LA « DIVINE COMÉDIE » ILLUSTRÉE PAR BOTTICELLI. 4M
revêtus de flammes, on voit, des deux côtés d’un escalier taillé dans
le roc, des simulacres de buissons de feu superposés en rangées, au
milieu desquels se devinent des profils grimaçants qui veulent figurer
l’âme des damnés exhalant leur plainte. La simplicité puérile de la
facture répond au vide de la composition. Certes il y a plus de mou-
vement et d’effort dramatique dans l’interprétation du chant XXIV :
toutes les phases de l’âpre montée et de la pénible descente sont
suivies d’assez près ; les deux poètes reparaissent huit fois dans
cette page en des attitudes diverses, tantôt se cramponnant aux
saillies du roc escarpé, tantôt brisés par la fatigue, Dante cédant à
la peine et tombant épuisé, Virgile ranimant son courage et gour-
mandant sa faiblesse. Mais la sombre grandeur du terrible cercle;
le grouillement des monstrueux reptiles poursuivant les voleurs, les
atteignant, les enserrant de leurs anneaux; l’affreux supplice de ce
Vanni Fucci piqué par le dard venimeux, réduit tout à coup en
cendres et paraissant aussitôt pour souffrir encore la même torture,
— rien de tout cela n’est senti. Sans doute la plume a jeté çà et là
des corps d’hommes nus et des serpents fantastiques qui les enla-
cent ; mais tout cela est petit et menu, sans impression effrayante,
sans ce mélange d’épouvante et d’horreur qu’inspire ce lugubre
chant. Nous retrouvons une égale faiblesse de conception dans les
chants XXVII et XXIX où Bertrand de Boni, au milieu des semeurs
de discorde, tenant par les cheveux sa tète détachée du tronc, la porte
devant lui en guise de lanterne et où les faux-monnayeurs et les
alchimistes, en proie à d’affreuses démangeaisons, se labourent la
peau de leurs ongles sanglants. Il en est de même des zones du cercle
des traîtres, de cette Ca'ina, de cette Anlenora et de cette Ptolemea,
(chants XXXII et XXXIII, réunis en une seule page), bizarre pêle-
mêle de figures enfantines de chétive anatomie, se culbutant, s’étrei-
gnant, se mordant, au milieu desquelles on cherche sans le trouver
le dramatique épisode d’Ugolin.
D’une inspiration un peu plus puissante sont les démons
(chants XXI et XXII), repoussant dans le lac de poix bouillante les
damnés qui s’efforcent d’en sortir. Ces diables ailés, cornus et cro-
chus, armés de fourches menaçantes, ont vraiment quelque chose de
fantastique et d’impitoyablement grimaçant ; la scène est animée ;
la page, qui reste souvent un peu vide, est ici remplie.
Cependant la seule composition un peu dantesque de cette série,
est le dessin, ici reproduit, qui montre les géants chargés de fers,
les uns sortis de leur fosse, les autres à demi plongés dans l’abîme.
revêtus de flammes, on voit, des deux côtés d’un escalier taillé dans
le roc, des simulacres de buissons de feu superposés en rangées, au
milieu desquels se devinent des profils grimaçants qui veulent figurer
l’âme des damnés exhalant leur plainte. La simplicité puérile de la
facture répond au vide de la composition. Certes il y a plus de mou-
vement et d’effort dramatique dans l’interprétation du chant XXIV :
toutes les phases de l’âpre montée et de la pénible descente sont
suivies d’assez près ; les deux poètes reparaissent huit fois dans
cette page en des attitudes diverses, tantôt se cramponnant aux
saillies du roc escarpé, tantôt brisés par la fatigue, Dante cédant à
la peine et tombant épuisé, Virgile ranimant son courage et gour-
mandant sa faiblesse. Mais la sombre grandeur du terrible cercle;
le grouillement des monstrueux reptiles poursuivant les voleurs, les
atteignant, les enserrant de leurs anneaux; l’affreux supplice de ce
Vanni Fucci piqué par le dard venimeux, réduit tout à coup en
cendres et paraissant aussitôt pour souffrir encore la même torture,
— rien de tout cela n’est senti. Sans doute la plume a jeté çà et là
des corps d’hommes nus et des serpents fantastiques qui les enla-
cent ; mais tout cela est petit et menu, sans impression effrayante,
sans ce mélange d’épouvante et d’horreur qu’inspire ce lugubre
chant. Nous retrouvons une égale faiblesse de conception dans les
chants XXVII et XXIX où Bertrand de Boni, au milieu des semeurs
de discorde, tenant par les cheveux sa tète détachée du tronc, la porte
devant lui en guise de lanterne et où les faux-monnayeurs et les
alchimistes, en proie à d’affreuses démangeaisons, se labourent la
peau de leurs ongles sanglants. Il en est de même des zones du cercle
des traîtres, de cette Ca'ina, de cette Anlenora et de cette Ptolemea,
(chants XXXII et XXXIII, réunis en une seule page), bizarre pêle-
mêle de figures enfantines de chétive anatomie, se culbutant, s’étrei-
gnant, se mordant, au milieu desquelles on cherche sans le trouver
le dramatique épisode d’Ugolin.
D’une inspiration un peu plus puissante sont les démons
(chants XXI et XXII), repoussant dans le lac de poix bouillante les
damnés qui s’efforcent d’en sortir. Ces diables ailés, cornus et cro-
chus, armés de fourches menaçantes, ont vraiment quelque chose de
fantastique et d’impitoyablement grimaçant ; la scène est animée ;
la page, qui reste souvent un peu vide, est ici remplie.
Cependant la seule composition un peu dantesque de cette série,
est le dessin, ici reproduit, qui montre les géants chargés de fers,
les uns sortis de leur fosse, les autres à demi plongés dans l’abîme.