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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

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Nr. 4
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Michel, André: La sculpture, 3: Exposition Universelle de 1889
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https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0431

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LA SCULPTURE.

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morceau d’une simplicité si puissante, d’une verdeur si saine, fait
penser à Rude en même temps que la face rabelaisienne du faune
éveille le souvenir de maître François, — et l’on a là, comme une
double saveur de terroir, un extrait de belle sève française.

Par son maître Carpeaux, Dalou descend aussi de Rude. Nous
avons ici ses chefs-d'œuvre : le Blanqui, qui se souvient du Cavai-
gnac ; — deux bustes merveilleux de Roche fort et de Vacquerie ; — la
République et les États généraux. Personne ne regrette l’absence de
quelques morceaux où l’on voyait poindre comme la menace d'un
peu de gongorisme ou de bcindinellisme. — Dans ses manifestations
les plus simples, le talent de Dalou s’affirme avec une autorité et une
puissance supérieures. Par la clarté, l’élan, la fierté et la robuste
conviction de l’allure, ces deux bas-reliefs, animés d’un grand
souffle, 11e sont pas indignes du maître de l’Arc de Triomphe de
l’Etoile ; — tout compte fait de la différence des temps, ils se ratta-
chent à la même tradition, et l’on n’en saurait faire de plus élo-
quent éloge.

Il y a une grande force chez Rodin. Il expose avec l'Age de Pierre
ses beaux bustes d'Antonin Proust, de Dalou et de Victor Hugo. Je
ne cacherai pas que quelques-uns de ses amis ont été un peu déçus de
ne pas voir paraître à cette exposition la Porte du Musée des Arts
décoratifs, célébrée si souvent et dans une littérature si colorée par
quelques chroniqueurs de talent. On comptait sur cette décisive mani-
festation pour affirmer devant le grand public l’autorité et la maîtrise
d’un puissant artiste. Il faut attendre encore ; — et nous sommes
de ceux qui attendront avec confiance.

Il ne faudrait pas cependant qu’à force de la célébrer, cette porte
de bronze, on l'empèchàt de la finir. J’ai peur, — s’il faut tout dire, —
que les littérateurs n’aient un peu envahi cet atelier laborieux. L’un
d’eux nous racontait, il y a quelques semaines, comment avec quelques
amis, il avait un jour révélé Baudelaire à Rodin ; — un autre (celui-là
même qui a signé cette stupéfiante affirmation : « Les cathédrales
gothiques sont nées du regard d’amour qu’un homme en cheminant
a jeté sur les grandes allées de nos forêts»), un autre nous en faisait
un portrait si extraordinaire et nous montrait à admirer chez lui des
choses si imprévues, des intentions si déconcertantes, qu’011 en vient
à se demander avec inquiétude s’il n’y a pas là quelque énorme malen-
tendu, et si, en le poussant vers le Baudelairisme à outrance, ces
bruyants amis ne risquent pas de lui troubler un peu la cervelle et de
l’induire en une sorte de romantisme décadent, où son talent ne
 
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