LE GRAND SAINT MICHEL DE RAPHAËL
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Vêtu d’une tunique courte et d’une armure d’or L qui dégagent le
cou et découvrent complètement les bras et les jambes 2, il tient de
ses deux mains la lance dont il va frapper l’ennemi du genre humain.
Une longue écharpe bleue, dont les plis harmonieux flottent au gré
des vents, ajoute à l’élégance aérienne de cette noble figure. La tête,
coiffée de cheveux blonds qui s’agitent comme des flammes, rayonne
d’une éternelle jeunesse. Aucun effort n’en contracte les traits; sa
sérénité est immuable. Le geste est plein d’aisance et d’une souve-
raine grandeur. Le héros céleste est dans toute l’ardeur du com-
bat, ou plutôt dans tout l’éclat de la victoire, et cependant rien ne
vient troubler le calme de ses formes. Sa force est irrésistible; on le
voit, sans que la moindre contraction musculaire soit nécessaire
pour la faire sentir. Les deux grandes ailes, dont l’une se dresse
verticalement au-dessus de la tête et dont l’autre s’étend presque
horizontalement au niveau de l’épaule gauche, mêlent l’éclat des
plus riches couleurs à l’apparition angélique. On dirait des pierres
précieuses jetées à profusion autour du divin chevalier... Quant au
démon, il est couché à terre, à plat ventre, se tordant et râlant dans
une rage impuissante. Sa tète haineuse et monstrueuse grince des
dents en se tournant vers l’archange, qu’il menace encore de ses
yeux flamboyants. Son corps robuste et difforme est nu; Raphaël,
à l’aide d’un raccourci savant, en a très habilement dissimulé l’hor-
reur. Ses épaules sont armées de grosses ailes massives et cornues,
faites pour le porter dans les sombres abîmes. Les doigts de ses
mains et de ses pieds sont armés de griffes. Une longue queue part
du bas de son dos et s’enroule entre ses jambes, qui battent doulou-
reusement le rocher gardien de l’enfer... Tout au fond et au delà
des nudités désolées de ce désert, la riante nature reprend ses droits.
La campagne, verdoyante et rafraîchie, confine à la mer sous un
horizon de ciel bleu... L’effet de cette peinture est saisissant. Le beau
et le laid, le bien et le mal, le vrai et le faux, se livrent un suprême
combat. Voilà l’idée exprimée par Raphaël avec une rare élo-
quence. Quel admirable contraste entre saint Michel et Satan! Quel
magnifique triomphe de l’ange de lumière sur l’ange des ténèbres 3 !
Parmi les peintures de Raphaël il en est peu qui aient subi d’aussi
t. Une cuirasse d’écailles d’or recouvre la poitrine. Une épée est suspendue au
ceinturon qui entoure la taille.
2. Les jambes nues sont chaussées de cothurnes de fantaisie qui laissent voir
l’extrémité des pieds.
3. Voici comment le Grand saint Michel est décrit dans l’Inventaire de Bailly
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Vêtu d’une tunique courte et d’une armure d’or L qui dégagent le
cou et découvrent complètement les bras et les jambes 2, il tient de
ses deux mains la lance dont il va frapper l’ennemi du genre humain.
Une longue écharpe bleue, dont les plis harmonieux flottent au gré
des vents, ajoute à l’élégance aérienne de cette noble figure. La tête,
coiffée de cheveux blonds qui s’agitent comme des flammes, rayonne
d’une éternelle jeunesse. Aucun effort n’en contracte les traits; sa
sérénité est immuable. Le geste est plein d’aisance et d’une souve-
raine grandeur. Le héros céleste est dans toute l’ardeur du com-
bat, ou plutôt dans tout l’éclat de la victoire, et cependant rien ne
vient troubler le calme de ses formes. Sa force est irrésistible; on le
voit, sans que la moindre contraction musculaire soit nécessaire
pour la faire sentir. Les deux grandes ailes, dont l’une se dresse
verticalement au-dessus de la tête et dont l’autre s’étend presque
horizontalement au niveau de l’épaule gauche, mêlent l’éclat des
plus riches couleurs à l’apparition angélique. On dirait des pierres
précieuses jetées à profusion autour du divin chevalier... Quant au
démon, il est couché à terre, à plat ventre, se tordant et râlant dans
une rage impuissante. Sa tète haineuse et monstrueuse grince des
dents en se tournant vers l’archange, qu’il menace encore de ses
yeux flamboyants. Son corps robuste et difforme est nu; Raphaël,
à l’aide d’un raccourci savant, en a très habilement dissimulé l’hor-
reur. Ses épaules sont armées de grosses ailes massives et cornues,
faites pour le porter dans les sombres abîmes. Les doigts de ses
mains et de ses pieds sont armés de griffes. Une longue queue part
du bas de son dos et s’enroule entre ses jambes, qui battent doulou-
reusement le rocher gardien de l’enfer... Tout au fond et au delà
des nudités désolées de ce désert, la riante nature reprend ses droits.
La campagne, verdoyante et rafraîchie, confine à la mer sous un
horizon de ciel bleu... L’effet de cette peinture est saisissant. Le beau
et le laid, le bien et le mal, le vrai et le faux, se livrent un suprême
combat. Voilà l’idée exprimée par Raphaël avec une rare élo-
quence. Quel admirable contraste entre saint Michel et Satan! Quel
magnifique triomphe de l’ange de lumière sur l’ange des ténèbres 3 !
Parmi les peintures de Raphaël il en est peu qui aient subi d’aussi
t. Une cuirasse d’écailles d’or recouvre la poitrine. Une épée est suspendue au
ceinturon qui entoure la taille.
2. Les jambes nues sont chaussées de cothurnes de fantaisie qui laissent voir
l’extrémité des pieds.
3. Voici comment le Grand saint Michel est décrit dans l’Inventaire de Bailly