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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 19.1879

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Nr. 1
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Ephrussi, Charles: Les dessins d'Albert Dürer, 8
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https://doi.org/10.11588/diglit.22839#0085
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78

■GAZETTE DES BEAEX-ARTS.

Vers la même époque, il se lia avec Mélanchthon. Ses meilleurs amis,
Pirkheimer et Lazarus Spengler, s’étaient jetés dans la Réforme avec
une ardeur qui leur mérita l’excommunication. Enfin, en 1520, dans une
lettre à Spalatin, chapelain de l’électeur Frédéric de Saxe, Durer mani-
feste, avec une liberté qui ne manquait pas de courage, ses sympathies
pour le grand réformateur : « J’ai appris que mon très gracieux seigneur
(Frédéric de Saxe) m’envoie lui-même les livres de Luther. C’est pourquoi
je prie Votre Révérence d’exprimer à Sa Grâce Electorale ma plus vive
et ma plus respectueuse reconnaissance et de la prier respectueusement
d’avoir en recommandation le digne docteur Martinus Luther, à cause de
la vérité chrétienne, qui nous importe plus que toutes les richesses et
toutes les puissances de ce monde ; en effet, ces choses passent avec le
temps, mais la vérité demeure éternellement. Et, si Dieu permet que
je rencontre le docteur Martinus Luther, je me propose de le portraiter
avec soin et de graver ce portrait sur cuivre, afin de perpétuer le sou-
venir de cet homme chrétien, auquel je dois d’être sorti de grandes

angoisses. » Plus tard, Dürer embrasse ouvertement la Réforme. En

décembre 152A, il écrit à Nicolas Kratzer : « Nous sommes plongés dans
l’humiliation et environnés de. périls à cause de la foi chrétienne, car on
nous considère comme des hérétiques... Que Dieu nous donne d’être
constants dans le bien, qu’il éclaire nos adversaires, ces pauvres gens
aveugles et misérables, afin qu’ils ne périssent pas dans leurs erreurs1. »
On comprend combien la nouvelle de l’arrestation de Luther dut
consterner une âme si fortement entraînée vers les idées et la personne
même du réformateur; aussi Dürer interrompt-il brusquement la pro-
saïque relation de son voyage pour s’abandonner à un mouvement d’élo-
quence tout à fait inattendu : « Vit-il encore ou l’ont-ils assassiné? —
C’est ce que je ne sais, mais il a souffert pour la vérité chrétienne, pour
avoir fustigé le papisme antichrétien qui s’oppose de tout le lourd poids
des lois humaines à l’affranchissement du Christ, et ainsi nous serons
encore, comme jusqu’à présent, fraudés et entièrement dépouillés de tout
ce qui est le fruit de notre sang et de notre sueur, et ce fruit sera encore
dévoré d’une manière honteuse et méchante par un peuple de fainéants,
tandis que les hommes altérés et malades mourront de faim. » Et, conti-
nuant à déplorer les fausses interprétations de la doctrine divine par ces
hommes qu’on appelle « les Pères », il adjure le Seigneur de rappeler
dans ses pâturages ses brebis dispersées, dont une partie se trouve encore

\. V. l’étude de M. Müntz, Une nouvelle biographie d’Albert Durerdans la
Gazette clés Beaux-Arts, t. XIV, p. 5.33 et suiv.
 
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