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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 5: peintre et écrivain
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

steppe incendiée, les vautours gris qui tourbillonnent dans l’air, attendant
leur proie, les convulsions horribles des malheureux torturés par la soif,
l’éclat même de la lumière qui rayonne et chante la mort sur un rythme
sonore et menaçant, tout me rappelle certaines mélodies décharnées du
Requiem de Berlioz. Fromentin n’a rien produit de plus vigoureux.

Je citerai enfin son dernier projet de tableau, YIncendie, dont il a
laissé quelques esquisses peintes, notamment une petite étude de femme
morte et nue, couchée sur le sol, qui appartient aujourd’hui à Mms
Fromentin. C’est un morceau de la plus rare distinction et d’une ana-
tomie très délicate.

En résumé, et comme je l’ai déjà dit, le peintre chez Fromentin était
plutôt un harmoniste qu’un coloriste : c’est-à-dire qu’il cherchait plutôt
les accords que les oppositions. Nous l’avons vu osciller entre Marilhat,
Decamps, Delacroix, pour se fixer sur la fin à Corot, l’harmoniste par
excellence. J’ajouterai encore que les raffinements de coloris et d’exécu-
tion de son voisin et ami M. Gustave Moreau ne le laissèrent pas indiffé-
rent, et qu’il serait aisé d’en relever dans ses méthodes les traces posi-
tives. Comme chez lui, sa palette est riche des tons les plus fins, les plus
précieux, que son pinceau excelle à faire scintiller en les juxtaposant.
Comme chez M. Gustave Moreau encore, la couleur ne s’exalte pas; le
temps l’avivera en l’émaillant, mais elle restera toujours tendre et claire,
ce qui est une grande condition pour durer. Malgré tout cela, malgré ces
influences qui traversent son œuvre, malgré le défaut de cuirasse qu’il
tenait de son éducation technique, tardive et sommaire, Fromentin n’est
point un artiste de seconde main; il s’assimile, il n’imite jamais. Son
sentiment est fécond, entier et incontestablement original. Il est Fro-
mentin, et son nom seul suffit à éveiller le souvenir de toutes ses quali-
tés, qui sont de haute allure, d’exquise valeur, et le feront vivre assuré-
ment au premier rang des peintres de sa génération.

Fromentin a travaillé sans relâche, et sa production a été des plus
fécondes, trop féconde même, car il a fait pour le commerce des répé-
titions, expédiées aux quatre coins du monde, qui valaient rarement les
œuvres originales. La liste complète de ses tableaux serait impossible à
dresser, — il en a vendu beaucoup de la main à la main à des mar-
chands étrangers ; — mais je crois n’avoir omis aucun morceau impor-
tant. Quant à ses dessins, faits sur nature, dont l’ensemble a figuré à la
vente posthume, j’ai dit plus haut ce que je pensais de leur justesse
d’impression et de leur extrême sincérité. Les meilleurs et les plus nom-
breux viennent du second séjour en Afrique (Mustapha, Blidah et
l’Aghouat — 1853).
 
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