. Van Coppenolle, les
Pivoines, de M. Van den Bos, le Chat qui s'amuse, de M. Van den Bosch,
un peintre très-hardi, mais qui peint en décorateur et rend la robe d’un
chat comme il exprime le papier ou l’encrier que l’animal renverse.
On remarquera que les Belges sont très-amateurs de fleurs et de fruits;
c’est la tradition à laquelle ils restent fidèles, car M. Van den Kerckhove,
de Bruxelles, qui est élève de Portaels, a envoyé un Marché aux Fleurs,
et M. Van der Voort in deBetouw, né à Amsterdam, a envoyé des Fruits.
M. Van Marcke est de Sèvres et on le voit à sa peinture qui est vigou-
reuse et grasse; la Falaise fait pensera Troyon, c’est un mérite et il est
bon de rappeler ce beau peintre énergique et sain, mais c’est toujours
un regret pour nous de voir un artiste qui pourrait être lui, abdiquer
sa personnalité pour faire penser sans cesse à son maître, si puissant
qu’il ait été.
Je voudrais encore m’étendre sur M. Munckacsy et je crains bien de ne
pouvoir le faire. Il est personnel celui-là, si personnel que la foule ne le
comprend guère et se demande pourquoi les artistes font un tel cas d’un
homme qui détache violemment des figures claires sur des fonds opaques,
et renverse le procédé des ombres chinoises. C’est qu’il a un œil d’artiste
et un sentiment original, il a trouvé une gamme à lui, il a son champ
entouré d’un mur et qui lui appartient. En art c’est une force, et si on
ne s’exagère pas dans sa manière, si incomplète qu’elle soit, on a les
suffrages de ceux qui s’y entendent. La princesse de Metternich, qui, par
le fait, est la compatriote de M. Munckacsy, disait un jour en visitant le
Salon que c’était de la peinture triste. Je ne donne pas cela pour un mot
profond, mais il est toujours très-intéressant pour nous de voir les gens
du monde exprimer sincèrement leur opinion sur ceux qui nous inté-
ressent en art. Le fait est que, comme gamme de ton et comme champ
d’exploitation au point de vue du sujet, M. Munckacsy s’est longtemps
voué aux scènes pénibles et, comme il les exprimait dans une langue
très-austère et dans une gamme très-sombre, cela serrait le cœur. Je
crois aussi qu’il y avait un grain de politique dans son intention, il tenait
pour les proscrits. Aujourd’hui c’est tout autre chose; l’artiste nous donne
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
mais qui toutes, la tête nue et décoiffées avec grâce, ont la même
démarche et, drapées dans leur châle de couleur neutre, traînent leurs
pantoufles dans les stradine ou sur la Riva dei Schiavoni. M. Van Haanen
est Autrichien malgré son nom. Je devrais du même trait de plume
indiquer au moins les œuvres de MM. Fontana, Delleani, Fattori, Balaca,
le délicieux Ilarem à la campagne et YOrdre cVécrou de M. Pasini, la
toile trop pleine et trop serrée que M. Casanova a intitulée Le Petit
héros; les Chrysanthèmes et Marguerites, de M. Van Coppenolle, les
Pivoines, de M. Van den Bos, le Chat qui s'amuse, de M. Van den Bosch,
un peintre très-hardi, mais qui peint en décorateur et rend la robe d’un
chat comme il exprime le papier ou l’encrier que l’animal renverse.
On remarquera que les Belges sont très-amateurs de fleurs et de fruits;
c’est la tradition à laquelle ils restent fidèles, car M. Van den Kerckhove,
de Bruxelles, qui est élève de Portaels, a envoyé un Marché aux Fleurs,
et M. Van der Voort in deBetouw, né à Amsterdam, a envoyé des Fruits.
M. Van Marcke est de Sèvres et on le voit à sa peinture qui est vigou-
reuse et grasse; la Falaise fait pensera Troyon, c’est un mérite et il est
bon de rappeler ce beau peintre énergique et sain, mais c’est toujours
un regret pour nous de voir un artiste qui pourrait être lui, abdiquer
sa personnalité pour faire penser sans cesse à son maître, si puissant
qu’il ait été.
Je voudrais encore m’étendre sur M. Munckacsy et je crains bien de ne
pouvoir le faire. Il est personnel celui-là, si personnel que la foule ne le
comprend guère et se demande pourquoi les artistes font un tel cas d’un
homme qui détache violemment des figures claires sur des fonds opaques,
et renverse le procédé des ombres chinoises. C’est qu’il a un œil d’artiste
et un sentiment original, il a trouvé une gamme à lui, il a son champ
entouré d’un mur et qui lui appartient. En art c’est une force, et si on
ne s’exagère pas dans sa manière, si incomplète qu’elle soit, on a les
suffrages de ceux qui s’y entendent. La princesse de Metternich, qui, par
le fait, est la compatriote de M. Munckacsy, disait un jour en visitant le
Salon que c’était de la peinture triste. Je ne donne pas cela pour un mot
profond, mais il est toujours très-intéressant pour nous de voir les gens
du monde exprimer sincèrement leur opinion sur ceux qui nous inté-
ressent en art. Le fait est que, comme gamme de ton et comme champ
d’exploitation au point de vue du sujet, M. Munckacsy s’est longtemps
voué aux scènes pénibles et, comme il les exprimait dans une langue
très-austère et dans une gamme très-sombre, cela serrait le cœur. Je
crois aussi qu’il y avait un grain de politique dans son intention, il tenait
pour les proscrits. Aujourd’hui c’est tout autre chose; l’artiste nous donne