Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 6: peintre et écrivain
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0492
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
EUGÈNE FROMENTIN. 471

je suis peintre; je dis malheureusement, en attendant que je l’aie plus honorablement
prouvé.

Quoi qu’il arrive de moi, dans l’une ou l’autre de ces carrières, où probablement
j’irai de l’une à l’autre, je garderai, madame, le souvenir de vos paroles, comme un
aiguillon, non pour mon amour-propre, mais pour ma persévérance. Des encourage-
ments comme les vôtres donneraient le désir de bien faire, même à ceux qui ne
l’auraient jamais connu; et ce désir, je crois l’avoir à l’état de tourment.

Votre lettre, je ne sais pourquoi, madame, m’invite à des éclaircissements sur moi-
même que je vous supplie d’excuser, si j’en abuse.

Et quant aux offres particulièrement obligeantes que vous voulez bien me faire,
croyez, madame, que, si jamais je pouvais y répondre, en quelque lieu que l’occasion
m’en fût donnée, ce serait avec un grand bonheur que je vous offrirais, avec l’expression
nouvelle de ma gratitude, l’hommage ancien déjà de ma respectueuse admiration.

Eu g. Fromentin.

A la lettre du 23 mars, Mme Sand répondait en termes d’une chaleur
exhubérante :

Nohant, 27 mars 1857.

Monsieur,

Votre letttre me fait bien plaisir, parce que je suis contente do vous avoir fait
plaisir, mais je n’ai pas fini. Je vous dois mon sentiment sur la seconde moitié du
volume qui est encore plus belle que la première. La renconlre de la tribu est un
chef-d’œuvre. C’est de la peinture de maître, et, bien qu’il n’y ait aucun événement
dans ce voyage, on le fait avec vous avec la passion d’artiste que vous y mettez. Et
une passion sage, toujours dans le vrai, dans le goût, dans le simple et le sincère. Je
crois que vous ne vous doutez pas du talent que vous avez. Mais tant mieux, restez
modeste, c’est-à-dire artiste vrai, et vous ferez encore mieux, si c’est possible. Vous
avez dix fois plus en vous que Jacquemont, et peut-être, entre nous soit dit, que tous
ceux qui écrivent en ce moment sur n’importe quoi. Je ne sais pas si votre peinture
est à la hauteur de votre littérature. Dans ce cas, vous seriez une organisation bien
privilégiée.

Moi, je vous remercie pour ces quelques délicieuses soirées que j’ai passées à
vous lire avec un ami aussi surpris, aussi enchanté que moi. Nous étions comme de
pauvres poissons nourris de paille, saturés de déceptions ou de satisfactions presque
toujours mélangées de gros déplaisirs; et nous nous sommes retrouvés nageant en
pleine eau limpide, toute pleine de soleil. Ce n’est pas que le pays me tente. Je vous
réponds bien de n’y aller jamais. A quoi bon ? Je l’ai vu, je le connais, je le sais depuis
que je vous ai lu. C’est un tableau de Delacroix, et j’y sens plus de certitude encore.
Il n’y a pas l’ombre de fantaisie. J’en ai savouré tout le grand et tout le beau. Pour la
souffrance dont vous l’avez payé, je suis trop vieille. D’ailleurs, j’ai la passion des
arbres, et je n’aime pas les plaines.

George Sand.
 
Annotationen