Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:
Mantz, Paul: La peinture française, 2: Exposition Universelle [de 1889]
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0125

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
\ 12

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tions sont significatives sur ce point : le petit Waterloo de M. Auguste
Cain et Y Épisode de la retraite de Russie, du Musée de Lyon. Ce tableau,
le plus important et le plus sérieux qui soit sorti de la main de
Charlet, est celui du Salon de 1836. Alfred de Musset en a parlé avec
admiration : il y voit un « ouvrage de la plus haute portée »; ce
n’est pas un épisode, écrit-il, mais « tout un poème ». Et il explique
fort bien que Charlet, habile à résumer un funèbre spectacle, a voulu
exprimer la misère collective de l’armée traînant dans les plaines
neigeuses son infortune sans remède. Pour lui, l’artiste a peint « le
désespoir dans le désert ». Avec son ciel sinistre et son horizon
désolé, ce tableau donne en effet l’impresion d’une immense calamité,
et bien que l’action du temps en ait modifié l’aspect, on comprend
quelle émotion il a dû produire en 1836, au moment où Gros venait
de mourir, et où l’Ecole pouvait se croire condamnée aux frivoles
anecdotes d’Horace Vernet. Il devenait dès lors manifeste que Charlet
n’était pas seulement le dessinateur amusé des grognards et des
enfants de troupe; on comprit que, comme peintre, il avait la notion
des grandes scènes douloureuses; et, en effet, la Retraite de Russie est
une page tragique. Il était sorti de l’atelier de Gros un souffle géné-
reux dont l’influence paraissait devoir persister et grandir.

Au milieu de ces protestations réitérées contre les doctrines de
David, au moment où un rêve d’affranchissement agite tous les cœurs,
quel fut le rôle d’Ingres? Peut-être le moment n’est-il pas venu encore
d’aborder cette figure mystérieuse que quelques-uns de nos amis ont
divinisée et que, pour notre part, nous n’avons jamais bien comprise.
Au point de vue des réalités historiques, Ingres est un élève de
David; il entre chez lui en 1796 et il travaille avec d’autant plus
d’assiduité que les événements du monde extérieur n’ont aucune
prise sur son âme. Delécluze, qui l’a vu à l’atelier du maître, raconte
qu’une personnalité précoce se révélait chez le disciple, fort soumis
en apparence, mais secrètement troublé. Son prix de Rome, conservé
à l’Ecole des Beaux-Arts, et qu’il eût été curieux d’exposer, donne la
note de son talent en 1801, et les tableaux de sa jeunesse prouvent
bien que s’il avait comme David des préoccupations archaïques, Ingres
ne cherchait pas tout à fait ce que cherchait le prétendu réformateur
de l’Ecole. Quand il alla en Italie, il étudia des œuvres que son maître
faisait profession d’ignorer. Bien qu’on ait beaucoup écrit sur
Ingres, je ne vois pas que le mot définitif ait été dit sur les origines
de ce talent qui resta toujours singulier. Il y aurait là, pour un esprit
ingénieux et libre, le sujet d’une belle analyse. Quant à moi, je me
 
Annotationen