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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
son travail, le second le soigne en bijoutier, amoureux du détail; l’un
cherche l’effet, l’autre le joli, en sorte qu’entre ces deux hommes
également habiles, les préférences se partagent... Si l’orfèvrerie de
Poussielgue est décorative, celle d’Armand Calliat est attachante :
Tune meuble l’église, et, dans de vastes nefs, elle garde toute sa
valeur aux yeux des fidèles éloignés de l’autel; l’autre s’accommode
des petites chapelles, des oratoires, des vitrines de la sacristie. Il y
a dans la première un parfum de l’Eglise gallicane, un reflet de nos
vieilles et inaltérables croyances, elle tient à nos édifices romans et
gothiques; la seconde est d’un piétisme plus raffiné, d’une foi plus
moderne, d’une religiosité plus mondaine et plus féminine. »
Ce que je disais, comment ne pas le répéter mot à mot quand je
vois le grand et bel autel que Poussielgue construit pour l’église
Saint-Ouen de Rouen et qu’il a dressé, presque achevé, dans la grande
nef du Palais. Les dimensions sont telles que l’immensité du vaisseau
ne les diminue pas ; l’autel de bronze doré apparaît dans le cadre
éclatant de l’Exposition, superbe et grandiose, et la foule le regarde
avec une admiration pieuse, surprise et troublée de voir dans ce
pêle-mêle de statues, d’étoffes et de machines, cette chose sainte, cet
autel promis à Dieu. — L’orgue qui plus loin mugit sous la voûte,
complète cette évocation de l’idée chrétienne, et je ne serais pas surpris
de voir, un jour, quelque bonne femme fléchir le genou et prier sur les
marches.
C’est sur les dessins de M. Sauvageot que vient d’être exécuté le
maitre-autel de Saint-Ouen ; il est composé dans le caractère du
xive siècle, qui est l’époque d’achèvement de l’église. Tout en bronze
doré, cet édifice mesure 11 mètres de haut et 5m,50 de large.
L’architecture en est simple; le double retable qui s’appuie sur la
table de l’autel porte seul des bas-reliefs dont les figures ont été
modelées par M. Ch. Gauthier et qui représentent le sacre de saint
Ouen et de saint Eloy et la translation des reliques de Saint-Ouen, de
Darnetal à Rouen.
Les parements de l’autel, la corniche de la table, le tabernacle,
les quatre grands édicules qui sont reliés par de larges arcatures
ogivales, et la grande niche centrale qui supporte la châsse et au-
dessus de laquelle s’élance la flèche, tout est de cuivre doré, sobre
dans sa richesse, point chargé d’ornements inutiles, gracieux, fort,
imposant, comme il convient à l’admirable église de Rouen. C’est en
place, isolée dans son cadre de pierre, sous la lumière tombant des
verrières, qu’il faudra juger cette œuvre de maître. La couleur n’en
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
son travail, le second le soigne en bijoutier, amoureux du détail; l’un
cherche l’effet, l’autre le joli, en sorte qu’entre ces deux hommes
également habiles, les préférences se partagent... Si l’orfèvrerie de
Poussielgue est décorative, celle d’Armand Calliat est attachante :
Tune meuble l’église, et, dans de vastes nefs, elle garde toute sa
valeur aux yeux des fidèles éloignés de l’autel; l’autre s’accommode
des petites chapelles, des oratoires, des vitrines de la sacristie. Il y
a dans la première un parfum de l’Eglise gallicane, un reflet de nos
vieilles et inaltérables croyances, elle tient à nos édifices romans et
gothiques; la seconde est d’un piétisme plus raffiné, d’une foi plus
moderne, d’une religiosité plus mondaine et plus féminine. »
Ce que je disais, comment ne pas le répéter mot à mot quand je
vois le grand et bel autel que Poussielgue construit pour l’église
Saint-Ouen de Rouen et qu’il a dressé, presque achevé, dans la grande
nef du Palais. Les dimensions sont telles que l’immensité du vaisseau
ne les diminue pas ; l’autel de bronze doré apparaît dans le cadre
éclatant de l’Exposition, superbe et grandiose, et la foule le regarde
avec une admiration pieuse, surprise et troublée de voir dans ce
pêle-mêle de statues, d’étoffes et de machines, cette chose sainte, cet
autel promis à Dieu. — L’orgue qui plus loin mugit sous la voûte,
complète cette évocation de l’idée chrétienne, et je ne serais pas surpris
de voir, un jour, quelque bonne femme fléchir le genou et prier sur les
marches.
C’est sur les dessins de M. Sauvageot que vient d’être exécuté le
maitre-autel de Saint-Ouen ; il est composé dans le caractère du
xive siècle, qui est l’époque d’achèvement de l’église. Tout en bronze
doré, cet édifice mesure 11 mètres de haut et 5m,50 de large.
L’architecture en est simple; le double retable qui s’appuie sur la
table de l’autel porte seul des bas-reliefs dont les figures ont été
modelées par M. Ch. Gauthier et qui représentent le sacre de saint
Ouen et de saint Eloy et la translation des reliques de Saint-Ouen, de
Darnetal à Rouen.
Les parements de l’autel, la corniche de la table, le tabernacle,
les quatre grands édicules qui sont reliés par de larges arcatures
ogivales, et la grande niche centrale qui supporte la châsse et au-
dessus de laquelle s’élance la flèche, tout est de cuivre doré, sobre
dans sa richesse, point chargé d’ornements inutiles, gracieux, fort,
imposant, comme il convient à l’admirable église de Rouen. C’est en
place, isolée dans son cadre de pierre, sous la lumière tombant des
verrières, qu’il faudra juger cette œuvre de maître. La couleur n’en