GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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des teintes, des couleurs qu’on n’avait jamais vues auparavant ». Ce renseignement,
quoique précieux, était un peu trop général à mon gré Ne pouvant en ce moment
même partir pour Amsterdam, j’ai prié quelqu’un de noter sur place, avec autant
de précision que possible, la couleur de certains objets qui sont comme des points
de repère dans le tableau; et la personne à qui j’ai demandé ces renseignements
est précisément M. Meyer, que je savais être sinon un adversaire, du moins un ami
très froid des idées exprimées dans la Gazette sur la véritable couleur du tableau
caché sous le vernis.
Des renseignements de M. Meyer il résulte que sur certains points le vernis a
été trop peu aminci pour que la couleur des objets ait fortement varié; la robe
jaune clair de la petite fille semble avoir été absolument respectée; dans le costume
du lieutenant (que la copie de Londres et l’aquarelle de M. de Graeff van Polsbroçk
reproduisent blanc et jaune), il semble que le jaune citron antérieur au nettoyage
se soit divisé, sur les diverses parties du costume, en jaune clair, jaune vif, jaune
foncé. En d’autres points du tableau, peut-être les moins empâtés, le « frottement
du bout du doigt » dont parle M. Hopmann a diminué d’une façon suffisante l’épais-
seur du vernis : la collerette du sergent noir qui étend le bras horizontalement,
près du tambour, était d’un gris jaunâtre clair, elle est aujourd’hui « d’un blanc
de neige », nous écrit M. Meyer; la plume du chapeau de l’homme rouge du pre-
mier plan était d’un ton hrique sale, d’où le rose avait presque absolument disparu,
elle est aujourd’hui « rose, tirant un peu sur l’orange »; les bandes foncées du
drapeau étaient d’un brun verdâtre ou d’un vert brunâtre qui se perdait tellement
dans le fond du tableau, que presque tous les graveurs avaient ignoré l’existence
de la bande de gauche, celle qui est coupée par le cadre; eh bien! aujourd’hui elles
sont « vert-bleu ou bleu-vert, comme on veut, ou selon que la lumière tombe ».
Enfin, derrière la fillette à la robe jaune clair, la seconde fillette avait autrefois
une robe vert jaune et, par endroits, vert brun clair; et une collerette d'un gris
jaunâtre sale; aujourd’hui elle a une robe bleu ciel et une collerette blanche ».
En résumé, de l’aveu même de M. Hopmann, la quantité de vernis enlevée par
le frottement du doigt a été très faible, et pourtant cela a été suffisant pour
faire reparaître une partie des couleurs dont l’existence sous le vernis avait été
prédite depuis plusieurs années par la Gazette des Beaux-Arts. Serait-il vraiment
très audacieux de penser que, si on avait poussé le dévernissage un peu plus loin,
le tableau d’Amsterdam se serait encore un peu plus rapproché de la copie de
Londres et de ce qu’il était en sortant de l’atelier de Rembrandt?
La transformation subie par le tableau peut donc se traduire en quelques mots.
Il y a six semaines, la Ronde de nuit était un effet de soleil clair, caché sous une vitre
brune, épaisse et très sale; elle est aujourd’hui un effet de soleil clair, caché sous
une vitre moins brune, moins épaisse et parfaitement transparente; et je suis sùr
de traduire la pensée de la Gazette en ajoutant que M. Obreen, directeur du Musée, et
M. Hopmann méritent, pour cette transformation effectuée, les remerciements du
monde artistique.
E. DURAND-GRÉVILLE.
Le Rédacteur en chef, gérant : LOUIS GONSU.
sc EAUX.
I M P. CHAR AIR E ET FILS
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des teintes, des couleurs qu’on n’avait jamais vues auparavant ». Ce renseignement,
quoique précieux, était un peu trop général à mon gré Ne pouvant en ce moment
même partir pour Amsterdam, j’ai prié quelqu’un de noter sur place, avec autant
de précision que possible, la couleur de certains objets qui sont comme des points
de repère dans le tableau; et la personne à qui j’ai demandé ces renseignements
est précisément M. Meyer, que je savais être sinon un adversaire, du moins un ami
très froid des idées exprimées dans la Gazette sur la véritable couleur du tableau
caché sous le vernis.
Des renseignements de M. Meyer il résulte que sur certains points le vernis a
été trop peu aminci pour que la couleur des objets ait fortement varié; la robe
jaune clair de la petite fille semble avoir été absolument respectée; dans le costume
du lieutenant (que la copie de Londres et l’aquarelle de M. de Graeff van Polsbroçk
reproduisent blanc et jaune), il semble que le jaune citron antérieur au nettoyage
se soit divisé, sur les diverses parties du costume, en jaune clair, jaune vif, jaune
foncé. En d’autres points du tableau, peut-être les moins empâtés, le « frottement
du bout du doigt » dont parle M. Hopmann a diminué d’une façon suffisante l’épais-
seur du vernis : la collerette du sergent noir qui étend le bras horizontalement,
près du tambour, était d’un gris jaunâtre clair, elle est aujourd’hui « d’un blanc
de neige », nous écrit M. Meyer; la plume du chapeau de l’homme rouge du pre-
mier plan était d’un ton hrique sale, d’où le rose avait presque absolument disparu,
elle est aujourd’hui « rose, tirant un peu sur l’orange »; les bandes foncées du
drapeau étaient d’un brun verdâtre ou d’un vert brunâtre qui se perdait tellement
dans le fond du tableau, que presque tous les graveurs avaient ignoré l’existence
de la bande de gauche, celle qui est coupée par le cadre; eh bien! aujourd’hui elles
sont « vert-bleu ou bleu-vert, comme on veut, ou selon que la lumière tombe ».
Enfin, derrière la fillette à la robe jaune clair, la seconde fillette avait autrefois
une robe vert jaune et, par endroits, vert brun clair; et une collerette d'un gris
jaunâtre sale; aujourd’hui elle a une robe bleu ciel et une collerette blanche ».
En résumé, de l’aveu même de M. Hopmann, la quantité de vernis enlevée par
le frottement du doigt a été très faible, et pourtant cela a été suffisant pour
faire reparaître une partie des couleurs dont l’existence sous le vernis avait été
prédite depuis plusieurs années par la Gazette des Beaux-Arts. Serait-il vraiment
très audacieux de penser que, si on avait poussé le dévernissage un peu plus loin,
le tableau d’Amsterdam se serait encore un peu plus rapproché de la copie de
Londres et de ce qu’il était en sortant de l’atelier de Rembrandt?
La transformation subie par le tableau peut donc se traduire en quelques mots.
Il y a six semaines, la Ronde de nuit était un effet de soleil clair, caché sous une vitre
brune, épaisse et très sale; elle est aujourd’hui un effet de soleil clair, caché sous
une vitre moins brune, moins épaisse et parfaitement transparente; et je suis sùr
de traduire la pensée de la Gazette en ajoutant que M. Obreen, directeur du Musée, et
M. Hopmann méritent, pour cette transformation effectuée, les remerciements du
monde artistique.
E. DURAND-GRÉVILLE.
Le Rédacteur en chef, gérant : LOUIS GONSU.
sc EAUX.
I M P. CHAR AIR E ET FILS