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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

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Nr. 4
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Mantz, Paul: La peinture française, 3: [Exposition Universelle de 1889]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0380

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LA PEINTURE FRANÇAISE.

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temps aussi prolongé. Quelle science acquise et quelle fraîcheur de
sentiment dans le Lac de Garde (à M. Lutz) ! Quelle verdure coura-
geuse et sans mélange dans le Paysage d’Artois (à M. Tabourier) ! La
Vue de la Rochelle (à M. Robaut), dont nous avons jadis dit les mérites,
est un tableau exceptionnel, un tableau clair, presque blanc, mais
d’une justesse de vision véritablement admirable. Et Corot est aussi
fort quand il invente que quand il copie. Son imagination est inépui-
sable. Voyez le Bain de Diane du Musée de Bordeaux, et tant d’autres
paysages poétiques

Où le silence dort sur le velours des mousses,

où le matin mouillé sourit dans des fraîcheurs d’aurore, où l’on
entend, à la tombée du crépuscule attendri une invisible musique
chanter dans les bois : tous ces tableaux, d’une nouveauté intacte
malgré les années, doivent être salués comme d’éternels chefs-
d’œuvre.

Corot a été aussi un peintre de figures. Et c’est même là qu’il a
montré qu’il y avait en lui l’étoffe d’un coloriste. Un modèle entrait
chez lui : il le revêtait d’un costume de fantaisie, cherchant les notes
chantantes, parfois dans le contraste des tons, parfois dans la mélodie
des analogues, et notant finement baccent que prennent les chairs
quand elles se juxtaposent aux couleurs tour à tour modérées ou
vives. C’étaient là des études qu’il faisait pour lui, en bon musicien
qu’il était. La Femme assise (à M. H. Rouart) est une merveille de
coloration et nous avons regret à penser que Delacroix, le maître des
harmonies, ne l’a peut-être jamais vue. Il est désormais certain que,
dans un chapitre sur les coloristes modernes et même sur les colo-
ristes de tous les temps, Corot pourrait réclamer l’honneur d’un para-
graphe spécial.

Toutes ces nouveautés et beaucoup d’autres passèrent longtemps
inaperçues. On ne comprit pas tout d’abord quel principe fécond Corot
apportait dans la peinture. Ce n’est même qu’aux dernières années
de la vie du maître que son importance devint évidente. Ces clartés,
ces transparences, ces vibrations de la lumière que la jeune école
exalte aujourd'hui et qu’elle cherche dans les effets de « plein air »,
Corot les a devinées, il les a notées, il les a écrites, en un temps où elles
n’avaient pas encore de nom dans le langage des ateliers. C’est pour
exprimer ce tremblotement de l’air et cette caresse du rayon sur
les choses qu’il a paru se plaire quelquefois aux formes indécises et
 
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