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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dont on a la gravure par Pierre de Jode, fut placée dans l’église près
de l’épitaphe du maître satirique. Si Rubens s’acquitta religieusement
de la mission qui lui était confiée, il n’est pas besoin de le dire. 11
avait le plus grand respect pour la mémoire du vieux Breughel ; il était
parvenu à se procurer plusieurs œuvres de sa main, il lui fit mêmel’hon-
neur d’imiter un de ses dessins, le Combat de paysanset de le traduire
en peinture1.
Lorsque Jean Breughel de Velours mourut, le 13 janvier 1625, il lais-
sait plusieurs enfants mineurs. Une tutelle dut être organisée. Rubens
fut un des tuteurs et il accomplit, en véritable père de famille, les soins
que lui imposait cette charge. Il veilla tendrement sur la destinée des
enfants de son camarade, et quand, en 1636 et en 1637, ses filles Cathe-
rine et Anne épousèrent, l’une J.-B. Borrekens, l’autre David Teniers,
Rubens assista en qualité de témoin à ces deux mariages.
Ces détails, que nous empruntons à l’excellent catalogue du musée
d’Anvers, démontrent que, depuis son retour d’Italie jusqu’au 13 janvier
1625, Rubens a pu travailler avec Breughel de Velours. Sans doute le
collaborateur ordinaire du fin paysagiste, c’est Henri van Balen. On ren-
contre partout, et en grand nombre, les œuvres qui sont dues à leur
travail associé. Mais dans les occasions solennelles, lorsqu’il s’agissait de
produire un morceau capital, c’est Rubens lui-même qui plaçait des figu-
rines dans les campagnes de son camarade. Il n’est pas difficile de citer
quelques exemples. Dans le petit tableau du musée d’Anvers, le Christ
pleuré par les saintes femmes, il semble évident que les figures sont de
Rubens et le paysage de Breughel. Et comment dans cette recherche ne
pas invoquer tout d’abord le plus mémorable témoignage qui nous soit
resté de la collaboration fraternelle des deux artistes, Y Adam et Eve du
musée de la Haye? Le tableau est célèbre : il devrait l’être plus encore.
C’est, dans ses petites dimensions, un indiscutable chef-d’œuvre, ou,
comme le dit Smith en son catalogue, une production hors de pair.
Breughel de Velours n’était jamais plus heureux que lorsqu’il peignait
le paradis terrestre. A défaut de documents authentiques, il inventait un
jardin délicieux, des arbres robustes et charmants, des sources jaillis-
santes, des gazons étoilés de toutes les fleurs imaginables. Des montagnes
bleuissantes fermaient les perspectives lointaines; un air léger courait sur
laume II. Quand cetle collection fut dispersée en d850, il fut adjugé à un amateur
anglais, M. Mawson.
t. Dans la liste des tableaux trouvés chez Rubens après sa mort, on voit figurer —
je cite le texte anglais publié par Sainsbury, — A piece of boores fighting, made
afler a draughl of old Breughel,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dont on a la gravure par Pierre de Jode, fut placée dans l’église près
de l’épitaphe du maître satirique. Si Rubens s’acquitta religieusement
de la mission qui lui était confiée, il n’est pas besoin de le dire. 11
avait le plus grand respect pour la mémoire du vieux Breughel ; il était
parvenu à se procurer plusieurs œuvres de sa main, il lui fit mêmel’hon-
neur d’imiter un de ses dessins, le Combat de paysanset de le traduire
en peinture1.
Lorsque Jean Breughel de Velours mourut, le 13 janvier 1625, il lais-
sait plusieurs enfants mineurs. Une tutelle dut être organisée. Rubens
fut un des tuteurs et il accomplit, en véritable père de famille, les soins
que lui imposait cette charge. Il veilla tendrement sur la destinée des
enfants de son camarade, et quand, en 1636 et en 1637, ses filles Cathe-
rine et Anne épousèrent, l’une J.-B. Borrekens, l’autre David Teniers,
Rubens assista en qualité de témoin à ces deux mariages.
Ces détails, que nous empruntons à l’excellent catalogue du musée
d’Anvers, démontrent que, depuis son retour d’Italie jusqu’au 13 janvier
1625, Rubens a pu travailler avec Breughel de Velours. Sans doute le
collaborateur ordinaire du fin paysagiste, c’est Henri van Balen. On ren-
contre partout, et en grand nombre, les œuvres qui sont dues à leur
travail associé. Mais dans les occasions solennelles, lorsqu’il s’agissait de
produire un morceau capital, c’est Rubens lui-même qui plaçait des figu-
rines dans les campagnes de son camarade. Il n’est pas difficile de citer
quelques exemples. Dans le petit tableau du musée d’Anvers, le Christ
pleuré par les saintes femmes, il semble évident que les figures sont de
Rubens et le paysage de Breughel. Et comment dans cette recherche ne
pas invoquer tout d’abord le plus mémorable témoignage qui nous soit
resté de la collaboration fraternelle des deux artistes, Y Adam et Eve du
musée de la Haye? Le tableau est célèbre : il devrait l’être plus encore.
C’est, dans ses petites dimensions, un indiscutable chef-d’œuvre, ou,
comme le dit Smith en son catalogue, une production hors de pair.
Breughel de Velours n’était jamais plus heureux que lorsqu’il peignait
le paradis terrestre. A défaut de documents authentiques, il inventait un
jardin délicieux, des arbres robustes et charmants, des sources jaillis-
santes, des gazons étoilés de toutes les fleurs imaginables. Des montagnes
bleuissantes fermaient les perspectives lointaines; un air léger courait sur
laume II. Quand cetle collection fut dispersée en d850, il fut adjugé à un amateur
anglais, M. Mawson.
t. Dans la liste des tableaux trouvés chez Rubens après sa mort, on voit figurer —
je cite le texte anglais publié par Sainsbury, — A piece of boores fighting, made
afler a draughl of old Breughel,