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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

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Nr. 2
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0190

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER RERNIN EN FRANCE. 179

phaël avec les autres : « Je ne saurais, a-t-il dit, lequel choisir. J’ai toujours
estimé le seigneur Poussin et je me souviens que le Guide1 me voulait mal
de la façon dont je parlai de son tableau du Martyre de saint Érasme qui est
dans Saint-Pierre, en ayant à son gré trop exagéré la beauté à Urbain VIII,
à qui je dis : Se io fossi pittore, quel quadro mi daria gran mortificazione1 2.
C’est un grand génie et avec cela il a fait sa principale étude sur l’antique. »
Se tournant après vers moi, il m’a dit : V. siga deve creder che ha una gioia in
questi quadri, che per nissun rispetlo mai deve mandar via3.

L’après-dînée, il a été avec le seigneur Mathie au bâtiment des Tuileries,
afin de voir de certaines largeurs de salles, et les poutres dont on se sert ici
pour les planchers. Il m’a dit au retour qu’il y en avait vu de sapin. Je lui ai
dit que ç’avait été défunt M. de Noyers qui en avait fait venir d’Auvergne. « Il
y en a donc en France, » m’a-t-il réparti. Entrant chez lui, il a trouvé M. de
Rive, oncle de M. de Lionne, et quelques autres que l’abbé Butti avait ame-
nés. L’abbé leur a fait voir les dessins du Louvre. Le soir on est allé à la pro-
menade. Il a dit, discourant de diverses choses, aux couvertures qu’il venait
de voir qu’il y avait des forêts entières de bois; que c’étaient de fort vilaines
choses qui coûtaient néanmoins infiniment; puis, changeant tout à coup de
propos : Non mi posso levar ciel pensamento questi suoi quadri, m’a-t-il dit4.

Vigarani5, reprenant le discours des dépenses, a dit qu’à la salle du palais
Cardinal, il y a deux poutres de chêne pourries et rompues, qu’il a su
qu’elles se sont gâtées par les trous qui sont au milieu dans lesquels il tom-
bait de Peau. Le Cavalier a pris la parole et a dit qu’il s’étonnait qu’en France
Ton ne fît pas, pour éviter l’humidité, les logements des maîtres en haut, où
Ton avait plus de soleil durant l’hiver qui est fort long, et qu’on ne se servît
pas plus communément qu’on ne fait de logements doubles : M’hanno dato
avviso fin d’Italia, che avvertissi al clima, e per il freddo fan qui le stanze nude;
non si deve mai dire : non si pub far più, ne biasimare T opéra cl’altri6. L’on
a arrêté, revenant au logis, chezMme de Bourlamachi, l’abbé Butti, ayant dit
au Cavalier que cette dame avait grand [désir de le voir]. Arrivé au logis, à
moi il m’a dit que s’il faisait beau le lendemain, Ton pouvait aller à Saint-
Cloud; de quoi j’ai donné avis à M. de Boisfranc7, lequel m’en avait prié.

LUDOVIC LALANNE.

( La suite prochainement.)

1. Guido Reni ne pouvait pardonner à Poussin d’avoir combattu avec succès à Rome
l’engouement dont il était l’objet de la part des jeunes artistes italiens et étrangers. (Voy. la
notice de Castellan, en tête de l’œuvre de Poussin, 1809, in-4°, t. I, p. 23.)

2. <i Si j’étais peintre, ce tableau me donnerait une grande mortification. »

3. « Vous devez croire que vous possédez dans ces tableaux un joyau dont vous ne devez
vous séparer pour aucune considération. »

4. « Je ne puis ôter vos tableaux de ma pensée. »

5. Ch. Vigarani, gentilhomme modénois, architecte, intendant des machines et plaisirs du roi.

6. Cette phrase, qui est peut-être incomplètement donnée dans le manuscrit, me semble
assez peu claire. En voici toutefois la traduction littérale : « On m’a averti d’Italie même que
je fisse attention au climat, et qu’on fait ici malgré le froid les pièces nues. On ne doit jamais
dire : on ne peut pas faire plus, ni blâmer l’œuvre d’autrui. »

7. Il devint en 1G73 surintendant des finances de Monsieur, puis son chancelier en 1G85.
 
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