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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 4
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [12]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0409
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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE. 391

sent ; que cela l’avait mis en balance1 et pensé faire à changer ses inclina-
tions. Je lui ai dit que le choix de ce dessin avait en quelque sorte été remis
aux religieuses, qui, ne s’entendant point à cela, s’étaient laissées aller aux
persuasions de leur architecte, qui avait employé toute sorte de moyens
pour faire approuver son ouvrage; qu’il n’en était pas de même dans ce qui
se fait pour le Roi, lequel sait si bien connaître les choses et faire élection du
bon et du beau.

Je lui ai encore répété en cet endroit-là qu’il ne devait rien tant désirer
que de demeurer eu France, et que, pour un temps de paix comme celui-ci,
il était le vrai homme du Roi. 11 m’a dit que son intention était de revenir,
mais qu’il ne voulait pas l’assurer, que le Roi lui en serait moins obligé que
de revenir sans l’avoir promis. J’ai ajouté à cela que, quand l’amour qu’il a
pour Sa Majesté ne l’y obligerait pas, celui qu’il doit avoir pour son ouvrage
l’y doit obliger, étant le plus grand et signalé du monde. Je me suis ensuite
étendu sur la beauté de son dessin, que je trouvais d’autant plus admirable,
qu’il l’avait accommodé au vieux, et que je disais à toute rencontre que c’était
un paradoxe qu’il n’avait rien changé au Louvre, et qu’il l’avait changé tout
à fait. Il a répété ici ce qu’il avait une fois dit à M. le commandeur de
Souvré, que, pour avoir voulu conserver le Louvre, il l’avait détruit2; que
M. le Légat lui avait dit, à son retour de France, que le Roi désirait un plan
de lui où il n’eût aucune sujétion3, que4 ses ministres ne le lui avaient pas
fait entendre. Je lui ai dit que je ne m’étais pas trouvé assez près de Sa Ma-
jesté pour entendre ce qu’il lui dit à ce sujet la première fois qu’il vit le Roi ;
mais qu’il avait couru un bruit qu’il avait dit qu’il fallait tout abattre, et
que Sa Majesté avait répondu qu’elle voulait conserver l’ouvrage de ses pré-
décesseurs. Il m’a rapporté comme cela s’était passé, et qu’il dit au Roi qu’il
avait vu les palais des Empereurs, ceux des Papes et des souverains, et par
les chemins ceux des ducs et seigneurs ; mais qu’il fallait faire pour un roi
de France d’aujourd’hui de plus grandes et magnifiques choses que celles-là,
et qu’il se tourna vers ceux qui environnaient le Roi : « Qu’on ne me parle,
dit-il, de rien de petit5 » ; que le Roi avait pris la parole et lui avait dit qu’il
avait quelque affection de conserver ce qu’avaient fuit ses ancêtres; mais que
néanmoins, si l’on ne pouvait rien faire de grand sans tout abattre, [qu’il lui
abandonnait tout, même le choix de tout autre poste; que, pour l’argent, il
ne l’épargnerait pas; qu’il avait répondu à Sa Majesté que la proportion était
la plus belle chose du monde ; que les palais n’étaient pas grands par la dé-
pense qu’on y faisait, mais parla grandeur du mode et la noblesse de l’idée
de l’architecte; que, dans cette vue, M. Colbert l’avait ensuite mené dans les
postes les plus avantageux de Paris pour en avoir son avis et lui donner à con-
naître que le Roi ne faisait aucune réserve, mais que lui s’était accommodé à
ce qui était raisonnable, et avait laissé les vastes desseins qui auraient eu du
chimérique pour l’excès de la dépense, comme de bâtir dans l’île du Palais,
où, avant que de commencer, il eût fallu abattre pour quinze ou vingt mil-

1. L’avait fait hésiter. — 2. Le manuscrit porte par erreur desirait.

3. C’est-à-dire où lui, Bernin, ne fut gêné en rien. — 4. Que, ce que.

5. Voyez plus haut à la date du 4 juin.
 
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