Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 1
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0397
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
380

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

I

Il convient de reprendre un par un les différents points de notre
thèse. J’ai dit, en premier lieu, que le moyen âge avait été la grande
floraison de l’art national en France. Sans contredit, ces siècles tourmen-
tés ne manquèrent point de vices, de douleurs et de hontes : seulement le
don de création est naturel aux périodes de lutte où les hommes, très divi-
sés, ne pouvant compter les uns sur les autres, sont obligés d’agir et de pro-
duire séparément. Les artistes, hantés de grandes idées, n’ayant pour les
rendre que de petits moyens, les expriment à force de bonne foi et de
conscience. L’aristocratie du temps, toujours armée et chevauchante, ne
les absorbe pas encore pour son apothéose. Us ornent de leurs naïfs
chefs-d’œuvre des cathédrales, des hôtels de ville et des maisons de cor-
poration. Au moyen âge, le citoyen existe : il a les franchises de la com-
mune qu’il a faite. L’artiste est religieux, et il recommande à Dieu ce
peuple dont il sort ; il est patriote et il confie à la pierre l’image familiè-
rement héroïque de ce peuple dont il est. Il y a de mauvais seigneurs ; on
se soulève quelquefois contre eux et on leur inflige, à tout le moins,
des remontrances. Des moines, du haut de la chaire, n’hésitent pas à
leur faire entendre de sévères paroles, au nom du Dieu des pauvres et
des humiliés, qui est le Dieu du moyen âge.

Le sculpteur aussi a des anathèmes à son service : les méchants qui
se font haïr, il se donne la joie de les ridiculiser; il les fait gémir et hur-
ler, grotesques fantômes, au bout des fourches des démons, dans ses bas-
reliefs du Jugement dernier ou de la Pesée des âmes, au-dessus des
portes des basiliques. Ces siècles féodaux, qu’on nous fait voir comme
anéantis sous des jougs de fer, ont été fiers et sublimes par leur con-
stante aspiration à la liberté. Le sentiment de l’égalité est profond chez
le populaire opprimé ; le serf se console de tout en regardant ces terri-
bles Danses macabres qui nous sont demeurées si nombreuses, où le roi,
le chevalier, l’évêque et le laboureur, la main dans la main, nivelés par
la mort, nouent leur lugubre sarabande. L’art engendré sous l’influence
de telles idées reste admirable de saveur humaine et de haute raison.

Arrêtez-vous devant ces figures de saints qui peuplent les anciennes
églises ; vous y reconnaîtrez des hommes qui ont vécu, qui ont souffert,
qui ont pensé et qu’a sanctifiés la volonté pieuse du statuaire. Jamais,
au surplus, l’artiste n’a retracé que ce qu’il avait sous les yeux et dans le
cœur. S’il doit représenter la mort de la Vierge, il se rappelle sa mère au
 
Annotationen