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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 18.1878

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Nr. 1
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Mantz, Paul: Gustave Courbet, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22838#0030
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GUSTAVE COURBET.

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d’élégance était indispensable. Epris des spectacles en prose, le peintre
avait voulu représenter, dans le laisser-aller de leur attitude vulgaire,
deux de ces paresseuses filles, héroïnes de moralité incertaine, qui con-
sacrent leurs dimanches à l’étude du canotage, à de longs repas sous la
tonnelle des restaurants, à toutes sortes de gaietés champêtres. Les demoi-
selles de Courbet sont étendues sur l’herbe, au bord de l’eau, et l’été,
qui fait rage autour d’elles, emperle de sueurs leurs chairs brunies. Elles
sont vêtues avec un luxe d’un goût douteux, et la robuste dormeuse du
premier plan a gardé ses gants à vingt-neuf sons. Sa compagne, placée
derrière elle, n’est pas incapable de rêverie; la tête appuyée sur la
main, elle songe doucement à ses amours, qui sont des affaires. En raison
de la vulgarité des costumes et des attitudes, ce tableau a un certain
caractère, et il dit ce qu’il veut dire. L’auteur de la Philosophie du
Salon de 1857, M. Castagnary, parlant des paysages de Courbet, résu-
mait ainsi ses observations: « Comme paysagiste, il n’a guère entrevu la
nature que'par la fenêtre d’une auberge. Ses sites rappellent toujours
l’idée d’une « bonne partie » : on devine que c’est de la friture qui nage
au courant de ses ruisseaux, et, aux alentours, le long de ses taillis, il
se dégage comme un parfum de gibelotte. » Appliquées aux œuvres d’un
artiste qui, cette année même, exposait les Bords de la Loue, ces paroles
semblaient sévères : elles devenaient terriblement justes à propos des
Demoiselles des bords de la Seine. Les toilettes, les attitudes, le sourire,
tout dans ce tableau parle du cabaret voisin.

Comme morceau de peinture, cette idylle parisienne était d’ailleurs
d’une grande fermeté et d’une parfaite vaillance. Courbet ne fut pas
moins habile lorsqu’il peignit, à part, Tune de ses demoiselles, celle qui,
la tête couverte d’un grand chapeau fantasque, rêve à demi étendue au
pied d’un arbre. Je veux rappeler ici aux amateurs le tableau ou le
fragment de tableau qui a figuré en 1875 dans la vente de M. H... et dont
il reste une lithographie par M. Gilbert. Pour la puissance du ton, l’unité
émaillée de la pâte, la générosité de la manœuvre, c’est là une excellente
peinture; mais dans ce tableau, comme dans les Demoiselles des bords
de la Seine, les ambitions élevées, le coup d’aile vers les pures régions
de l’azur manquaient furieusement. Des fenêtres de l’atelier de la rue
Ilautefeuille, Courbet ne voyait que des choses prosaïques : il avait besoin
de changer d’horizon.

Un voyage qu’il fit pendant la durée de l’Exposition lui donna fort
à réfléchir. Courbet était alors traité en ami par son acheteur Alfred
Bruyas : il alla le voir à Montpellier. On trouvera de précieux renseigne-
ments sur cette excursion méridionale dans un volume récemment publié
 
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