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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 4
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [12]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0408
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390

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de nature, soit que cela vînt des voyages que j’avais faits en Italie ou autre-
ment, et m’a demandé si je n’entendais pas ce qu’il dit au Roi. Je lui ai re-
parti que non. 11 a repris et a dit qu’il avait rendu ce témoignage à la vérité,
ne lui ayant1 point mendié cet office. Ensuite, il m’a dit qu’il lui importait
que Sa Majesté sût les choses comme elles sont, qui lui pourraient êire dé-
guisées ou être mal interprétées; par exemple, que le jour d’hier il avait
parlé bien avantageusement de ce qu’il avait vu aux Gohelins, quoiqu’il y
eût diverses choses qui ne valaient rien. Je lui ai reparti que telles louanges
ainsi données étaient un effet sans doute de la conférence que nous avions
eue ensemble il y avait deux jours. Il en est demeuré d’accord, et que, pour
de certains respects, il en avait usé de la sorte; mais qu’on pourrait rappor-
ter la chose autrement, et que, moi, qui ai accès auprès du Roi, j’aurais pu
dire la vérité, me trouvant au dîner ou au souper. Je lui ai répliqué que,
comme dans mon quartier2 je ne perds aucun temps du service, aussi hors
de là je m’attache à celui de S. A. R., à qui j’ai l’honneur d’être aussi bien
qu’au Roi ; que, si j’avais en ce temps-ci de l’assiduité auprès de Sa Majesté,
on aurait pu juger que ç’aurait été pour me faire de fête. Il a repris et m’a
dit que j’y avais bien été il y a trois jours. J’ai répondu que c’était à cause
de certains mémoires que j’avais présentés à Sa Majesté, et qu’elle m’avait
ordonné de lui porter. « A la vérité, m’a-t-il répété, le témoignage d’un
homme comme vous peut beaucoup, car vous avez été mis auprès de moi de
la part du Roi; vous voyez l’assiduité et l’amour que j’ai à l’ouvrage, mieux
que personne. L’abbé Butti est Italien et doit être moins cru que vous. » J’ai
répondu que je faisais mon devoir à toute occasion et que je le ferais tou-
jours.

J’ai passé de ce discours à lui dire qu’il était un vrai homme comme il
le fallait au Roi, et que Sa Majesté était aussi un prince comme il le fallait
pour un génie pareil au sien; qu’il devait pour cela penser à bon escient à
s’établir en cette cour; que, s’il était de ces philosophes qui n’ont aucune
famille, il pourrait mépriser la grande occasion qui s’offre à lui; mais
qu’ayant nombre d’enfants, comme il a, il devait penser à eux et à les porter
jusques où ils peuvent aller, et qu'il avait un fils dans la prélature qui, avec
la protection de la France, pouvait aller loin. Il m’a loué son esprit et son
talent, et m’a dit qu’il était homme à devenir pape. Je lui ai reparti en riant
qu’il fallait être cardinal auparavant. Il a demeuré d’accord de cela et, en
riant aussi, a ajouté que, s’il était cardinal par le moyen de la France, cela lui
nuirait pour un but comme celui-là; qu’à la vérité, il y avait des voies qui ne
donnent pas l’exclusion; qu’on était cardinal pour de l’argent, prenant de
certaines charges avec lesquelles on parvient au cardinalat. Il m’a dit, mais
sérieusement, qu’il ne pouvait pas dire davantage qu’il avait dit; m’a répété
qu’il était homme à faire plus qu’il ne promettait; qu’il avait donné à en-
tendre à M. Colbert qu’une chose qui l’avait fort dégoûté de servir en France
était de voir combien on avait peu connu la beauté du dessin de Mignard pour
l’autel du Val-de-Grâce, et qu’on lui avait préféré celui qui s’exécute à pré-

1. Moi ne lui ayant...

2, C'est-à-dire : quand je suis de quartier, comme maître d’hôtel du Roi.
 
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