EXPOSITION RÉTROSPECTIVE DES DESSINS
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à un renard pris au piège, sépia très colorée et d’une solidité de
relief extraordinaire, comme aussi ce chercheur de truffes qui a si
grande tournure en conduisant son cochon ; — comme aussi, et surtout,
ce très important dessin, où il a représenté une bataille entre Romains
et Barbares. Vous ne trouverez nulle part une telle énergie dans le
mouvement des foules, une telle rage de combattants se ruant les uns
sur les autres, une si noble silhouette de chevaux à la Phidias, des
lignes plus majestueuses dans les horizons; c’est, je le répète, du
Salvator, mais passionné à la fois et classique, et d’une coloration si
chaude et d’une telle puissance de ton, que je ne nous connais pas, à
ces heures-là, un peintre de verve plus héroïque; et je comprends
qu’un pareil maître ait regretté toute sa vie de n’avoir point été chargé
de couvrir une muraille de ses compositions à grand caractère.
La période si nourrie, si ardente, si féconde, si passionnée des
hommes de 1825 à 1845, la vraie période des romantiques convaincus,
n’est point trop vide ici, et ses échantillons portent bien leur marque :
Louis Boulanger, — « mon peintre », disait Hugo, — avec son
portrait d’IIonoré de Balzac, offert à la ville de Tours parM. le baron
Larrey; sépia très vigoureuse, admirablement conservée; c’est
Balzac à 35 ans, dans toute la verve confiante et la force intérieure
de son génie, et la rondeur gauloise et comme parlante de son visage
rabelaisien. — Ce sont les deux Devéria, chacun avec un petit por-
trait de famille; ils ont tenu dans leur temps plus de place que cela.
— C’est le brave Célestin Nanteuil, l’enthousiaste hugolàtre, avec
son aquarelle archiromantique, prêtée par Mme Beraldi, la Fuite en
Égypte dans un paysage au soleil sanguinolent, encadré en un portail
de cathédrale, farci d’anges, de saints, de moines, tout ce qu’il y a de
plus affolé dans le truculent, de pluselfervescentdans la palette des RcR-
lades et des Orientales. — Tony Johannotavec quelques jolies vignettes.
— J. Gigoux avec son propre portrait modelé très curieusement par
pointillé de hachures à la plume. Il s’est cherché avec une grande
intensité de vue, et non sans complaisance. Et je louerai autant deux
portraits de jeunes femmes, pleins de charme et de douceur, de ce
faire estompé de ses meilleurs dessins où l’on croit voir ses figures
comme à travers je ne sais quel voile léger, ou dans l’ombre tamisée
d’une chambre éclairée par le reflet d’une lampe.
N’oublions jamais dans l’histoire denotre art français au xixesiècle,
cette singulière petite école de Metz, très vivante, très imaginative,
rappelant par ces qualités même et un certain don de poésie l’ancienne
école de Lorraine au xvne siècle, groupée cette fois autour de Maré-
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à un renard pris au piège, sépia très colorée et d’une solidité de
relief extraordinaire, comme aussi ce chercheur de truffes qui a si
grande tournure en conduisant son cochon ; — comme aussi, et surtout,
ce très important dessin, où il a représenté une bataille entre Romains
et Barbares. Vous ne trouverez nulle part une telle énergie dans le
mouvement des foules, une telle rage de combattants se ruant les uns
sur les autres, une si noble silhouette de chevaux à la Phidias, des
lignes plus majestueuses dans les horizons; c’est, je le répète, du
Salvator, mais passionné à la fois et classique, et d’une coloration si
chaude et d’une telle puissance de ton, que je ne nous connais pas, à
ces heures-là, un peintre de verve plus héroïque; et je comprends
qu’un pareil maître ait regretté toute sa vie de n’avoir point été chargé
de couvrir une muraille de ses compositions à grand caractère.
La période si nourrie, si ardente, si féconde, si passionnée des
hommes de 1825 à 1845, la vraie période des romantiques convaincus,
n’est point trop vide ici, et ses échantillons portent bien leur marque :
Louis Boulanger, — « mon peintre », disait Hugo, — avec son
portrait d’IIonoré de Balzac, offert à la ville de Tours parM. le baron
Larrey; sépia très vigoureuse, admirablement conservée; c’est
Balzac à 35 ans, dans toute la verve confiante et la force intérieure
de son génie, et la rondeur gauloise et comme parlante de son visage
rabelaisien. — Ce sont les deux Devéria, chacun avec un petit por-
trait de famille; ils ont tenu dans leur temps plus de place que cela.
— C’est le brave Célestin Nanteuil, l’enthousiaste hugolàtre, avec
son aquarelle archiromantique, prêtée par Mme Beraldi, la Fuite en
Égypte dans un paysage au soleil sanguinolent, encadré en un portail
de cathédrale, farci d’anges, de saints, de moines, tout ce qu’il y a de
plus affolé dans le truculent, de pluselfervescentdans la palette des RcR-
lades et des Orientales. — Tony Johannotavec quelques jolies vignettes.
— J. Gigoux avec son propre portrait modelé très curieusement par
pointillé de hachures à la plume. Il s’est cherché avec une grande
intensité de vue, et non sans complaisance. Et je louerai autant deux
portraits de jeunes femmes, pleins de charme et de douceur, de ce
faire estompé de ses meilleurs dessins où l’on croit voir ses figures
comme à travers je ne sais quel voile léger, ou dans l’ombre tamisée
d’une chambre éclairée par le reflet d’une lampe.
N’oublions jamais dans l’histoire denotre art français au xixesiècle,
cette singulière petite école de Metz, très vivante, très imaginative,
rappelant par ces qualités même et un certain don de poésie l’ancienne
école de Lorraine au xvne siècle, groupée cette fois autour de Maré-