LA CÉRAMIQUE.
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copier ou à imiter ses produits les plus ordinaires et les plus simples
sans chercher à aller au delà et sans rien tenter en dehors.
Il est donc bien certain que la suppression de la Manufacture de
Sèvres, à cette époque, aurait eu pour conséquence d’empêcher ou
tout au moins de retarder ce grand mouvement de progrès qui se pro-
duisit dans les premières années du siècle sous l’impulsion énergique
et savante de Brongniart et dont l’industrie française devait si large-
ment profiter.
On peut apprécier de diverses manières la direction de Bron-
gniart sous le rapport exclusivement artistique, mais ce qu’il est
impossible de nier, ce sont les immenses progrès qu’il a fait faire à
l’industrie de la porcelaine.
Le but que l’on s’était proposé en fondant la Manufacture royale
n’avait été atteint qu’à moitié. Certes Vincennes, d’abord, et Sèvres,
ensuite, avaient produit des œuvres merveilleuses et qui laissaient
bien loin derrière elles tout ce qui avait été fabriqué à l’étranger;
mais par sa nature même, notre porcelaine, si admirable qu’elle fût,
restait encore, au point de vue de l’usage, bien inférieure aux
porcelaines allemandes1.
En outre, le peu de plasticité de sa pâte, non seulement augmen-
tait la difficulté du travail et multipliait les chances d’accidents à la
cuisson, mais encore empêchait l’exécution de grandes pièces
décoratives semblables à celles que l’on avait fabriquées autrefois en
faïence et que l’on fabriquait parfois encore, en porcelaine, dans les
manufactures de Meissen ou de Berlin.
Appelé à la direction de la Manufacture, Brongniart qui était,
avant tout, un savant, voulut donc établir scientifiquement et sans
se préoccuper de la question d’art, — qui, pour lui, semble n’ètre
jamais venue qu’en seconde ligne, — la fabrication de la porcelaine
de façon à rendre la matière tellement docile qu’elle pût se prêter
f. Cette infériorité relative était tellement constatée que bien des années même
après la cessation complète de la fabrication de la porcelaine tendre, Daru écrivait
à Brongniart, en lui envoyant des porcelaines de la manufacture de Vienne :
« ... On dit qu’elle fait une pâte très solide, et on est dans l'opinion que la vôtre ne
l’est pas aidant. Comme il ne s’agit pas ici de cacher ses torts mais de s’en corriger,
c’est un fait que je vous prie d’examiner avec impartialité, afin de voir si l’avantage
de la Manufacture de Vienne (supposé qu’il existe) tient à la nature des terres
qu’elle emploie et s’il ne serait pas possible de perfectionner celle que nous em-
ployons... La Manufacture que vous dirigez avec tant d’habileté ne doit avoir qu’un
objet, celui d’être constamment la première de l’Europe sous tous les rapports... »
— (3 décembre 1805.)
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copier ou à imiter ses produits les plus ordinaires et les plus simples
sans chercher à aller au delà et sans rien tenter en dehors.
Il est donc bien certain que la suppression de la Manufacture de
Sèvres, à cette époque, aurait eu pour conséquence d’empêcher ou
tout au moins de retarder ce grand mouvement de progrès qui se pro-
duisit dans les premières années du siècle sous l’impulsion énergique
et savante de Brongniart et dont l’industrie française devait si large-
ment profiter.
On peut apprécier de diverses manières la direction de Bron-
gniart sous le rapport exclusivement artistique, mais ce qu’il est
impossible de nier, ce sont les immenses progrès qu’il a fait faire à
l’industrie de la porcelaine.
Le but que l’on s’était proposé en fondant la Manufacture royale
n’avait été atteint qu’à moitié. Certes Vincennes, d’abord, et Sèvres,
ensuite, avaient produit des œuvres merveilleuses et qui laissaient
bien loin derrière elles tout ce qui avait été fabriqué à l’étranger;
mais par sa nature même, notre porcelaine, si admirable qu’elle fût,
restait encore, au point de vue de l’usage, bien inférieure aux
porcelaines allemandes1.
En outre, le peu de plasticité de sa pâte, non seulement augmen-
tait la difficulté du travail et multipliait les chances d’accidents à la
cuisson, mais encore empêchait l’exécution de grandes pièces
décoratives semblables à celles que l’on avait fabriquées autrefois en
faïence et que l’on fabriquait parfois encore, en porcelaine, dans les
manufactures de Meissen ou de Berlin.
Appelé à la direction de la Manufacture, Brongniart qui était,
avant tout, un savant, voulut donc établir scientifiquement et sans
se préoccuper de la question d’art, — qui, pour lui, semble n’ètre
jamais venue qu’en seconde ligne, — la fabrication de la porcelaine
de façon à rendre la matière tellement docile qu’elle pût se prêter
f. Cette infériorité relative était tellement constatée que bien des années même
après la cessation complète de la fabrication de la porcelaine tendre, Daru écrivait
à Brongniart, en lui envoyant des porcelaines de la manufacture de Vienne :
« ... On dit qu’elle fait une pâte très solide, et on est dans l'opinion que la vôtre ne
l’est pas aidant. Comme il ne s’agit pas ici de cacher ses torts mais de s’en corriger,
c’est un fait que je vous prie d’examiner avec impartialité, afin de voir si l’avantage
de la Manufacture de Vienne (supposé qu’il existe) tient à la nature des terres
qu’elle emploie et s’il ne serait pas possible de perfectionner celle que nous em-
ployons... La Manufacture que vous dirigez avec tant d’habileté ne doit avoir qu’un
objet, celui d’être constamment la première de l’Europe sous tous les rapports... »
— (3 décembre 1805.)