Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 15.1877

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Duranty, Edmond: Réflexions d'un bourgeois sur le Salon de Peinture
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.21844#0580
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
RÉFLEXIONS D’UN BOURGEOIS SUR LE SALON.

559

à son portrait de femme, un peu lourd et sans caractère particulier.

Nous ne parlerons pas, sur-le-champ, de tous les portraits; nous
suivrons un moment, puis nous quitterons cette évocation de la face
humaine qui produit toujours une profonde et attirante impression.

Un faire trop grenu couvre malheureussment d’un semblant de
pétite vérole le bon portrait de M. Renard, aux regards tristes et dont
l’expression ne s’empare pas du spectateur, mais se glisse en lui. La
dame en noir de M. Bernardo, malgré un inutile artifice qui consiste à
condenser exclusivement la lumière sur le visage, a le sens physionomique.
Notons, en passant, les nègres vigoureux de Mlle Mary.

Un défaut général, involontaire, inévitable, marque les portraits sans
fonds, c’est-à-dire peints sur un fond neutre. Ce fond, sombre, sans
couleur, opaque, sourd, finit presque toujours par opprimer le peintre.
Le portrait s’assourdit, s’attriste, s’éteint, s’endort sous la pesée de ce
fond. Aussi le Regnier, un peu cordonnier endimanché, de M. Escalier,
devient-il agréable par son air de vivacité, et reçoit-on une impression
pareille devant le Baron Taylor de M. Durangel, à la face anglaise et
fine, où le sang, à fleur de peau, met une teinte rosée, et dont on peut
constater la ressemblance absolue par le joli burin de M. Morse qu’en
publie la Gazette. Aussi le regard tombe-t-il avec plaisir sur le gros
homme à la pipe de M. Desboutin, figure tranquille mais point triste,
figure solide, franche, et point du tout sous l’éteignoir; une large et
saine figure, quoique de facture un peu épaisse !

Lorsque les portraitistes, au contraire, se décident à placer leur
modèle sur un fond animé, meublé, un fond d’appartement, la colora-
tion du personnage s’éclaircit, se ravive; il faut bien obéir aux récla-
mations impérieuses de ces tons frais, gais, qui circulent dans la rue
ou dans les chambres. Mais ici encore, les peintres, le plus souvent, ont
le tort de traiter ces fonds d’appartement en simples fonds ; ils ne s’in-
quiètent que superficiellement des intimes et significatifs rapports de
distance, de coloration, de lignes, et même d'esprit qui existent entre la
personne et son milieu habituel. Le portrait de Mmc la duchesse Colonna,
par M. Blanchard, en donne un exemple d’autant plus sensible que l’au-
teur est un homme de beauconp de talent. 11 a pris le parti d’étaler les
étoffes et de montrer les meubles. Cette dame est-elle chez elle? Oui,
voilà son mobilier! Point du tout, elle pose, sans aucune intimité, aucun
accord avec son milieu. Jolie écharpe, bras médiocre; bonne table
sculptée, tête lisse où le caractère si intéressant des traits de la per-
sonne n’est qu’en surface et s’affadit. Autant vaut Mme E. C., si bizarre-
ment transformée en dame de Walter Scott par MUe Dawis.
 
Annotationen