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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
La série de notre orfèvrerie nationale, ou du moins de l’orfèvrerie
telle qu’on la trouve sur le sol de la France, l’orfèvrerie de l’époque
mérovingienne, dont le principal caractère est l'emploi des ver-
roteries cloisonnées a donné lieu à trop de travaux pour que je
m’appesantisse longtemps à discuter à son propos. Ces pièces
somptueuses, telles que celles qui furent retrouvées au xvne siècle
dans le tombeau de Childéric sont-elles toutes, sans distinction,
l’œuvre d’orfèvres barbares ou bien faut-il faire deux parts dans le
résultat de nos trouvailles; faut-il penser que les plus fines parmi ces
œuvres viennent d’Orient, que les plus grossières ont été fabriquées
à l’imitation des premières par des ouvriers germains ou gallo-
romains? C’est là une question longue et ardue à étudier, mais que
l’on ne peut s’empêcher de soulever en face du Trésor de Pouan,
exposé par le Musée de Troyes. On sait que ce trésor, qui consiste en
une épée et un coutelas à manche d’or, orné de verroteries rouges, en
boucles, en fibules également cloisonnées, accompagnées de colliers et
de bracelets et d’une bague en or, fut découvert en 1842, à Pouan,
entre Arcis-sur-Aube et Méry-sur-Seine. On a supposé que ces
bijoux avaient appartenu à Théodoric, roi des Wisigoths, tué en 451
en combattant contre Attila. Sans admettre absolument cette opinion
très hypothétique, on peut penser que ces monuments, sont à peu
près contemporains de ceux trouvés dans le tombeau de Childéric
(-f 481); et l’on ne peut s’empêcher de remarquer qu’au point de vue
technique ils présentent des différences très notables, bien que le
parti pris de décoration soit le même.
Cette existence de deux fabrications distinctes semble encore se
confirmer quand on examine les bijoux francs exposés par M. Frédéric
Moreau, ceux de M. Léman ou de la collection Victor Gav ou bien
encore les beaux griffons ornés de verroteries cloisonnés et de fili-
granes envoyés par le Musée d’Arras.
Si nous retrouvons l’art mérovingien en ce qu’il a déplus barbare
dans la châsse dite de Saint Mummole et dont la donatrice est bien
plutôt une femme nommée Mumma, ainsi que me le. fait remarquer
M. Darcel, dans la châsse de Saint-Bonnet-Avalouze et aussi dans
certaines parties des deux grands phylactères du Trésor de Conques,
en revanche l’exposition du Trocadéro nous offre des exemples très
beaux du travail des orfèvres sous les princes carolingiens, au ix° et
au xe siècle. Quelques bijoux de la collection Gay, deux plaques
ornées de ces serpents entrelacés que l’on retrouve si souvent dans
l’ornementation des manuscrits anglo-saxons et qui rappellent le style
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
La série de notre orfèvrerie nationale, ou du moins de l’orfèvrerie
telle qu’on la trouve sur le sol de la France, l’orfèvrerie de l’époque
mérovingienne, dont le principal caractère est l'emploi des ver-
roteries cloisonnées a donné lieu à trop de travaux pour que je
m’appesantisse longtemps à discuter à son propos. Ces pièces
somptueuses, telles que celles qui furent retrouvées au xvne siècle
dans le tombeau de Childéric sont-elles toutes, sans distinction,
l’œuvre d’orfèvres barbares ou bien faut-il faire deux parts dans le
résultat de nos trouvailles; faut-il penser que les plus fines parmi ces
œuvres viennent d’Orient, que les plus grossières ont été fabriquées
à l’imitation des premières par des ouvriers germains ou gallo-
romains? C’est là une question longue et ardue à étudier, mais que
l’on ne peut s’empêcher de soulever en face du Trésor de Pouan,
exposé par le Musée de Troyes. On sait que ce trésor, qui consiste en
une épée et un coutelas à manche d’or, orné de verroteries rouges, en
boucles, en fibules également cloisonnées, accompagnées de colliers et
de bracelets et d’une bague en or, fut découvert en 1842, à Pouan,
entre Arcis-sur-Aube et Méry-sur-Seine. On a supposé que ces
bijoux avaient appartenu à Théodoric, roi des Wisigoths, tué en 451
en combattant contre Attila. Sans admettre absolument cette opinion
très hypothétique, on peut penser que ces monuments, sont à peu
près contemporains de ceux trouvés dans le tombeau de Childéric
(-f 481); et l’on ne peut s’empêcher de remarquer qu’au point de vue
technique ils présentent des différences très notables, bien que le
parti pris de décoration soit le même.
Cette existence de deux fabrications distinctes semble encore se
confirmer quand on examine les bijoux francs exposés par M. Frédéric
Moreau, ceux de M. Léman ou de la collection Victor Gav ou bien
encore les beaux griffons ornés de verroteries cloisonnés et de fili-
granes envoyés par le Musée d’Arras.
Si nous retrouvons l’art mérovingien en ce qu’il a déplus barbare
dans la châsse dite de Saint Mummole et dont la donatrice est bien
plutôt une femme nommée Mumma, ainsi que me le. fait remarquer
M. Darcel, dans la châsse de Saint-Bonnet-Avalouze et aussi dans
certaines parties des deux grands phylactères du Trésor de Conques,
en revanche l’exposition du Trocadéro nous offre des exemples très
beaux du travail des orfèvres sous les princes carolingiens, au ix° et
au xe siècle. Quelques bijoux de la collection Gay, deux plaques
ornées de ces serpents entrelacés que l’on retrouve si souvent dans
l’ornementation des manuscrits anglo-saxons et qui rappellent le style