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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Ion feront bien de les grouper pour faciliter les comparaisons, et de les
abriter, autant que faire se peut, contre les injures du ciel. Ce sont des
manifestations importantes d’une curieuse période de l’art en France, et
ces témoignages éloquents méritent d’être conservés à l’étude et à l’ad-
miration de la postérité.
M. Anatole de Montaiglon a publié ici même une série d’articles ex-
cellents sur un des principaux centres de l’activité de la colonie italienne
dans le bassin de la Loire. Son travail, intitulé Les Juste en Italie et en
France1, est un modèle de critique que la découverte de nouveaux docu-
ments n’a fait et ne fera que confirmer. Le même savant a groupé dans les
Archives de l'art français} autour de l’important foyer de l’art italien créé
par les rois de France, une grande quantité de renseignements. Mais les
aspects du tableau sont multiples. L’inoculation, si je puis m’exprimer
ainsi, de l’art italien se communiqua dans notre pays par beaucoup d’autres
contacts. Dès le milieu du xve siècle, René d’Anjou avait rapporté de son
règne éphémère au delà des monts non seulement le goût des arts de l’Ita-
lie, mais encore la pratique même du ciseau italien dans la personne de
Francesco Laurana. La Provence, à Marseille et à Avignon, conserve
encore des traces de cette influence et nous montre les produits de ces
ateliers ambulants empruntés à l’Italie. L’Anjou vit apparaître dans le
tombeau de René, à Angers, une de ces vastes et pompeuses décorations
dont le roi-artiste avait confié l’exécution à des mains françaises ou bour-
guignonnes, mais dont le plan et le programme, comme je le prouverai
bientôt, avaient été tirés de Naples. Un peu plus tard, à Nantes, nous
constatons que des ouvriers italiens sculptaient dans l’atelier de Michel
Colombe2. De Brou, un Français, Jean Perréal, dit Jean de Paris, allait
demander à l’Italie des inspirations capables de satisfaire les exigences
tout sculpté avec beaucoup de finesse et employé au tombeau de Louis de Poncher.
L’arrière-corps en entier du tombeau de Louis de Poncher n’appartenoit point à ce
monument. Il a été formé de pilastres arabesques et d’une corniche fort bien travail-
lée en pierre de Caen et d’un couronnement en pierre qui ont été achetés au proprié-
taire du château de Gaillon. »
Dans une lettre, récemment publiée, d’Alexandre Lenoir au ministre de l’intérieur,
en date du 7 frimaire an X, il est question du transport de Gaillon à Paris « d’un
beau chambranle de porte en pierre grise de Caen, orné d’arabesques du plus beau
choix et de la plus belle exécution ; d’un plafond en pierre blanche du même lieu et
orné de même, d’une lanterne en pierre sculptée à jour portant quatre pieds de pro-
portion et d’un chambranle de croisée en cul-de-lampe ; le tout chargé d’arabesques
de la plus belle exécution et de deux portes sculptées dans la masse. »
1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 2e période, t. XII et suivants.
2. Charvet, Jehan Perréal, Clément Trie et Édouard Grand, p. 71.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Ion feront bien de les grouper pour faciliter les comparaisons, et de les
abriter, autant que faire se peut, contre les injures du ciel. Ce sont des
manifestations importantes d’une curieuse période de l’art en France, et
ces témoignages éloquents méritent d’être conservés à l’étude et à l’ad-
miration de la postérité.
M. Anatole de Montaiglon a publié ici même une série d’articles ex-
cellents sur un des principaux centres de l’activité de la colonie italienne
dans le bassin de la Loire. Son travail, intitulé Les Juste en Italie et en
France1, est un modèle de critique que la découverte de nouveaux docu-
ments n’a fait et ne fera que confirmer. Le même savant a groupé dans les
Archives de l'art français} autour de l’important foyer de l’art italien créé
par les rois de France, une grande quantité de renseignements. Mais les
aspects du tableau sont multiples. L’inoculation, si je puis m’exprimer
ainsi, de l’art italien se communiqua dans notre pays par beaucoup d’autres
contacts. Dès le milieu du xve siècle, René d’Anjou avait rapporté de son
règne éphémère au delà des monts non seulement le goût des arts de l’Ita-
lie, mais encore la pratique même du ciseau italien dans la personne de
Francesco Laurana. La Provence, à Marseille et à Avignon, conserve
encore des traces de cette influence et nous montre les produits de ces
ateliers ambulants empruntés à l’Italie. L’Anjou vit apparaître dans le
tombeau de René, à Angers, une de ces vastes et pompeuses décorations
dont le roi-artiste avait confié l’exécution à des mains françaises ou bour-
guignonnes, mais dont le plan et le programme, comme je le prouverai
bientôt, avaient été tirés de Naples. Un peu plus tard, à Nantes, nous
constatons que des ouvriers italiens sculptaient dans l’atelier de Michel
Colombe2. De Brou, un Français, Jean Perréal, dit Jean de Paris, allait
demander à l’Italie des inspirations capables de satisfaire les exigences
tout sculpté avec beaucoup de finesse et employé au tombeau de Louis de Poncher.
L’arrière-corps en entier du tombeau de Louis de Poncher n’appartenoit point à ce
monument. Il a été formé de pilastres arabesques et d’une corniche fort bien travail-
lée en pierre de Caen et d’un couronnement en pierre qui ont été achetés au proprié-
taire du château de Gaillon. »
Dans une lettre, récemment publiée, d’Alexandre Lenoir au ministre de l’intérieur,
en date du 7 frimaire an X, il est question du transport de Gaillon à Paris « d’un
beau chambranle de porte en pierre grise de Caen, orné d’arabesques du plus beau
choix et de la plus belle exécution ; d’un plafond en pierre blanche du même lieu et
orné de même, d’une lanterne en pierre sculptée à jour portant quatre pieds de pro-
portion et d’un chambranle de croisée en cul-de-lampe ; le tout chargé d’arabesques
de la plus belle exécution et de deux portes sculptées dans la masse. »
1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 2e période, t. XII et suivants.
2. Charvet, Jehan Perréal, Clément Trie et Édouard Grand, p. 71.