EXPOSITION RETROSPECTIVE DES DESSINS.
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petit portrait de Jui-même à 19 ans, où déjà nous le voyons, avec un
visage encore maigre et allongé, ce que nous l’aimerons plus tard,
doux, ferme, attirant, tranquille et droit; et sa tète de Gambetta sur
le lit de mort, datée de Ville-d’Avray, 1er janvier 1883. — Quant à
notre'cher Baudry, il n’est guère représenté là selon sa vraie valeur
de peintre des grâces séduisantes de la femme moderne, entées sur
les formes les plus élégantes de la Renaissance. N’aurait-on pu
trouver mieux, comme mesure de cet être supérieur, que l’étude de
sa figure d’Hippocrène pour la voussure du Parnasse de l’Opéra? Où
était donc l’ensemble de ses cartons pour cet Opéra? Il ne me suffit
pas de deux crayonnages juchés hors de vue. Je dois donc me con-
tenter de la jolie étude d’enfant nu vu de dos pour la Glorification de la
loi et de l’attrayant croquis de femme pour l’une des grâces du Par-
nasse. — L’autre homme de l’Opéra, Carpeaux, nous refait passer
sous les yeux son groupe d’Ugolin par un vigoureux dessin de plume
florentine; — un autre encore, G. Boulanger, se rappelle là par deux
jolies études de femmes; — moins heureux, Gust. Doré par une tête
de Christ assez niaisement fantastique un Christ bellâtre couronné
d’épines et insulté par ses bourreaux. — On a exposé ici une série
de cadres d’un autre dessinateur d’illustrations, mon pauvre vieil
ami Hédouin, moins imaginatif que Doré, mais plus scrupuleux et
de meilleure tenue en ses inventions. Il avait acquis à fond, pour les
avoir pratiquées dans ses illustrations de romans du siècle dernier,
la libre et expressive tournure et la galante humeur habituelles aux
vrais vignettistes, aux Gravelot, aux Eisen et aux Moreau ; sa
conscience, par crainte d’erreur, lui faisait dessiner en grand
chacune des figures de ses fines petites scènes, comme d’ailleurs
avait fait Boucher pour son Molière ; et le Molière d’Hédouin sera,
pour notre siècle, ce que celui de Boucher avait été pour le sien,
c’est-à-dire la traduction et le commentaire que chacune des géné-
rations françaises se doit à elle-même des œuvres du plus national
des génies de notre patrie.
Dans les premiers jours de 1870, au retour d’Egypte, et surtout
de 71 à 74, j’ai fréquenté familièrement Fromentin, et je dois dire
que je n’avais jamais aperçu dans son atelier un dessin de lui, pas
l’ombre d’un croquis. J’en étais à croire que ses délicieuses petites
figures naissaient sans notes aucunes au bout de son pinceau. Vous
pensez combien je fus étonné de voir, lors de son exposition posthume
et de sa vente, la prodigieuse quantité de dessins et d’études exquises,
toutes portant la marque de la finesse d’observation et de distinction
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petit portrait de Jui-même à 19 ans, où déjà nous le voyons, avec un
visage encore maigre et allongé, ce que nous l’aimerons plus tard,
doux, ferme, attirant, tranquille et droit; et sa tète de Gambetta sur
le lit de mort, datée de Ville-d’Avray, 1er janvier 1883. — Quant à
notre'cher Baudry, il n’est guère représenté là selon sa vraie valeur
de peintre des grâces séduisantes de la femme moderne, entées sur
les formes les plus élégantes de la Renaissance. N’aurait-on pu
trouver mieux, comme mesure de cet être supérieur, que l’étude de
sa figure d’Hippocrène pour la voussure du Parnasse de l’Opéra? Où
était donc l’ensemble de ses cartons pour cet Opéra? Il ne me suffit
pas de deux crayonnages juchés hors de vue. Je dois donc me con-
tenter de la jolie étude d’enfant nu vu de dos pour la Glorification de la
loi et de l’attrayant croquis de femme pour l’une des grâces du Par-
nasse. — L’autre homme de l’Opéra, Carpeaux, nous refait passer
sous les yeux son groupe d’Ugolin par un vigoureux dessin de plume
florentine; — un autre encore, G. Boulanger, se rappelle là par deux
jolies études de femmes; — moins heureux, Gust. Doré par une tête
de Christ assez niaisement fantastique un Christ bellâtre couronné
d’épines et insulté par ses bourreaux. — On a exposé ici une série
de cadres d’un autre dessinateur d’illustrations, mon pauvre vieil
ami Hédouin, moins imaginatif que Doré, mais plus scrupuleux et
de meilleure tenue en ses inventions. Il avait acquis à fond, pour les
avoir pratiquées dans ses illustrations de romans du siècle dernier,
la libre et expressive tournure et la galante humeur habituelles aux
vrais vignettistes, aux Gravelot, aux Eisen et aux Moreau ; sa
conscience, par crainte d’erreur, lui faisait dessiner en grand
chacune des figures de ses fines petites scènes, comme d’ailleurs
avait fait Boucher pour son Molière ; et le Molière d’Hédouin sera,
pour notre siècle, ce que celui de Boucher avait été pour le sien,
c’est-à-dire la traduction et le commentaire que chacune des géné-
rations françaises se doit à elle-même des œuvres du plus national
des génies de notre patrie.
Dans les premiers jours de 1870, au retour d’Egypte, et surtout
de 71 à 74, j’ai fréquenté familièrement Fromentin, et je dois dire
que je n’avais jamais aperçu dans son atelier un dessin de lui, pas
l’ombre d’un croquis. J’en étais à croire que ses délicieuses petites
figures naissaient sans notes aucunes au bout de son pinceau. Vous
pensez combien je fus étonné de voir, lors de son exposition posthume
et de sa vente, la prodigieuse quantité de dessins et d’études exquises,
toutes portant la marque de la finesse d’observation et de distinction