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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 4
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [12]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0397
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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE. 379

c’était par colère. Le Cavalier a dit que non, qu’il y avait peu de différence,
que cela épargnerait une grande démolition, et a insisté longtemps sur cela,
disant que ce qu’il en avait fait avait été seulement pour montrer à M. de
Lionne qu’il ne voulait pas épargner sa peine pour son service; qu’il ne le
devait pas considérer à l’égal du Roi, mais qu’après le Roi c’était celui qu’il
eût plus volontiers servi. Le dessin est demeuré au signor Mathie, puis nous
nous en sommes allés remener l’abbé Butti. Montés en carrosse, le Cavalier a
dit qu’il se confirmait dans l’opinion que la nation était changeante, qu’il
remarquait même dans le Roi que le feu qu’il avait pour son portrait était
diminué, et qu’au lieu que Sa Majesté devait avoir un grand désir de le voir
fini, il n’y avait plus que lui qui y eût de l’amour, et ainsi des autres choses;
qu’à l’égard du Louvre, l’on aurait dû tout préparer il y a un mois et même
faire abattre ce qui ne doit point rester ; qu’il n’en parlerait jamais, demeu-
rât-il ici toute sa vie, étant chose qui ne lui serait pas séante. J’ai dit à l’égard
du Roi que c’étaient les eaux que Sa Majesté avait été obligée de prendre qui
l’avaient empêchée de venir, et j’excusai le reste sur l’accablement d’affaires
de M. Colbert.

Le troisième, le signor Mathie a été sur les tours de Notre-Dame, et a
apporté un morceau du mortier dont elles sont construites, qui s’est trouvé de
sable de rivière. 11 a dit au Cavalier qu’en ayant parlé à Mazière, il est
demeuré d’accord que ce sable est le meilleur, mais que la dépense en serait
trop grande. 11 a travaillé après, suivant l’ordre du Cavalier, à réformer le
plan de la façade du Louvre eu quelques endroits, y faisant une salle pour
des statues et des chambres pour des tableaux.

M. Rosteau a, ce même matin, amené le sieur Vildot1 saluer le Cavalier,
il a vu, après, les dessins du Louvre, et discourant avec lui sur l’usage qu’ils
ont à Rome de baignef leur maçonnerie, il ne l’a pas désapprouvé et a dit
même que, quand il pleuvait ici sur les murs qu’il fait construire, il eu était
bien aise et croit que cela sert à unir et lier l’ouvrage, faisant ensemble un
meilleur corps. L’heure de manger étant venue, je suis demeuré à dîner avec
le Cavalier. Après, durant qu’il se reposait, étant descendu dans la salle, M. de
Princé8 est venu avec trois ou quatre gardes prendre possession des portes, et
m’a dit que le Roi allait venir, qu’il avait ordre de ne laisser entrer qui que
ce soit que M. de Créqui, et que je fisse éveiller le Cavalier, ce que je n’ai
pas fait; aussi Sa Majesté n’est-elle venue d’une heure et demie. Après, nous
entretenant ensemble, il m’a dit que le Cavalier, montrant son buste à quel-
qu’un, lui avait dit : Questo è bello; neW originale, questo vero è brutlo3. J’ai
insisté que cela était inventé, et qu’il trouvait le visage du Roi le plus avanta-
geux et noble qu’il eût jamais vu. Durant cela, le Cavalier est descendu et m’a
témoigné qu’il serait bien aise, quand le Roi serait arrivé, que je lui mon-
trasse dans son buste ces flocons de cheveux tout à jour dans d’autres flocons
de cheveux, qui sont choses dans le marbre extrêmement difficiles, et m’a dit

J - Michel Villodo, maître des œuvres de maçonnerie des bâtiments du Roi.

2. Exempt des gardes.

3. « Cela est beau ; cela, dans l’original, est vraiment laid. »
 
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