RUBENS.
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hardi et mémorable que l’auteur des Maîtres d’autrefois a consacré à
cette composition qu’il qualifie de décousue. Dans sa critique sans
indulgence, mais non sans raison, Fromentin n’a pas suffisamment
insisté sur la circonstance atténuante : le Coup de lance, si beau par
parties, incohérent dans l’ensemble, est un Rubens altéré. L’estampe
de Boece de Bolswert donne l’idée d’une œuvre plus équilibrée et plus
harmonieuse.
Entouré des graveurs dont il surveillait les travaux, attentif aux
intérêts de la gilde de Saint-Luc dont il était devenu doyen, Rubens
vivait tranquille, occupé, heureux, lorsque les événements politiques
et le drame de l’histoire l’obligèrent à sortir de son atelier. Les
affaires de France, fort mêlées sous Richelieu aux affaires de l’Espagne
et par suite à celles des Flandres, s’étaient définitivement embrouillées,
du moins en ce qui concernait les personnages de l’avant-scène. Le
cardinal, allant jusqu’au bout de sa querelle avec Marie de Médicis,
touchait à l’heure du triomphe. Louis XIII, cet excellent fils à qui il
fut donné de faire par deux fois enfermer sa mère, avait consenti
(février 1631) à ce que Marie de Médicis fut reléguée à Compiègne.
Qu’y faisait-elle? Elle s’y ennuyait passionnément et, usant du droit
que revendiquent tous les captifs, elle songeait à la délivrance. Et la
reine, qui avait appris à Blois, en 1619, l’art de s’évader, utilisa son
érudition. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, elle se sauva de Com-
piègne. Le 20, elle était à Avesnes, et le lendemain elle envoyait un
de ses gens à l’infante Isabelle, pour lui faire savoir qu’en entrant en
Flandre, elle se mettait sous la protection de l’Espagne.
C’était là pour lagou vernante des Pays-Bas une difficulté imprévue :
c’était aussi une bonne aubaine pour les esprits ardents qui n’aimaient
pas la France et qui détestaient le cardinal. Isabelle ne refusa point
à la reine poursuivie l’hospitalité qu’elle réclamait; elle songea même
tout de suite que Richelieu avait la main longue, qu’Avesnes était
une place mal gardée et qu’il fallait mettre en sûreté la fugitive. Elle
envoya à Marie de Médicis François de Moncade, marquis d’Aytona,
qui était à Bruxelles le représentant diplomatique de Philippe IY et
qui est connu aussi bien par ses exploits que par le portrait équestre
de Van Dyck. Moncade, à ce moment du moins, savait très mal le
français. On eut alors la pensée de lui donner pour compagnon
un homme sûr, familier avec le dictionnaire et qui ne fût pas d’ail-
leurs désagréable à Marie de Médicis. Rubens partit pour Avesnes
oû il rejoignit Moncade. Les deux envoyés d’Isabelle firent aisément
comprendre à la reine mère, déjà convaincue, qu’il était prudent de
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hardi et mémorable que l’auteur des Maîtres d’autrefois a consacré à
cette composition qu’il qualifie de décousue. Dans sa critique sans
indulgence, mais non sans raison, Fromentin n’a pas suffisamment
insisté sur la circonstance atténuante : le Coup de lance, si beau par
parties, incohérent dans l’ensemble, est un Rubens altéré. L’estampe
de Boece de Bolswert donne l’idée d’une œuvre plus équilibrée et plus
harmonieuse.
Entouré des graveurs dont il surveillait les travaux, attentif aux
intérêts de la gilde de Saint-Luc dont il était devenu doyen, Rubens
vivait tranquille, occupé, heureux, lorsque les événements politiques
et le drame de l’histoire l’obligèrent à sortir de son atelier. Les
affaires de France, fort mêlées sous Richelieu aux affaires de l’Espagne
et par suite à celles des Flandres, s’étaient définitivement embrouillées,
du moins en ce qui concernait les personnages de l’avant-scène. Le
cardinal, allant jusqu’au bout de sa querelle avec Marie de Médicis,
touchait à l’heure du triomphe. Louis XIII, cet excellent fils à qui il
fut donné de faire par deux fois enfermer sa mère, avait consenti
(février 1631) à ce que Marie de Médicis fut reléguée à Compiègne.
Qu’y faisait-elle? Elle s’y ennuyait passionnément et, usant du droit
que revendiquent tous les captifs, elle songeait à la délivrance. Et la
reine, qui avait appris à Blois, en 1619, l’art de s’évader, utilisa son
érudition. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, elle se sauva de Com-
piègne. Le 20, elle était à Avesnes, et le lendemain elle envoyait un
de ses gens à l’infante Isabelle, pour lui faire savoir qu’en entrant en
Flandre, elle se mettait sous la protection de l’Espagne.
C’était là pour lagou vernante des Pays-Bas une difficulté imprévue :
c’était aussi une bonne aubaine pour les esprits ardents qui n’aimaient
pas la France et qui détestaient le cardinal. Isabelle ne refusa point
à la reine poursuivie l’hospitalité qu’elle réclamait; elle songea même
tout de suite que Richelieu avait la main longue, qu’Avesnes était
une place mal gardée et qu’il fallait mettre en sûreté la fugitive. Elle
envoya à Marie de Médicis François de Moncade, marquis d’Aytona,
qui était à Bruxelles le représentant diplomatique de Philippe IY et
qui est connu aussi bien par ses exploits que par le portrait équestre
de Van Dyck. Moncade, à ce moment du moins, savait très mal le
français. On eut alors la pensée de lui donner pour compagnon
un homme sûr, familier avec le dictionnaire et qui ne fût pas d’ail-
leurs désagréable à Marie de Médicis. Rubens partit pour Avesnes
oû il rejoignit Moncade. Les deux envoyés d’Isabelle firent aisément
comprendre à la reine mère, déjà convaincue, qu’il était prudent de