LA SCULPTURE.
287
quait, unissant en tout, comme les vieux maîtres dont l’aristocratie
académique devait de plus en plus réduire le nombre au plus grand
dommage de l’art vivant, une connaissance pratique, une science
technique complète de tout ce qui concernait son état1.
Ij Apollon, conçu dans les mêmes donnés que la Diane porte sur le
socle cette inscription : « Houdon. F. 1790, pour Girardot de Marigny,
négociant à Paris. » C’est chez ce même Girardot de Marigny qu’en
1783 la Diane avait été exposée, rue Vivienne. L’œuvre est égale-
ment charmante, avec peut-être un souvenir plus direct de l’antique.
— On a vu avec quel respect Houdon en parlait et l’on est étonné que
les néo-classiques de la Restauration ne lui en aient pas tenu plus de
compte. Quatremère de Quincy, qui lui rend d’ailleurs pleine justice,
et qui, — en marquant bien entendu l’inégalité des talents, -- compare
son influence à celle de Vien, ajoute : « Sans doute le style antique
ne se montrait pas chez lui dans son imposante sévérité; il savait
bien pourtant ce qu’il y faut admirer, mais il savait aussi qu’en
s’attachant à le reproduire avec trop de fidélité, il aurait été, à cette
époque de corruption, frappé de ridicule par la plupart des artistes
et par leurs admirateurs qui affichaient le plus profond dédain pour
les chefs-d’œuvre de l’antiquité. » Cette explication pourrait être
contestée!... Il serait plus juste de dire que cette « époque de corrup-
tion » fut un des beaux moments de la sculpture française; — qu’elle
eut alors, sans rien perdre de sa grâce native et de sa spontanéité,
plus de mesure et de tenue qu’à l’époque immédiatement antérieure
et autant de science qu’elle en posséda jamais. — L’heure allait
sonner, où sous prétexte d’antique, de style et de sublime, on allait
jeter sur ses épaules un manteau glacé, soumettre au régime d’une
orthopédie spéciale la verdissante fille, et la faire passer sous la
férule des sergents instructeurs du premier Empire et des professeurs
de maintien de la Restauration.
1. Dans cette lettre importante (citée par MM. Legrelle et Délerot) Houdon dit qu’il
fondit deux statues de Diane et une Frileuse, — et il semble ressortir des termes
de la lettre que ces travaux seraient antérieurs à 1787. La fonte de Y Apollon
remonterait à cette même année 1787. « Depuis la Révolution, ajoute-t-il, n’ayant
plus d’ouvrage, — presque tous mes ouvrages étaient faits et payés par l’étranger,
— voulant soutenir mon atelier et empêcher des ouvriers précieux de porter leurs
talents à l’étranger, je pris sur le fonds d’une fortune modique de quoi continuer
des travaux de ce genre, je fondis des bustes de grands hommes : Molière, Buffon,
Voltaire, Rousseau. . Quoique père de famille, je fondis mon Ecorché en 1792... »
MM. Legrelle et Délerot ont eu connaissance de lettres importantes d’Houdon, dont
ils n’ont cité que des fragments sans indication d’origine. Il serait bien précieux de
pouvoir en retrouver la trace.
287
quait, unissant en tout, comme les vieux maîtres dont l’aristocratie
académique devait de plus en plus réduire le nombre au plus grand
dommage de l’art vivant, une connaissance pratique, une science
technique complète de tout ce qui concernait son état1.
Ij Apollon, conçu dans les mêmes donnés que la Diane porte sur le
socle cette inscription : « Houdon. F. 1790, pour Girardot de Marigny,
négociant à Paris. » C’est chez ce même Girardot de Marigny qu’en
1783 la Diane avait été exposée, rue Vivienne. L’œuvre est égale-
ment charmante, avec peut-être un souvenir plus direct de l’antique.
— On a vu avec quel respect Houdon en parlait et l’on est étonné que
les néo-classiques de la Restauration ne lui en aient pas tenu plus de
compte. Quatremère de Quincy, qui lui rend d’ailleurs pleine justice,
et qui, — en marquant bien entendu l’inégalité des talents, -- compare
son influence à celle de Vien, ajoute : « Sans doute le style antique
ne se montrait pas chez lui dans son imposante sévérité; il savait
bien pourtant ce qu’il y faut admirer, mais il savait aussi qu’en
s’attachant à le reproduire avec trop de fidélité, il aurait été, à cette
époque de corruption, frappé de ridicule par la plupart des artistes
et par leurs admirateurs qui affichaient le plus profond dédain pour
les chefs-d’œuvre de l’antiquité. » Cette explication pourrait être
contestée!... Il serait plus juste de dire que cette « époque de corrup-
tion » fut un des beaux moments de la sculpture française; — qu’elle
eut alors, sans rien perdre de sa grâce native et de sa spontanéité,
plus de mesure et de tenue qu’à l’époque immédiatement antérieure
et autant de science qu’elle en posséda jamais. — L’heure allait
sonner, où sous prétexte d’antique, de style et de sublime, on allait
jeter sur ses épaules un manteau glacé, soumettre au régime d’une
orthopédie spéciale la verdissante fille, et la faire passer sous la
férule des sergents instructeurs du premier Empire et des professeurs
de maintien de la Restauration.
1. Dans cette lettre importante (citée par MM. Legrelle et Délerot) Houdon dit qu’il
fondit deux statues de Diane et une Frileuse, — et il semble ressortir des termes
de la lettre que ces travaux seraient antérieurs à 1787. La fonte de Y Apollon
remonterait à cette même année 1787. « Depuis la Révolution, ajoute-t-il, n’ayant
plus d’ouvrage, — presque tous mes ouvrages étaient faits et payés par l’étranger,
— voulant soutenir mon atelier et empêcher des ouvriers précieux de porter leurs
talents à l’étranger, je pris sur le fonds d’une fortune modique de quoi continuer
des travaux de ce genre, je fondis des bustes de grands hommes : Molière, Buffon,
Voltaire, Rousseau. . Quoique père de famille, je fondis mon Ecorché en 1792... »
MM. Legrelle et Délerot ont eu connaissance de lettres importantes d’Houdon, dont
ils n’ont cité que des fragments sans indication d’origine. Il serait bien précieux de
pouvoir en retrouver la trace.