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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
aimable qui va mieux à nos mœurs et à notre esprit que les imita-
tions grecques et romaines. M. Boin-Taburet a, dans une donnée
voisine, un surtout très pittoresque dont le centre est formé par
un pot-pourri en vieux Saxe et dont les extrémités, en argent
fondu et ciselé, présentent des singeries inspirées des peintures de
Rambouillet.
C’est peut-être M. Boin-Taburet qui a, plus qu’aucun autre orfèvre,
contribué à ce retour au Louis XY. Ce n’est pas une accusation que
je formule, au contraire, je constate qu’avec un goût très personnel
et un tact réel, il a compris, deviné, senti ce que voulait sa clientèle :
il s’est liâté de lui offrir ce qu’elle allait lui demander. Et, comme
il dessine fort bien lui-même, qu’il sait commander et faire tra-
vailler, il s’est bâté de meubler son joli magasin de la rue Pasquier
de corbeilles, de théières, de flambeaux, de toilettes dont les formes
et les ornements alternaient du Louis XIY à la Régence, du
Louis XY au Louis XYI, — tantôt copiant, tantôt inventant, ache-
tant des pièces anciennes, rassemblant de vieux dessins, de vieilles
gravures, reprenant aux faïences et aux porcelaines tout ce que la
céramique a emprunté à l’orfèvrerie, M. Boin a certainement fait un
travail considérable et je sais de lui des pièces qu’auraient signées
avec orgueil des orfèvres du siècle dernier. N’est-ce pas lui qui, pour
compléter l’illusion, vient de reconstituer, à l’Exposition de l’histoire
du Travail, l’atelier d’un orfèvre parisien. Je voudrais l’y voir en
costume, avec lapoudre et l’habit, et le persuader de ne lespas quitter.
Il est tout à fait l’élève de Meissonnier. N’a-t-il pas fait le très beau
surtout qui constitue la maîtresse pièce de son exposition ? Si la Gazette
ne donne que le dessin du seau à champagne, c’est que la place
nous est comptée et qu’il est facile d’aller voir l’original.
Notre droit étant de critiquer, nous dirons que le tort de l’or-
fèvre est d’insister un peu trop sur les détails de la ciselure, de trop
vouloir faire de la sculpture et de rendre pointues, sèches et angu-
leuses des parties d’ornements qui devraient être rondes, claires et
douces. Il suffit d’user, me dira-t-on, et le temps fera son œuvre, les
domestiques y aideront en récurant, et rien 11e prouve que les ciselures
d’autrefois 11’aient pas été faites d’un outil aussi sec. Cent ans ont
corrigé l’argent comme ils ont corrigé tant de choses. J’admets cela
et je me déclare satisfait par M. Boin.
Je suis plus inquiet en ce qui touche M. Boucheron. Lui aussi
veut être orfèvre et sa hardiesse dépasse celle de ses confrères.
Il a pris comme eux l'habit Louis XY, mais il l’a agrémenté
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
aimable qui va mieux à nos mœurs et à notre esprit que les imita-
tions grecques et romaines. M. Boin-Taburet a, dans une donnée
voisine, un surtout très pittoresque dont le centre est formé par
un pot-pourri en vieux Saxe et dont les extrémités, en argent
fondu et ciselé, présentent des singeries inspirées des peintures de
Rambouillet.
C’est peut-être M. Boin-Taburet qui a, plus qu’aucun autre orfèvre,
contribué à ce retour au Louis XY. Ce n’est pas une accusation que
je formule, au contraire, je constate qu’avec un goût très personnel
et un tact réel, il a compris, deviné, senti ce que voulait sa clientèle :
il s’est liâté de lui offrir ce qu’elle allait lui demander. Et, comme
il dessine fort bien lui-même, qu’il sait commander et faire tra-
vailler, il s’est bâté de meubler son joli magasin de la rue Pasquier
de corbeilles, de théières, de flambeaux, de toilettes dont les formes
et les ornements alternaient du Louis XIY à la Régence, du
Louis XY au Louis XYI, — tantôt copiant, tantôt inventant, ache-
tant des pièces anciennes, rassemblant de vieux dessins, de vieilles
gravures, reprenant aux faïences et aux porcelaines tout ce que la
céramique a emprunté à l’orfèvrerie, M. Boin a certainement fait un
travail considérable et je sais de lui des pièces qu’auraient signées
avec orgueil des orfèvres du siècle dernier. N’est-ce pas lui qui, pour
compléter l’illusion, vient de reconstituer, à l’Exposition de l’histoire
du Travail, l’atelier d’un orfèvre parisien. Je voudrais l’y voir en
costume, avec lapoudre et l’habit, et le persuader de ne lespas quitter.
Il est tout à fait l’élève de Meissonnier. N’a-t-il pas fait le très beau
surtout qui constitue la maîtresse pièce de son exposition ? Si la Gazette
ne donne que le dessin du seau à champagne, c’est que la place
nous est comptée et qu’il est facile d’aller voir l’original.
Notre droit étant de critiquer, nous dirons que le tort de l’or-
fèvre est d’insister un peu trop sur les détails de la ciselure, de trop
vouloir faire de la sculpture et de rendre pointues, sèches et angu-
leuses des parties d’ornements qui devraient être rondes, claires et
douces. Il suffit d’user, me dira-t-on, et le temps fera son œuvre, les
domestiques y aideront en récurant, et rien 11e prouve que les ciselures
d’autrefois 11’aient pas été faites d’un outil aussi sec. Cent ans ont
corrigé l’argent comme ils ont corrigé tant de choses. J’admets cela
et je me déclare satisfait par M. Boin.
Je suis plus inquiet en ce qui touche M. Boucheron. Lui aussi
veut être orfèvre et sa hardiesse dépasse celle de ses confrères.
Il a pris comme eux l'habit Louis XY, mais il l’a agrémenté