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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vigne, sont répartis les épisodes expressifs de la résurrection. Les morts
sortent des tombeaux pour recueillir la récompense céleste ou pour subir
le châtiment; les élus sont guidés par les anges, les réprouvés chassés
dans l’enfer sont livrés aux démons. Innombrables sont les suppliciés,
nombreuses les variétés de supplices. Satan plus grand et plus épou-
vantable que les plus horribles démons écrase sous ses pieds un groupe
de damnés. Le bonheur des élus se mêlant aux anges est gracieusement
exprimé; les femmes s’avancent sur deux lignes, avec les religieux qui
ne sont pas oubliés : frères, moines, évêques et papes, ils se dirigent
vers le séjour céleste où est placé, au point culminant, le trône du sau-
veur que supportent les anges. A l’entour sont sculptés les instruments
de la passion et au-dessous sont disposés les chœurs des saints ayant à
leur tête, l’un la mère de Dieu, l’autre l’apôtre saint Jean L
Quel est, quels sont les auteurs de cette œuvre considérable, expres-
sive, savante, et qui tient un rang important dans l’histoire de la
sculpture moderne? Yasari nomme sans hésitation Nicolas de Lise :
« Revenant de Naples en Toscane, dit-il, il s’arrêta à la fabrique de
Sainte-Marie d’Orvieto et, y travaillant en compagnie de quelques
Allemands, il fit sur la façade de cette église plusieurs figures de marbre
en relief, particulièrement deux histoires du Jugement universel, le Pa-
radis et l’Enfer, ... et il s’y surpassa. » Le Père délia Yalle, dans son
livre du Dôme, et Lanzi dans son Histoire de la peinture en Italie, ont
suivi et confirmé Yasari. Mais l’heure de la critique vint et notre com-
patriote, Seroux d’Agincourt, observa que la première pierre du Dôme
d’Orvieto ayant été posée le 13 novembre 1290, Nicolas de Pise, s’il
était encore vivant, eût été âgé d’au moins quatre-vingt-dix ans, puis-
qu’en 1225 il commençait les travaux du tombeau de Saint-Dominique
à Bologne. D’Agincourt cherche des tempéraments, mais Cicognara estplus
sévère et à la logique des dates ajoute une abondante dissertation ; il
maintient pour le voyage à Naples la date de 1221, pour le tombeau de
Saint-Dominique celle de 1225.
Il y a donc procès que M. Lodovico Luzi, enfant d’Orvieto et avocat,
voudrait bien gagner ; il lui en coûte qu’un autre que Nicolas de Pise,
fût-ce son fds, ait sculpté les bas-reliefs de la façade; il cherche des
auxiliaires et en trouve dans une illustration du tombeau de saint
Dominique à Bologne par le marquis Virgilio Davia, lequel fait remar-
quer que l’artiste n’a pu figurer les miracles du saint, avant qu’ils
aient été reconnus par l’autorité de l’église. Or la canonisation étant de
Voir la reproduction du principal bas-relief, le Jugement dernier, à la p. 433.
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vigne, sont répartis les épisodes expressifs de la résurrection. Les morts
sortent des tombeaux pour recueillir la récompense céleste ou pour subir
le châtiment; les élus sont guidés par les anges, les réprouvés chassés
dans l’enfer sont livrés aux démons. Innombrables sont les suppliciés,
nombreuses les variétés de supplices. Satan plus grand et plus épou-
vantable que les plus horribles démons écrase sous ses pieds un groupe
de damnés. Le bonheur des élus se mêlant aux anges est gracieusement
exprimé; les femmes s’avancent sur deux lignes, avec les religieux qui
ne sont pas oubliés : frères, moines, évêques et papes, ils se dirigent
vers le séjour céleste où est placé, au point culminant, le trône du sau-
veur que supportent les anges. A l’entour sont sculptés les instruments
de la passion et au-dessous sont disposés les chœurs des saints ayant à
leur tête, l’un la mère de Dieu, l’autre l’apôtre saint Jean L
Quel est, quels sont les auteurs de cette œuvre considérable, expres-
sive, savante, et qui tient un rang important dans l’histoire de la
sculpture moderne? Yasari nomme sans hésitation Nicolas de Lise :
« Revenant de Naples en Toscane, dit-il, il s’arrêta à la fabrique de
Sainte-Marie d’Orvieto et, y travaillant en compagnie de quelques
Allemands, il fit sur la façade de cette église plusieurs figures de marbre
en relief, particulièrement deux histoires du Jugement universel, le Pa-
radis et l’Enfer, ... et il s’y surpassa. » Le Père délia Yalle, dans son
livre du Dôme, et Lanzi dans son Histoire de la peinture en Italie, ont
suivi et confirmé Yasari. Mais l’heure de la critique vint et notre com-
patriote, Seroux d’Agincourt, observa que la première pierre du Dôme
d’Orvieto ayant été posée le 13 novembre 1290, Nicolas de Pise, s’il
était encore vivant, eût été âgé d’au moins quatre-vingt-dix ans, puis-
qu’en 1225 il commençait les travaux du tombeau de Saint-Dominique
à Bologne. D’Agincourt cherche des tempéraments, mais Cicognara estplus
sévère et à la logique des dates ajoute une abondante dissertation ; il
maintient pour le voyage à Naples la date de 1221, pour le tombeau de
Saint-Dominique celle de 1225.
Il y a donc procès que M. Lodovico Luzi, enfant d’Orvieto et avocat,
voudrait bien gagner ; il lui en coûte qu’un autre que Nicolas de Pise,
fût-ce son fds, ait sculpté les bas-reliefs de la façade; il cherche des
auxiliaires et en trouve dans une illustration du tombeau de saint
Dominique à Bologne par le marquis Virgilio Davia, lequel fait remar-
quer que l’artiste n’a pu figurer les miracles du saint, avant qu’ils
aient été reconnus par l’autorité de l’église. Or la canonisation étant de
Voir la reproduction du principal bas-relief, le Jugement dernier, à la p. 433.