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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

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Nr. 3
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Chennevières-Pointel, Charles Philippe de: Exposition rétrospective des dessins 1789 - 1889, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0300

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EXPOSITION RÉTROSPECTIVE DES DESSINS.

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M. Ant. Proust a prêté un portrait du « philosophe » Trapadoux,
par Courbet, crayon noir et fusain, d'un modelé vigoureux. La tête,
à la fois gouailleuse et macabre, sent bien son bohème de 1847,
banteur de brasseries, et rappelle l’autre croquis qu’en a crayonné
Monselet en sa Lorgnette littéraire : « Marc Trapadoux. Son Histoire de
Saint-Jean de Dieu a eu plusieurs éditions. Etrange garçon, gigantes-
que, crépu ; il a traversé la bohème des peintres et des littérateurs
du café Momus, où on l’avait surnommé le Géant vert. Il était très
méfiant et lorsqu’on lui demandait : comment vous portez-vous? il
répondait en vous regardant de travers : cela dépend. On ne le ren-
contre plus aujourd’hui qu’aux enterrements célèbres. » — Autre
Courbet : deux têtes de demoiselles des bords de la Seine endormies,
d’une pâte vraiment chaude et palpitante, mais sentant la grosse
chair de fille. —M. Proust a prêté de même une aquarelle de Manet,
la répétition de l’un de ses premiers tableaux et qui lui fit honneur :
l’Espagnol assis jouant de la guitare. La pointure de Manet avait alors
une qualité charmante, la fraîcheur de ton, qu’elle a un peu perdue
depuis lors, et devant laquelle le sévère jury du temps salua, sans
trop de grimace, un neveu bien venu de Goya. Le neveu toute-
fois n’avait pas l’esprit de son oncle. Courbet et lui étaient deux
vrais peintres, chacun avec son don particulier; leurs procédés ont
servi grandement à une certaine évolution de l’école ; mais hélas !
leurs œuvres ont quelque peu vieilli faute d’une certaine éducation
première ; en art, l’audace, même la tranquille foi juvénile, ne pare
pas à tout. Il y avait pourtant quelque chose en ce Manet : voyez ses
deux têtes hachées à tort et à travers de coups de pastel, traduisant
avec un aplomb vraiment curieux, si libre et si juste, ces deux mines
glabres et décolorées et qui font du plus jeune des personnages une
sorte d’Hamlet bourgeois plein de lymphe à la fois et d’une étrange
réalité. — Dans les influences qui avaient, l’une après l’autre, agi
sur l’École française, le tour de l’Espagne était venu : Velasquez
avait pris Manet et Carolus Duran ; Ribera s’était emparé de Ribot,
et sa forte palette, modelant si énergiquement la chair humaine, a
séduit bien des vrais peintres. Les deux morceaux que je vois ici
ne rappellent cependant, ni l’un ni l’autre, son modèle l’Espagnolet :
le portrait de lui-même coiffé de son béret, et regardant de côté avec
son pince-nez, que Ribot a offert à M. Hustin, est une étude fort lumi-
neuse, qui ferait plutôt souvenir du Vénitien Piazzetta. Les trois
têtes d’enfants, prêtées par M. J. Dolent, chairs blanches se détachant
sur noir, cherchent de préférence le caractère d’un groupe de Vêlas-
 
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